C'est désormais prouvé : l'intégration de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la sélection de vos investissements peut contribuer à leur procurer des rendements supérieurs à la moyenne. Des experts partagent avec vous leur point de vue sur le sujet et quelques idées pour profiter du créneau.
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La popularité du thème de l'investissement responsable (IR) est indéniable - une désignation qui regroupe bien souvent l'investissement éthique, social, durable, vert et communautaire. Le dernier rapport de l'Association pour l'investissement responsable fait voir que les actifs gérés au pays à l'aide de stratégies d'IR sont passés de 600 milliards de dollars, en 2011, à 1 011 G$, au 31 décembre 2013.
Une demande accrue, également observée sur le terrain par Annie-Pier Laplante, conseillère en placement, de la Financière Banque Nationale, Gestion de patrimoine. «Je constate la volonté qu'ont mes clients de dénicher des solutions de rechange aux placements traditionnels. Ils désirent investir dans le respect de leurs valeurs personnelles», dit-elle. Ce qui ne signifie pas pour autant que ces investisseurs mettent une croix sur le rendement potentiel. Une étude récente parrainée par la firme OceanRock Investments soutient que l'investissement responsable peut procurer aux investisseurs non seulement de meilleurs rendements, mais aussi une volatilité réduite de portefeuille et une plus grande protection du capital contre le risque baissier des marchés. Les fonds communs basés sur des stratégies d'IR ont une performance supérieure à des fonds équivalents et traditionnels dans 63 % et 67 % des cas, lors d'un investissement en actions ou en revenu fixe.
«L'ajout d'un fonds "responsable" en portefeuille n'entraîne aucun effet négatif sur le rendement potentiel, pourvu que la tolérance au risque de l'investisseur soit respectée, et la répartition d'actifs, adéquate», résume Mme Laplante.
Il n'empêche que l'Observatoire de la consommation responsable (OCR) soulignait en 2014 que le manque d'information, ou la complexité de celle qui est disponible, contribue à éloigner les investisseurs individuels de l'investissement responsable. En fait, les investisseurs particuliers ne comptent que pour 6 % des actifs totaux de cette catégorie, par rapport à 94 % pour les investisseurs institutionnels. Un Québécois sur deux ignore même les principes sous-jacents à cette forme d'investissement.
IR : stratégies sous le capot
Au-delà d'un concept, qu'est-ce au juste que l'investissement responsable (IR) ?
Les titres détenus en vertu d'une telle démarche de placement ne sont pas uniquement soumis à l'analyse traditionnelle de la santé financière des entreprises. L'exercice est poussé à un autre niveau, qui dépasse l'analyse fondamentale ou technique. Des enjeux tels que la pollution, les changements climatiques, l'égalité d'accès à l'emploi, la constitution du conseil d'administration, les relations avec les autochtones, le niveau de dépenses allouées à la recherche et au développement ou encore les prêts équitables aux consommateurs sont quelques-uns des critères que prennent les gestionnaires en considération lorsque vient le moment d'investir.
«L'IR ne se limite pas non plus à l'utilisation d'un filtre négatif ou d'exclusion», dit Annie-Pier Laplante, de la Financière Banque Nationale, Gestion de patrimoine. Un gestionnaire de fonds pourra décider d'exclure certains secteurs de ses avoirs - par exemple, les armes, le tabac, le nucléaire, les jeux d'argent ou l'alcool. Cependant, si l'objectif est d'assurer une saine diversification, cette stratégie a parfois des limites. «Une forte proportion de la Bourse canadienne est représentée par le secteur de l'énergie. Le même gestionnaire pourrait préférer utiliser un filtre positif et reconnaître l'entreprise, dans ce secteur, dont la performance ESG est la meilleure par rapport aux pairs de l'industrie. Cela lui permettrait de gagner une exposition à un secteur qui représente une pondération importante de l'indice», nuance la conseillère en placement. «Mieux vaut parfois rechercher les premiers de classe», résume-t-elle. Il existe des normes mondialement reconnues pour aider le processus de sélection de titres.
Une autre caractéristique du monde de l'investissement responsable est celle de l'activisme. Des gestionnaires tenteront souvent d'influencer le comportement des entreprises et de les inciter à adopter de meilleures pratiques ESG en engageant le dialogue avec les dirigeants ou en déposant une résolution d'actionnaires. «Contrairement aux fonds indiciels passifs, certaines familles de fonds communs intègrent, en plus de leurs critères de sélection associés à l'IR, une approche élargie d'engagement des actionnaires grâce à un vote par procuration afin d'entretenir un dialogue pour améliorer l'empreinte ESG des entreprises dans lesquelles elles investissent», résume Annie-Pier Laplante.
François Têtu, vice-président et conseiller en placement chez Valeurs mobilières Desjardins, considère que la plus-value associée au dialogue qui prévaut entre l'actionnaire et une société vaut les frais supplémentaires facturés.
Facile d'investir «vert»
Maintenant qu'on sait davantage ce qu'est l'investissement responsable, par où commencer et qui choisir pour y investir ?
La charte trimestrielle fournie par l'Association pour l'investissement responsable et affichée sur son site Web est un bon point de départ pour dénicher des instruments gérés activement. Placements NEI - détentrice de la marque Fonds Éthiques -, Fonds Meritas, Fonds IA Clarington Inhance, Fonds Acuity (AGF), Fonds Phillips, Hagar & North - une division de RBC Gestion d'actifs - et Fonds ISR Summa Investors (Groupe Investors) sont des familles de fonds de placement réputées qui investissent selon le concept.
Nous avons demandé à quelques gestionnaires de nous faire des recommandations de différents outils.
Dans la catégorie «actions canadiennes», Vincent Tremblay, conseiller autonome affilié à SFL Placements, aime le fonds NEI Éthique spécialisé d'actions A. Ce fonds investit dans de petites sociétés canadiennes et cherche à tirer parti de la sous-évaluation des titres. «Certains titres détenus depuis longtemps sont désormais considérés comme des titres de grande capitalisation. Grâce à un rendement annualisé net de frais de 11 % sur 20 ans, ce fonds surpasse la médiane de sa catégorie par une marge de 1,4 %», dit-il. Le ratio des frais de gestion (RFG) se situe à 2,81 %.
Pour une exposition au marché américain, M. Tremblay préfère le Fonds multistratégique américain Éthique NEI (RFG : 2,54 %), qu'il compare au Fonds Fidelity actions américaines - Ciblé (RFG : 2,36 %). Pour la période s'échelonnant d'août 1995 à août 2015, le premier a offert un rendement annuel moyen de 5 %, par rapport à 4 % pour le second. «On ne peut pas dire que les fonds basés sur l'IR donnent de moins bons rendements que leurs pairs traditionnels», dit-il.
Les Fonds d'actions internationales Meritas et d'actions mondiales Jantzi RBC obtiennent aussi sa faveur. «Le premier investit jusqu'à 2 % de son actif dans le développement communautaire, pendant que le second n'est que peu exposé au Canada, contrairement à la moyenne de sa catégorie.» La deuxième possibilité se voudrait donc un heureux amalgame de sociétés américaines et mondiales pour diversifier un portefeuille.
Pascale Imbeau, conseillère en placement et vice-présidente, Valeurs mobilières Banque Laurentienne, privilégie le Fonds de dividende mondial Éthique NEI (RFG, 2,63 %). «La répartition géographique de ce fonds, 56 % en Europe et 38 % aux États-Unis, est appropriée dans le contexte économique actuel», dit-elle.
Dans le même ordre d'idées, le Fonds d'obligations mondiales à rendement global NEI (RFG, 2,13 %) est son choix de titres obligataires pour assurer une exposition mondiale. «Le gestionnaire du fonds, Amundi Asset Management, conserve un minimum de 75 % du fonds dans des titres cotés minimalement BBB et ne peut détenir aucun titre sous la cote BB. On se retrouve donc ici des titres de qualité», dit Pascale Imbeau. À la recherche d'un second choix en revenu fixe ? «Les fonds Phillips, Hagar & North sont très forte en gestion obligataire canadienne.»
Les fonds mutuels coûtent cher ; que penser des FNB responsables ?
Un expert s'insurge cependant contre le coût associé à ces solutions de placement. «Compte tenu des frais facturés, la majorité des fonds communs de placement auront une performance moindre que leur indice de référence sur une longue période. L'importance de faibles frais de gestion est primordiale», commente Ian Gascon, président de Placements Idema. Pour Annie-Pier Laplante, le ratio des frais de gestion n'est pas nécessairement le critère le plus important à prendre en considération en matière d'investissement. «Je préfère tenir compte du rendement net de frais qu'obtient l'épargnant.»
Des propos qui nous amènent à évaluer certains fonds négociés en Bourse (FNB) liés à l'investissement responsable (IR). François Têtu, de Valeurs mobilières Desjardins, le dit d'emblée : les FNB sont de bons instruments d'investissement. Il apporte cependant une nuance concernant l'hyperspécialisation de certains d'entre eux. «Les émetteurs multiplient actuellement l'offre de FNB disponibles, s'attaquant à des produits de niche. À défaut d'une demande suffisamment forte des investisseurs, certaines de ces nouveautés seront dissolues, fusionnées... Mieux vaudrait, peut-être, choisir un FNB qui ratisse suffisamment large», suggère-t-il.
L'iShares Jantzi Social Index (Tor., XEN), dont le RFG est de 0,56 %, appartient à ce type. Il reproduit l'indice Jantzi composé de titres canadiens d'entreprises qui démontrent de bonnes pratiques de gouvernance environnementale et sociale. Plusieurs des titres proviennent des secteurs bancaire et de l'énergie. «Lors de l'élaboration d'un portefeuille ISR [d'investissement socialement responsable], il est particulièrement important de faire attention à sa diversification, notamment en ce qui concerne l'exposition sectorielle. Il ne faut pas que les filtres IR exposent un portefeuille à des risques trop importants, entre autres dans le secteur financier», explique Ian Gascon.
L'offre américaine de FNB est plus complète que l'offre canadienne. L'un de ces fonds, à coût comparable (RFG : 0,50 %), soit l'iShares MSCI KLD 400 (NY, DSI) retient l'attention de Vincent Tremblay et de François Têtu. Ce fonds est composé de sociétés qui ont un impact positif ESG. «Selon une étude de Morgan Stanley4, celui-ci serait un excellent indice comparatif par rapport au S&P 500. D'ailleurs, l'indice MSCI KLD 400 a surperformé le S&P 500 par 45 points de base au cours des 25 dernières années. Le MSCI KLD 400 est donc une bonne solution de rechange au S&P 500 pour l'investisseur qui souhaite adopter une démarche IR par l'intermédiaire d'un FNB», explique Vincent Tremblay.
La thématique de l'énergie propre est parfois exigée de certains des clients d'Ian Gascon. Il se tourne alors notamment vers l'iShares Global Clean Energy ETF (NY, ICLN) pour construire un portefeuille socialement responsable. Près de 27 % du FNB est exposé à la Chine : il propose un ratio des frais de gestion raisonnable à 0,47 % et une exposition aux sociétés productrices d'énergie renouvelable - solaire et éolienne. Pour un second choix, on peut envisager le FNB indiciel PowerShares Cleantech Portfolio (NY, PZD), qui permet de s'exposer à des entreprises engagées dans les créneaux des énergies renouvelables, de la lutte aux changements climatiques ou de la diminution du gaspillage ou de la pollution, en contrepartie d'un RFG de 0,67 %.