Il s'agit presque d'un sujet tabou. Dès que j'aborde les rentes viagères, mes clients retraités répliquent que les taux d'intérêt sont trop bas. Justement, c'est pour cela qu'il faut s'y intéresser.
Avec des taux de moins de 3 % sur les CPG et les obligations de qualité, les retraités découvrent le risque de longévité, soit de survivre à leurs épargnes. Préoccupant, quand on sait qu'à 65 ans, un homme a une chance sur quatre d'atteindre 91 ans et une femme, 95 ans. Comment vivre de son capital aussi longtemps ?
Il n'y a pas que les retraités en bonne santé qui doivent s'inquiéter du risque de longévité. Leurs grands enfants aussi, car ils devront soutenir financièrement leurs parents si ceux-ci manquent d'argent.
Un revenu garanti votre vie durant
Il existe plusieurs types de rentes, mais attardons-nous aux rentes viagères traditionnelles, garanties1 et souscrites avec des sommes enregistrées, soit celles qui proviennent de REER, CRI, FERR, FRV.
Seule une rente viagère vous garantit un revenu régulier votre vie durant. Le principe de base est simple : vous échangez une portion de votre capital (en y renonçant) en retour d'une prestation mensuelle garantie à vie, constituée d'une portion de votre capital et d'intérêts. Plus vous vivrez vieux, plus votre rente sera payante.
Souscrite auprès d'une compagnie d'assurance, cette dernière tient compte du capital utilisé, de votre espérance de vie, de votre sexe et des taux d'intérêt à long terme en vigueur, pour déterminer combien elle vous versera chaque mois tout au long de votre vie. D'où l'adjectif viager.
Pour un même capital à la souscription de la rente, une espérance de vie moindre signifie une prestation supérieure.
- Entre deux souscripteurs du même sexe, le plus âgé recevra plus.
- Entre un homme et une femme du même âge, l'homme recevra plus (voir tableau exemples de rentes viagères enregistrées).
Les assureurs pourraient éventuellement décider de réévaluer le risque de longévité des rentiers et ainsi offrir des rentes moins généreuses, en sachant qu'ils devront en payer les prestations plus longtemps.
Plusieurs options sont offertes
Il est faux de croire qu'une rente viagère cesse au décès : tout dépend de vos objectifs et des options choisies lors de la souscription. Plus vous ajoutez d'options, moins la prestation est élevée. Faites les bons choix : après, il sera trop tard pour changer d'idée.
- Réversibilité : au décès, une fraction (50, 60 voire 100 %) de la prestation continue d'être versée au conjoint sa vie durant.
- Garantie de paiements pendant une période définie : si le rentier principal décède avant la fin de la période choisie (5, 10 ou 15 ans par exemple), les versements vont au conjoint jusqu'à l'échéance ou une valeur actualisée est versée aux bénéficiaires. Par exemple, si le rentier principal vit jusqu'à 105 ans, il continue de recevoir sa prestation.
- Indexation : une rente indexée, de 2 à 4 % par année, offre une prestation initiale inférieure (souvent de 20 %) à la rente non indexée, mais augmente ensuite chaque année.
Quand vient le moment de convertir votre REER
Si ce n'est déjà fait, vous devez convertir votre REER en FERR (fonds enregistré de revenu de retraite), en rente viagère ou en une combinaison des deux, au plus tard durant l'année de vos 71 ans. Né en 1943 ? C'est en 2014 que vous devez procéder à la conversion, mais vous pouvez attendre en 2015 pour commencer les retraits.
FERR ou rente viagère ? Voici des pistes pour faire des choix éclairés.
Le FERR pour :
- Contrôler votre capital : vous choisissez vos placements.
- Contrôler vos retraits : retrait imposable minimum annuel requis. Vous pourriez disposer du capital plus rapidement ; par exemple, si votre état de santé se détériorait ou que vous touchiez le capital à la suite de la vente de votre propriété.
- Compléter les revenus garantis de votre régime de pension.
- Compléter vos placements non enregistrés.
- Favoriser vos héritiers s'il reste de l'argent dans le FERR.
Le taux de retrait minimum d'un FERR basé sur l'âge de 71 ans atteint 7,38 %. Il augmente chaque année : 8 % à 76 ans, 9 % à 81 ans et 20 % à 94 ans... Les revenus des placements dans le FERR ne suffisent pas : il faut gruger dans le capital pratiquement chaque année. En réalité, même si le taux du retrait annuel augmente en pourcentage, le retraité reçoit moins d'argent presque chaque année. Aucun portefeuille, si robuste soit-il, ne peut soutenir à long terme ce rythme de décaissement imposé par le fédéral au début des années 1990.
La rente viagère permet de :
- Réduire votre risque de longévité. Si vous êtes en bonne santé, c'est-à-dire que vous survivez à votre capital.
- Garantir une partie de vos revenus à vie.
- Recevoir à long terme une prestation supérieure au retrait du FERR.
- Ne plus assumer le risque des marchés financiers. Si la Bourse va mal ou que les taux d'intérêt n'augmentent pas, ce n'est plus votre problème : c'est celui de l'assureur.
Un exercice à faire
Le moment est-il idéal pour souscrire une rente ? Non, mais il l'est encore moins pour détenir un FERR composé uniquement de titres à revenu fixe.
Malgré l'augmentation des taux d'intérêt à long terme en 2013, je préférerais que ceux-ci soient plus élevés pour recommander les rentes viagères. Un taux supérieur de 1 % au moment de souscrire une rente se traduit par une prestation majorée d'environ 10 % pour le reste de vos jours. Mais qui peut prédire la prochaine hausse de taux ? Sans oublier qu'une hausse de taux réduit la valeur marchande des obligations que vous vendrez pour acheter la rente.
Si vous ne comptez que sur votre FERR en titres à revenu fixe, dont le solde diminue chaque année, tout comme vos retraits, pouvez-vous omettre de prendre une rente viagère en considération ? Non, vous devez au moins faire l'exercice, afin d'évaluer les avantages et les inconvénients de chaque option. De même, si votre portefeuille est équilibré, envisagez de remplacer une portion des titres à revenu fixe du FERR par une rente viagère.
Enfin, rappelez-vous qu'un REER ou un FERR peuvent être convertis en rente viagère (en totalité ou en partie), et ce, graduellement. Entre le FERR ou la rente, aucune option n'est parfaite. À vous d'établir vos priorités.
1 Pour les garanties, consultez www.assuris.ca
Hélène Gagné, F.Adm.A, gestionnaire de portefeuille chez Gestion privée PEAK (une division de Valeurs mobilières PEAK) Pl. Fin. et conseillère en sécurité financière, Gagné, Morin & Associés M.T.L.