Après plusieurs décennies d'essor des obligations, on peut dire sans crainte que l'extrême faiblesse des taux d'intérêt actuels nous fait chavirer le cerveau.
Qui, au début de 2014, aurait pu deviner que les obligations connaîtraient une telle poussée? Et bien peu étaient ceux qui avaient prédit que les obligations gouvernementales à long terme, profondément malaimés de la plupart des investisseurs pour leur extrême sensibilité aux changements de taux d'intérêt, constitueraient une des catégories les plus performantes cette année, avec un gain de plus de 12 %. Avec des taux d'intérêt aussi bas, il faut un microscope pour voir ce que rapporte un fonds obligataire de base, et ne parlons même pas des fonds du marché monétaire.
La persistance de taux faibles a laissé de nombreux investisseurs assoiffés de revenus et a défié la sagesse populaire sur la composition que devrait avoir un portefeuille de retraité. Ces taux ont aussi donné lieu à un tas de questions. Si les taux augmentent, où les investisseurs obligataires devraient-ils se réfugier? Les obligations, les actions à dividendes ou les liquidités seront-elles plus sûres que les fonds obligataires de base que l'on a conseillé de conserver à tant d'investisseurs? La règle des 4 % est-elle toujours de mise, considérant la faiblesse des rendements obligataires?
Les réponses à ces questions ne sont pas clairement tranchées, ce qui prête beaucoup à confusion. Voici quelques mythes qui entourent les titres producteurs de revenu en ce moment. D'accord, ce ne sont pas tous des mensonges purs et simples, et certains peuvent se vérifier dans certaines situations. Mais au minimum, les investisseurs ne devraient pas les prendre argent comptant sans une réflexion sur leur propre situation, notamment le temps dont ils disposent.
Premier mythe : Si les taux sont appelés à augmenter, on fait toujours mieux d'acheter des obligations que des fonds obligataires.
C'est une idée qui revient constamment, et je ne dis pas qu'il n'y a pas un fonds de vérité là-dedans… il y a plus que ça. Si vous achetez une obligation au moment de son émission et que vous la conservez jusqu'à son échéance, vous finirez par récupérer votre argent, avec en plus des paiements d'intérêts, à supposer que vous ayez acheté l'obligation d'un émetteur fiable. En revanche, vous ne récupérerez pas toujours l'argent que vous avez placé dans votre fonds obligataire. Par exemple, disons que vous avez placé votre argent dans un fonds obligataire à long terme et que les taux d'intérêt ont connu une hausse de deux points de pourcentage entre le moment de votre achat et celui où vous le vendez. Il est très probable que les obligations de votre portefeuille ont baissé de valeur au cours de votre période de détention, même si le rendement à l'échéance de votre fonds s'est accru. (Bien sûr, le contraire peut aussi se produire : les taux peuvent chuter comme ils l'ont fait cette année, et le détenteur du fonds obligataire peut voir la valeur de son capital augmenter, même si le rendement du fonds a baissé.)
Pour certains investisseurs, cela peut paraître comme une condamnation pure et simple des fonds obligataires, surtout si l'on considère la direction à long terme probable des taux d'intérêt : vers le haut. Mais bien qu'acheter et conserver des obligations puissent vous aider à circonvenir un type de risque que le détenteur du fonds obligataire confronterait carrément, vous pourriez bien avoir à faire face à un coût d'opportunité, ce qui est aussi un risque. Si les taux montent et que vous êtes déterminé à ne pas perdre d'argent sur votre obligation, vous allez devoir la conserver jusqu'à l'échéance. En revanche, alors que les diverses obligations d'un portefeuille obligataire arrivent à échéance (et même si ce n'est pas le cas), le fonds obligataire peut tirer profit de nouvelles obligations à rendement plus élevées au fur et à mesure qu'elles sont lancées. Cela contribuera à compenser les pertes de capital éventuelles encourues par le fonds alors que les taux augmentent.
Les acheteurs d'obligations peuvent faire quelque chose de comparable en construisant des portefeuilles d'obligations aux échéances échelonnées de manière à s'assurer qu'ils peuvent tirer profit de divers taux d'intérêt. Toutefois il faudra peut-être beaucoup d'argent pour échelonner un portefeuille d'obligations tout en assurant une diversification adéquate entre plusieurs types d'obligations différentes. Et lorsque l'investisseur y parvient finalement, le portefeuille en vient à ressembler étrangement à -- vous l'avez deviné -- un fonds obligataire. Les acheteurs d'obligations peuvent aussi encourir des coûts transactionnels importants. (Cet article évoque certains des risques auxquels on s'expose en achetant des obligations.) Bien entendu, un investisseur peut fort bien choisir d'acheter des obligations plutôt que de souscrire à un fonds obligataire, mais il n'est pas vrai que, ce faisant, il encourt automatiquement un risque inférieur à celui que présente la souscription à un fonds. C'est donnant-donnant.
Deuxième mythe : Les actions à dividendes sont plus sûres que les obligations.
Dans le même ordre d'idées, certains investisseurs ont complètement laissé tomber les obligations et les ont supplantées par des actions à dividendes.
Avec les actions à dividendes, non seulement vous pouvez vous procurer un revenu, mais vous pouvez aussi faire fructifier votre capital si la valeur de l'action augmente au cours de votre période de détention; votre société peut aussi augmenter ses dividendes avec le temps. Pour ceux qui ont plus de temps devant eux, les actions à dividendes, et peut-être toutes les actions, sont assez sûres, puisque les actions ont généré des rendements positifs surdes périodes mobiles de 10 ans près de 95 % du temps.
Mais comme pour l'achat d'obligations, il y a un compromis à la clé. Bien sûr, les actions, et même celles de haute qualité qui versent des dividendes, ont une volatilité beaucoup plus élevée que les obligations, comme on l'évoque ici , ce qui en fait de mauvais choix pour les investisseurs qui peuvent avoir besoin de retirer leur argent en moins de 10 ans. De plus, les actions ne sont pas imperméables aux augmentations des taux d'intérêt, et parce que les investisseurs utilisent de plus en plus les actions à dividendes en lieu et place des obligations, elles peuvent être vulnérables à la vente si les taux augmentent et que les obligations deviennent plus attrayantes (les titres apportant un revenu élevé comme les actions des services publics et les fiducies de placement immobilier ont senti la pression monter lorsque les taux ont flambé pendant l'été de 2013, par exemple). Enfin, il convient de noter que les sociétés peuvent réduire leurs dividendes pendant les périodes difficiles, comme trop d'investisseurs dépendant des dividendes en ont fait la douloureuse expérience au cours de la crise financière. Pour ces raisons, j'ai avancé que les investisseurs pourraient raisonnablement orienter une portion de leur portefeuille obligataire vers les actions à dividendes (surtout s'ils ont suffisamment de temps devant eux pour en adoucir les cahots), mais ils ne devraient pas y mettre tout leur argent.
Troisième mythe : Les liquidités sont plus sûres que les obligations.
Bien entendu, celui-ci est théoriquement vrai. Après tout, les instruments liquides assurés par la SADC garantissent que l'on ne perd pas d'argent, et ce n'est pas une assurance que l'on a avec un fonds obligataire quelconque, même s'il contient des émissions à court terme. Si vous avez de l'argent que vous ne pouvez pas vous permettre de perdre parce que vous allez vous en servir l'année prochaine pour régler les frais d'inscription de votre enfant à l'université, votre facture d'impôts fonciers ou vos frais de subsistance de retraité pour 2015, il est préférable de ne pas s'aventurer sur l'échelle du risque en achetant des obligations. C'est vrai quelle que soit la direction possible des taux d'intérêt.
Mais si vous avez plus de temps devant vous, enfouir trop d'argent dans les liquidités veut dire que vous êtes pratiquement assuré de perdre de l'argent une fois que l'inflation est intégrée à l'équation. Les investisseurs pourraient dire qu'ils ne vont convertir en liquidités l'argent qu'ils ont investi dans les obligations que jusqu'à ce que les taux d'intérêt remontent à un niveau plus substantiel et que les craintes d'un choc de taux d'intérêt s'évanouissent. Mais comment pourront-ils savoir que ce moment est arrivé? Comme pour tous les points d'inflexion du marché, les cloches ne vont pas se mettre à sonner pour vous faire savoir qu'il convient de réinvestir dans les obligations. Une meilleure stratégie est de faire correspondre votre horizon temporel avec la durée de vos avoirs obligataires : des actifs à très court terme en liquidités, des actifs à moyen terme (disons trois à dix ans) en obligations de base, et des avoirs à long terme dans un portefeuille diversifié d'actions.
Quatrième mythe : Les distributions de revenu n'entrent pas dans le calcul de votre taux de retrait.
Par opposition aux trois affirmations précédentes, qui peuvent se vérifier dans certaines situations, celle-ci n'est jamais vraie. Et pourtant j'ai entendu des investisseurs dire que parce qu'ils ne dépensent que les distributions de revenu que leur portefeuille leur procure, leur taux de retrait est de zéro.
Pas étonnant qu'il règne une telle confusion sur les taux de retrait pendant la retraite. Le mot « retrait » fait partie du malentendu. (C'est une des raisons pour lesquelles je préfère dire : « Taux de dépense ».) On présume souvent que, si l'on utilise par exemple l'expression « La règle des 4 % de retrait », cela signifie que l'on peut retirer 4 % de son capital, et que les distributions de revenu que son portefeuille peut apporter arrivent en prime.
En réalité, ce 4 % est censé être votre taux de revenu total, c'est-à-dire que vos revenus peuvent provenir de vos distributions en intérêt et dividendes, et des retraits en capital, et vous êtes en sécurité si ce total est inférieur à 4 %. La raison en est que tout revenu qui n'est pas réinvesti dans le portefeuille réduit son taux de croissance tout autant que si l'on en retirait 4 % après avoir réinvesti ces dividendes. Pour toutes informations complémentaires sur la règle des 4 %, veuillez consulter cet article .