Bien des gens préfèrent s'adonner aux corvées les plus exigeantes plutôt que d'envisager un instant la rédaction de leur mandat en cas d'inaptitude. Fini, la procrastination !
Une vingtaine d'années d'expérience dans l'industrie permettent à Sophie Ducharme, vice-présidente, fiducie et service-conseil, Gestion privée 1859 et Banque Nationale Trust, de multiplier les anecdotes au sujet du mandat en cas d'inaptitude, ce document juridique par lequel une personne (le mandant) désigne un ou des individus (les mandataires) pour agir en son nom en cas d'inaptitude.
L'histoire des membres d'une famille qui découvrent tardivement des déboursés discutables effectués par le responsable désigné est un classique du genre. «D'autres mandataires lésinent plutôt sur les dépenses pour préserver l'héritage éventuel auquel ils s'attendent», ajoute l'experte. En effet ! Pourquoi payer la chambre privée souhaitée par le mandant désormais inapte, sachant qu'il est moins conscient de son environnement immédiat en raison d'une maladie dégénérative, d'un accident vasculaire cérébral ou d'un traumatisme crânien ?
Et vous, en qui placerez-vous votre confiance ? Le Curateur public du Québec souligne que le nombre de mandats en cas d'inaptitude homologués - approuvés pour être exécutés - est en hausse de 50 % depuis 10 ans. Puisque le mauvais sort n'est pas l'apanage «des autres», vous avez intérêt à bien vous préparer avant de vous présenter chez le notaire ou d'opter pour la rédaction d'un mandat d'inaptitude signé devant témoins.
Le choix du mandataire
Vous devez donc réfléchir au choix du mandataire qui s'occupera de la protection de votre personne et de l'administration de vos biens, ou à en nommer un pour veiller à chacun de ces volets. «Une dame pourrait bien choisir l'un de ses enfants pour prendre soin de sa personne, au vu de leur relation privilégiée, et l'autre pour l'administration de ses biens en raison de ses compétences dans le domaine» dit Sophie Ducharme. Le premier pourrait donc se dévouer aux responsabilités associées à l'hébergement, aux soins médicaux à recevoir et à l'achat de vêtements durant l'inaptitude, pendant que le second pourrait voir à la gestion courante des affaires.
«Les responsabilités associées à chacun de ces volets exigent des qualités person-nelles bien différentes de la part du man-dataire», remarque-t-elle. Au chapitre de l'administration des biens, on biffe d'em-blée le nom des candidats qui ont un rapport à l'argent compliqué ou ceux qui fuient les responsabilités associées à la paperasse. De façon générale, il vaut mieux favoriser le choix d'une personne organisée, disciplinée, et qui n'a pas les deux pieds dans la même bottine !
Au sein d'une famille nucléaire traditionnelle, c'est habituellement le conjoint qui est désigné comme mandataire aux biens et à la personne. Un Plan B reste néanmoins nécessaire : prévoyez de nommer un ou des remplaçants au cas où votre mandataire initial ne pourrait plus poursuivre son mandat. «Discutez avec les personnes choisies afin de les mettre au courant de vos intentions en prévision de l'inaptitude et de vous assurer qu'elles acceptent cette responsabilité», suggère Sophie Ducharme.
Limiter les pouvoirs accordés
La loi oblige le mandataire aux biens à fournir un rapport en fin de processus seulement, lorsque ses fonctions cessent. Il doit donc rendre des comptes soit à la personne sous sa protection si celle-ci redevient apte, soit aux héritiers désignés en cas de décès, soi à son remplaçant désigné, le cas échéant. «Vous pouvez plutôt prévoir une clause de surveillance annuelle sur l'administration de vos biens, pour qu'une tierce partie puisse surveiller la gestion du mandataire», précise-t-elle.
L'autre moyen de restreindre les pouvoirs du mandataire est de lui confier la simple administration de vos biens, au lieu de la pleine administration. La première option lui permet de tenir le budget, de payer les factures, de produire vos déclarations de revenus et d'effectuer les placements présumés sûrs décrits au Code civil du Québec. Par contre, le mandat de pleine administration pourrait lui permettre de vendre des propriétés, d'hypothéquer des immeubles et d'investir en Bourse pour faire fructifier vos avoirs ! Prudence, alors, puisque sa simple signature engage votre responsabilité !
Une touche personnelle
Si vous avez des enfants d'âge mineur, vous devez désigner un tuteur pour veiller à leur bien-être, dans le cas où l'autre parent est décédé. L'une des tendances observées à ce sujet est de rendre le mandat d'inaptitude «plus humain». Il suffit de lui ajouter des éléments d'information susceptibles d'aider le responsable désigné à prendre soin d'un jeune enfant ou d'une personne handicapée. «Vous pouvez transmettre des valeurs personnelles, expliquer la routine de l'enfant et même laisser les coordonnées du pédiatre et du dentiste. C'est rassurant pour le parent de procéder ainsi», conclut Sophie Ducharme.