L'intérêt pour la finance comportementale s'est accru depuis la crise financière tumultueuse de 2008-2009 qui a secoué les marchés nord-américains et mondiaux. Cette crise a pulvérisé bien des records, mais pas les bons. Notamment, le 29 septembre 2008, le Dow Jones a chuté de 774 points par rapport à sa clôture de la veille, qui avait marqué la plus grande chute en un seul jour dans l'histoire.
Une crise comme celle-là, ou comme le désastre qui s'est produit au Japon en 2011 , met les investisseurs sur un pied d'alerte, et nombre d'entre eux ne savent pas s'il faut acheter, vendre ou conserver leurs investissements. Aux moments de panique, il est important qu'un investisseur se connaisse lui-même et détermine le meilleur moyen de laisser passer l'orage.
Neil Bendle, professeur adjoint de marketing à l'École de commerce Richard Ivey, dit que c'est pendant l'enfance qu'on apprend à prendre des décisions lors de situations comme un effondrement boursier.
Le livre électronique gratuit de M. Bendle, qui s'intitule Behavioural Economics for Kids (L'économie comportementale expliquée aux enfants) explique cela de manière très détaillée en explorant certains schémas de comportements humains qui commencent pendant l'enfance et affectent plus tard les capacités décisionnelles. Ne vous y trompez pas : même si le livre utilise une imagerie de bande dessinée, c'est une lecture pleine d'enseignements qui est destinée aux adultes. Il explore par exemple les raisons pour lesquelles, pour certaines personnes, il est plus important d'avoir deux cornets de crèmes glacées que d'avoir la crème glacée elle-même.
Voici trois théories du livre électronique de M. Bendle qui s'appliquent aux capacités décisionnelles dans les placements :
La dépendance aux références
« Nous n'évaluons pas les produits sur une échelle absolue, mais par rapport à ce que nous avons déjà (ou ce que nous espérions avoir). Nous nous acclimatons à notre condition actuelle. Ce qui était jadis une caractéristique fantastique d'un produit devient tout simplement pour les investisseurs un dû sans intérêt. »
Cela explique l'énigme de la crème glacée. Le fait que l'on possède déjà la crème glacée importe peu, c'est le cornet supplémentaire qui devient un besoin.
Par exemple, si un investisseur s'attend à un rendement de 3 % pour son portefeuille et qu'il perçoit un rendement de 3 %, il y a des cas où il se sent floué. Même si le résultat correspond exactement à ses attentes, il peut paraître terne. Cela peut permettre d'expliquer pourquoi certains investisseurs ne sont pas satisfaits de leur portefeuille et ont du mal à s'en tenir à un plan à long terme, parce qu'ils espèrent constamment gagner plus. Maintenant qu'ils ont le rendement de 3 %, qu'est-ce qu'ils peuvent avoir de plus? Malheureusement, ce type d'investisseur ne sera sans doute jamais satisfait d'en rester à 3 %.
L'aversion au risque
« Ce principe primaire est à la base de plusieurs constatations. Il crée des asymétries de mauvais aloi dans les modèles économiques. On a suggéré que c'était la raison de la cherté relative des placements sûrs. En fait, on paie pour ne pas éprouver la douleur des pertes dont s'accompagne la volatilité de certaines actions. »
Les gens ressentent avec plus d'intensité la douleur de perdre que la joie de gagner, affirme M. Bendle. Rappelez-vous votre enfance : si vous aviez un dollar et que vous le perdiez, et que votre mère compatissait tellement qu'elle vous donnait un dollar en cadeau, vous étiez peut-être encore malheureux parce que parfois, rien ne peut remplacer ce dollar initial.
Cela peut expliquer en partie pourquoi certains investisseurs ont du mal à s'accommoder de la volatilité boursière. Par exemple, si le portefeuille d'un investisseur chute de 14 % et qu'un conseiller promet un rebond du portefeuille au cours des deux années suivantes, cela ne satisfera peut-être toujours pas l'investisseur, qui ne se remettra peut-être jamais du dépit d'avoir perdu son argent initial, même si le portefeuille rebondit bien.
L'obsession des coûts irrécupérables
« Les gens tiennent compte des coûts irrécupérables. Ils dépensent à tort et à travers, mènent des luttes qu'ils devraient abandonner et doublent leur mise sur des projets en perte de vitesse. Les investissements précédents sont ce qui motivent les nouveaux, et pas seulement les résultats prévus. »
« Les coûts irrécupérables sont perdus à jamais, quelle que soit l'option choisie, et ils n'ont rien à voir avec la décision à prendre », dit M. Bendle. C'est quelque chose qui vous a pris du temps ou vous a fait dépenser de l'argent, et puisque vous vous y êtes investi, il vous faut absolument aller jusqu'au bout. Exemple : « Il faut que je finisse de regarder ce mauvais dessin animé parce que ça fait déjà 45 minutes que je le regarde. »
Voilà peut-être pourquoi certains investisseurs s'attachent à des choix qui n'ont aucun sens. Par exemple, disons qu'un investisseur a placé 15 000 $ dans un FNB du secteur aurifère et qu'après un an le fonds perd le tiers de sa valeur. La décision de conserver ou de vendre le FNB devrait reposer sur la conviction de l'investisseur quant au potentiel de croissance de la valeur de l'or, mais il aura tendance à se focaliser sur l'argent qui a été perdu et sur le besoin de penser que ça en valait la peine.
Bien sûr, cela n'a aucun sens parce que l'argent perdu n'a aucune incidence sur le potentiel futur du FNB, mais les gens ont tendance à s'obséder sur leurs pertes, qu'ils en soient conscients ou non.
Dans l'ensemble, nous sommes les victimes de ces comportements, et beaucoup d'entre eux sont inculqués pendant l'enfance; tout dépend de la manière dont on a grandi, mais nous avons tous des partis pris. La bonne nouvelle, c'est que nous avons tous la capacité de les surmonter si on en est conscient.