Québec devrait créer un fonds d'indemnisation élargi afin de mieux protéger les investisseurs, selon une coalition de groupes de défense des épargnants auquel se joint le Regroupement indépendant des conseillers de l'industrie financière du Québec (RICIFQ).
Financé principalement par les investisseurs, mais aussi par les conseillers et les gestionnaires de portefeuille, le fonds d'indemnisation proposé couvrirait l'ensemble des fonds collectifs accessibles aux marchés des particuliers, évalués à 150 G$ au Québec. Il protégerait les épargnants contre la fraude et la négligence fiduciaire, soit toute déviation non autorisée d'une politique d'investissement.
« Il est devenu plus sécuritaire aujourd'hui d'acheter une voiture usagée qu'un fonds collectif, parce que la fraude est plus facile à commettre dans le monde du placement », déplore Robert Pouliot, directeur du programme FidRisk.
Le fonds proposé serait financé par les investisseurs et s'appliquera à l'ensemble des fonds. Le Fonds d'indemnisation des services financiers géré par l'Autorité des marchés financiers (AMF) serait intégré au nouveau fonds.
Selon les premières estimations, il en coûterait cinq sous par tranche de 100 $. Cette somme serait assumée à 60 % par les clients, 20 % par les conseillers et 20 % pour les gestionnaires de portefeuille. Les détails de la tarification restent à être précisés.
Ce mode de financement du fonds serait plus équitable pour les conseillers, selon Léon Lemoine, porte-parole du RICIFQ. Actuellement, seuls les représentants en assurance de personnes, les planificateurs financiers et les représentants en épargne collective, entre autres, cotisent au fonds d'indemnisation de l'AMF.
Le fonds comprendrait une évaluation au moins une fois par année des pratiques fiduciaires de chaque société de gestion par catégorie d'actifs engagés dans la promotion et le service aux fonds collectifs. « Cette notation, qui sera rendue publique et aidera les investisseurs à mieux sélectionner le gestionnaire apte à satisfaire ses espérances de revenu », mentionne le document intitulé «Quand les investisseurs prennent leurs affaires en main».
Afin de discipliner l'industrie financière, la prime payée au fonds par l'investisseur serait inversement proportionnelle à la qualité des pratiques de chaque organisation. Ainsi, il en coûterait plus cher pour faire affaire avec des sociétés jugées plus à risque.
Le fonds serait à but non lucratif doté d'une assemblée générale composée du public investisseur ainsi que des autres cotisants, comme les conseillers. Ces derniers auraient ainsi davantage leur mot à dire dans la gestion du fonds d'indemnisation.
« Dans le cas de la négligence, le principe d'une indemnisation "sans égard à la faute" sera mis en place, car les frais de contentieux s'avèrent souvent trop élevés pour des montants généralement plus modestes que les fraudes. Pour les conseillers et gestionnaires, cela permettra de réduire considérablement leurs primes d'assurance en indemnité professionnelle », lit-on dans le rapport.
Opposition
Le fonds élargi déresponsabiliserait le client, selon Michel Nadeau, directeur général de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques.
« Si on me dit que j'ai une assurance, je ne me forcerai pas. Je vais donner mon argent au premier venu et s'il y a une fraude, je vais être remboursé sans égard à la faute », mentionne-t-il.
De plus, les contribuables paient déjà pour l'AMF qui a la responsabilité de surveiller les marchés, souligne Michel Nadeau. Si l'organisme a connu des ratés dans l'affaire Norbourg, il n'a qu'à corriger ses comportements, selon lui.
Michel Nadeau soutient que les intermédiaires de marché tels que les comptables, les vérificateurs, les avocats ou les gardiens de valeurs doivent déjà respecter des normes de conformité.
« C'est trop facile de dire : "Les fraudeurs qui viennent à la banque pour déposer de l'argent, je les traite comme les autres clients." Le jugement Norbourg a dit qu'on ne peut plus faire ça. La stratégie de fermer les yeux devant des comportements inacceptables n'est plus acceptable », dit-il.
Michel Nadeau est favorable à l'amélioration de l'éducation des consommateurs en matière d'investissement, comme le propose la coalition.
Au moment d'écrire ces lignes, le ministre des Finances, Raymond Bachand, ne pouvait commenter les recommandations du mémoire. L'AMF tiendra en mai ou en juin des consultations sur un éventuel élargissement de son fonds d'indemnisation.