Pendant la crise du crédit, en 2008, les investisseurs se sont rués sur les obligations gouvernementales. " Tous aux abris ! " était le mot d'ordre.
Évidemment, quand les bourses s'effondrent et que les banques ne prêtent plus aux entreprises, la seule issue de secours pour sécuriser son capital est les titres garantis par les gouvernements.
Cela a eu pour effet de faire grimper la valeur marchande des obligations gouvernementales, alors que les banques centrales ont abaissé les taux à des niveaux planchers (une baisse des taux fait grimper le prix des obligations, et inversement).
Tant et si bien que deux ans plus tard, les titres de dette des gouvernements (fédéral, provinciaux et même municipaux) rapportent peu. Le rendement sur une obligation fédérale de 10 ans n'était plus que de 2,68 % le 7 octobre.
Les gestionnaires de portefeuilles ont dû s'adapter. " Nos clients veulent avoir du rendement et nous devons trouver des moyens de leur en procurer ", dit Guylaine Raby, vice-présidente et portefeuilliste chez Valeurs mobilières Desjardins.
À l'instar de plusieurs collègues, elle se tourne maintenant vers les obligations de sociétés.
Parmi les obligations qui ont une échéance de 10 ans, on peut trouver par exemple celle de Rogers Communications, qui rapporte 4,48 %. Du côté des banques, une obligation de la Scotia venant à échéance en 2017 procure un rendement de 3,17 %, selon PC Bond Analytics.
Un bilan sain
Évidemment, les obligations de sociétés n'offrent pas les garanties presque blindées qui sont l'apanage des titres des gouvernements. Toutefois, si l'entreprise est en bonne santé, qu'elle dégage un bénéfice et des flux de trésorerie largement supérieurs aux intérêts sur ses dettes, les risques sont limités.
" Si on pense que la croissance économique se poursuivra, les obligations de sociétés offrent une solution intéressante ", dit Stéfane Marion, stratège en chef à la Banque Nationale Financière (BNF). " Le bilan financier des entreprises est meilleur que celui de plusieurs gouvernements ", ajoute-t-il.
D'ailleurs, M. Marion surpondère actuellement les obligations de sociétés dans la partie revenus fixes de son portefeuille modèle. Alors que l'indice obligataire universel DEX comprend 26,2 % d'obligations de sociétés, la BNF recommande plutôt une proportion de 30,1 %.
Une prime de risque intéressante
Jeffery Lusher, vice-président et directeur régional, gestion de placement, chez BMO Banque privée Harris, a lui aussi un penchant plus favorable aux obligations de sociétés. " Si on veut un rendement courant intéressant et que l'économie se porte bien, je préfère les obligations de sociétés aux obligations gouvernementales, car celles-ci perdront plus de valeur marchande avec la hausse éventuelle des taux d'intérêt. "
Il explique que les obligations des gouvernements réagissent davantage aux variations dans les taux, parce qu'il n'y a pas de risque de défaut de paiement (à tout le moins au Canada). " Mais dans le cas des obligations de sociétés, il y a toujours une prime de risque qui les rend plus intéressantes ", ajoute-t-il. Ainsi, il n'hésite pas à acheter des titres de dette d'entreprises solides comme les banques, BCE ou Suncor.
Pour sa part, Mme Raby veut éviter le risque de crédit lié aux titres individuels des entreprises. " Je préfère les fonds négociés en Bourse, comme les iShares, qui offrent une bonne diversification. " Par exemple, le iShares DEX All Corporate Bond Index Fund (Tor., XCB) comprend plus de 400 titres, dont le tiers sont du secteur financier. Ce FNB verse une distribution annuelle d'environ 1 $ par part et procurait un rendement de 4,78 % le 7 octobre dernier. " Il y a un risque de crédit, mais il est atténué par la diversification ", dit Mme Raby.