Vous prenez grand soin des multiples volets de votre planification financière. La facette «assurance vie» vous semble cependant superflue. Pourtant, même pour les plus fortunés, cette dernière recèle des possibilités financières méconnues. Des experts proposent un regard neuf sur cette mal-aimée de l'industrie.
Quand vient le moment de discuter du sujet, Diane Hamel, vice-présidente adjointe à la Financière Manuvie, s'anime. C'est qu'il y a plusieurs raisons pour lesquelles les personnes nanties se procurent de l'assurance vie. «Certaines veulent prévoir les liquidités requises au paiement des impôts au décès, et d'autres veulent s'assurer du transfert efficace de leur patrimoine à la prochaine génération. Le fait de vouloir accumuler des sommes à l'abri de l'impôt ou de maximiser les dons de bienfaisance à une oeuvre de charité sont aussi des motifs invoqués», explique-t-elle. Sans compter la diversification que peut procurer un tel produit financier à l'actif familial.
1. Hériter... d'une prestation
L'assurance vie est donc un instrument financier efficace en matière de planification fiscale et successorale. Par exemple, les contribuables qui possèdent un chalet ou des immeubles à revenus susceptibles d'être légués aux enfants lors du décès du deuxième parent peuvent préserver le patrimoine à transmettre à la génération suivante en désignant les héritiers comme bénéficiaires d'un contrat d'assurance vie. «Au lieu d'assumer de leur poche l'impôt à payer sur le gain en capital réalisé au moment du décès des assurés - qui sont réputés avoir disposé de leurs biens à leur juste valeur marchande au décès -, les héritiers peuvent plutôt compter sur une prestation non imposable», dit Claude Couillard, conseiller en sécurité financière à La Capitale Assurance et services financiers.
Les entrepreneurs peuvent aussi y trouver leur compte. Les gens d'affaires qui accumulent des liquidités excédentaires dans une société par actions (une société de gestion constituée à cet effet) en provenance d'une autre société opérante - leur pratique professionnelle, par exemple -, peuvent également bénéficier de stratégies fiscales établies sur une assurance vie en y investissant une partie de cet argent. «Les gens préfèrent généralement accumuler des liquidités excédentaires dans une société qui n'a pas de créanciers», observe Mme Hamel.
Des nuages s'amassent à l'horizon. «Les changements législatifs annoncés récemment par le gouvernement conservateur rendront les produits d'assurance vie pour les gens fortunés moins attrayants dans les années à venir», affirme Paul Lalonde, vice-président et directeur national chez BMO Nesbitt Burns. Parmi les principaux points à considérer, l'expert souligne que la partie imposable d'une rente viagère prescrite augmentera, diminuant ainsi le montant net disponible pour le rentier. La capacité de mettre des sommes à l'abri de l'impôt par l'intermédiaire d'un contrat d'assurance vie sera également revue à la baisse.Bien que la date officielle de l'entrée en vigueur de ces modifications ne soit toujours pas confirmée, plusieurs s'entendent pour dire que le 1er janvier 2017 serait le moment déterminant. «Les polices souscrites avant la date en question conservent leur statut fiscal privilégié», précise M. Lalonde. Il s'agit donc d'un bon moment pour s'y intéresser, selon lui.
Afin de démontrer l'efficacité d'une stratégie d'assurance «pure», Diane Hamel propose de comparer la valeur du patrimoine d'un homme de 55 ans, non fumeur et en bonne santé, dont le taux marginal d'imposition est de 49,97 % et dont l'espérance de vie présumée est de 29 ans, en fonction de deux scénarios d'investissement différents : le premier, dans un contrat d'assurance vie universelle qui procure une protection viagère permanente et dont la prestation sera éventuellement versée en franchise d'impôt à ses héritiers, et le second, dans un placement qui génère des intérêts.
L'investissement d'une somme de 19 745 dollars par an sur une période de 10 ans dans un contrat d'assurance vie procure ainsi une valeur successorale nette de 500 000 dollars aux bénéficiaires désignés au moment du décès de l'assuré, en fonction d'un rendement nul sur les sommes investies.
L'investissement équivalent effectué en certificats de placement garanti (CPG), à un taux de rendement brut de 4,5 %, ne permet que d'accumuler une valeur successorale nette de 341 379 dollars à 84 ans (soit 29 ans plus tard). Pour le même montant investi, vos héritiers devront se débrouiller avec 158 621 dollars de moins. «Pour obtenir 500 000 dollars à 84 ans, le CPG devrait générer un rendement annuel de 7,67 % pendant 29 ans», fait valoir la comptable.2. Quand la philanthropie devient stratégique
L'assurance vie est souvent utilisée en guise de remplacement du patrimoine. Par exemple, un couple pourrait décider de faire un don à un organisme de bienfaisance sans compromettre le montant à léguer aux héritiers. «L'assurance vie peut jouer un rôle important dans les stratégies de dons planifiés», soutient Diane Hamel.
Le couple en question effectue un don de 100 000 dollars à l'organisme choisi et reçoit subséquemment 50 000 dollars en crédits d'impôt. Une fois obtenue, cette somme est immédiatement appliquée au paiement de la prime associée au contrat d'assurance vie conjoint, payable au deuxième décès. La succession, qui est désignée comme bénéficiaire, recevra une prestation de 200 000 dollars.
La tranche initiale de 100 000 dollars dont disposaient le couple leur a donc permis de générer un don substantiel du même montant, de bénéficier d'une protection d'assurance-vie de 200 000 dollars dont le coût demeure nul pour les assurés, et de transmettre éventuellement - au décès du dernier survivant - un montant non imposable de 200 000 dollars à la succession. Il s'agit donc d'un bon moyen de faire un don planifié, sans diminuer les sommes que vous souhaitez léguer à vos héritiers.3. Une police à titre de garantie d'emprunt
Il est aussi possible de recourir à un contrat d'assurance vie assorti d'une valeur de rachat pour garantir un emprunt bancaire. Diane Hamel explique le principe de l'assurance vie à effet de levier immédiat.
«Cette stratégie consiste à placer une somme importante dans un contrat d'assurance vie exonéré, puis à y accéder immédiatement au moyen d'une avance ou d'un prêt», dit-elle.
La somme déposée doit être supérieure aux coûts de la prime d'assurance et des frais associés au contrat, dans les limites du maximum permis par la Loi de l'impôt sur le revenu. Le contrat est ensuite cédé en garantie de l'emprunt. Si l'assuré décède avant que le prêt ne soit remboursé en entier, le produit de l'assurance sert à rembourser le solde impayé du prêt, et tout excédent est versé en franchise d'impôt au bénéficiaire désigné.
Cette stratégie pourrait donc vous permettre de bénéficier simultanément d'une couverture d'assurance et des avantages du financement par emprunt.
Puisque cette solution financière repose sur trois documents juridiques différents - le contrat d'assurance en tant que tel, l'hypothèque mobilière et l'acte de prêt -, «il vaut mieux consulter fiscaliste, comptable et avocat avant d'utiliser un tel effet de levier», suggère Mme Hamel.4. La rente-assurance au service du retraité
Comme son nom l'indique, la rente-assurance prévoit la souscription de deux contrats : une rente viagère et une assurance vie. Cette combinaison permet souvent d'obtenir un revenu plus élevé pour l'épargnant que celui généré par des placements à taux fixe, tout en préservant la valeur successorale initiale pour les héritiers.
Un épargnant débourse un montant de capital pour souscrire un contrat de rente prescrit qui lui procure des prestations de rente fixes et régulières sa vie durant. L'épargnant souscrit en plus un contrat d'assurance vie permanente, qui comporte un capital-décès égal au montant de la somme affectée à la souscription de la rente. Une partie de la rente reçue est affectée au paiement des primes du contrat d'assurance vie. Dans sa version traditionnelle, la rente prend fin d'office au décès du rentier. Le capital assuré est alors versé aux bénéficiaires désignés.
Diane Hamel propose l'exemple d'un homme de 72 ans et de son épouse de 70 ans, non fumeurs et en bonne santé, pour démontrer l'utilité de la rente-assurance. Dans le scénario suggéré, la rente est réversible, c'est-à-dire que son versement continue jusqu'au décès du dernier conjoint, et le capital-décès n'est donc versé qu'à ce moment. Un capital de 250 000 dollars est affecté à la souscription d'un contrat de rente viagère prescrit, de sorte que ces retraités n'ont plus accès à ce capital de leur vivant, en échange d'un revenu annuel de 15 868 dollars, duquel doivent être soustraits l'impôt à payer de 1 249 dollars - sur la base d'un taux d'imposition de 49,97 % - et la prime annuelle de 6 328 dollars de la police d'assurance vie. Le couple peut donc compter sur des liquidités annuelles de 8 291 dollars et sur une valeur successorale de 250 000 dollars, vu le contrat d'assurance en vigueur.S'il se contente d'un placement imposable (rendement de 4,50 %, taux d'imposition marginal de 49,97 %) plutôt que de la rente-assurance, le couple génère un revenu imposable de 11 250 dollars et doit donc assumer une facture fiscale de 5 622 dollars. Ses liquidités nettes annuelles tombent ainsi à 5 628 dollars. Ce couple peut néanmoins compter sur une valeur successorale nette équivalente de 250 000 dollars.
«Pour obtenir un rendement qui équivaut à celui de la rente-assurance, le rendement avant impôt nécessaire devrait être de 6,63 % au lieu de 4,50 %», calcule la spécialiste. C'est que le contrat de rente prescrit bénéficie notamment d'une imposition fiscale avantageuse. Puisque le paiement de la rente représente un amalgame de capital et d'intérêts, seule une partie de cette dernière est imposable, en fonction des règles fiscales.
Temporaire ou permanente?
Claude Couillard, conseiller en sécurité financière à La Capitale Assurance et services financiers, rappelle qu’une protection d’assurance vie peut-être soit temporaire, soit permanente, et que les deux types de contrat satisfont des besoins bien différents. « L’assurance temporaire protège un individu pour une durée déterminée, le temps de lui permettre de se libérer de ses engagements financiers », dit-il. Elle s’avère ainsi la protection optimale à moindre coût pour couvrir le risque associé à la durée d’un prêt hypothécaire imposant. « Le contrat temporaire est tout aussi indiqué si l’assuré souhaite maintenir la qualité de vie de sa famille dans l’éventualité du décès d’un des parents », ajoute-t-il. L’assurance permanente, viagère, mais plus coûteuse, permet plutôt le règlement financier des frais funéraires et juridiques, ainsi que la facture fiscale qui suit inévitablement le décès.
RRQ: des miettes... imposables!
Mieux vaut ne pas trop compter sur la prestation de décès du Régime des rentes du Québec pour régler les frais associés aux funérailles. Une prestation de décès imposable d’un montant maximal de 2 500 dollars sera versée en priorité à la personne qui a payé les frais funéraires pourvu que le défunt ait suffisamment cotisé de son vivant.
> Plus de 21 millions de Canadiens possèdent une assurance vie pour mettre leurs familles à l’abri de difficultés financières futures. (2013)
> Le montant d’assurance vie moyen s’élevait à 189 600 dollars par assuré et à 373 400 dollars par ménage assuré. (2013)
Source : Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes. (ACCAP)