Malgré l'essor de la gestion indicielle et la multiplication des fonds négociés en Bourse qui rendent possible les investissements sectoriels et régionaux, l'idée de dénicher les meilleurs titres attire toujours un grand nombre d'investisseurs.
Pour eux, bien que les méthodes soient différentes, le but est le même. Mettre la main sur les titres de sociétés qui ont le plus fort potentiel d'amélioration, tout en étant les moins risqués.
Pour y arriver, certains s'appuient sur l'analyse économique fondamentale. Plusieurs examinent les données disponibles, tels les profits et les dividendes. D'autres cherchent à déceler les titres en plein essor. C'est la recherche du momentum. Enfin, beaucoup préféreront faire abstraction de toutes ces données et concentreront leurs efforts à déterminer la tendance du prix des titres, en étudiant l'historique de leur variation. C'est l'analyse technique.
Ces méthodes ont chacune leurs mérites. Et, pour mieux les comprendre, Les Affaires a demandé à cinq gestionnaires de portefeuille utilisant des méthodes différentes d'expliquer leur façon de faire et d'indiquer quelques aubaines dénichées grâce à leur approche.
L'économie, les dirigeants comme toile de fonds
Pierre Bernard
Industrielle Alliance
C'est par ses lectures qu'il perçoit les changements économiques et sociaux. " La démographie est généralement la grande toile de fond ", dit-il.
À partir de là, il part à la chasse aux aubaines en multipliant les rencontres avec les dirigeants d'entreprises. Ce contact direct lui permet de comprendre comment l'entreprise a été lancée, comment elle est gérée et comment elle a évolué au gré des cycles économiques.
C'est ce qui l'a amené au cours de la dernière année à acheter les actions de Dollarama. L'entreprise, un détaillant qui vend des articles à très bas prix, a fait son entrée en Bourse en octobre 2009. Moins d'un an et demi plus tard, le titre avait déjà gagné 50 %.
Dans le créneau de la consommation, Dollarama jouit d'une position idéale, estime Pierre Bernard. La récente récession a incité les consommateurs à vouloir payer le moins cher possible et à éviter de s'endetter. " C'est ce que Dollarama leur offre ", dit-il.
Le titre n'est peut-être plus l'aubaine qu'il était l'an dernier, mais le gestionnaire de l'Industrielle Alliance pense le conserver encore longtemps. " Avec Larry Rossy et Stéphane Gonthier, cette société peut compter sur une direction hors pair ", estime-t-il.
Pierre Bernard a investi également dans CCL Industries. Il s'agit du plus important fabricant d'étiquettes de toutes sortes. Signe que les dirigeants sont alertes, l'entreprise a su se départir des portefeuilles n'offrant plus de croissance, tel l'aérosol. Depuis un an et demi, le titre est passé de 20 à 34 $.
Un examen attentif du commerce en région éloignée l'a aussi conduit à acheter les actions de North West Company, la plus grande chaîne de détaillants du Nord-Ouest. " C'est le Walmart du Nord-Ouest ", compare-t-il. Le titre a chuté de 35 % lors de la récession de 2008-2009, mais il a repris l'ensemble du terrain perdu depuis.
+ 65 % Hausse des profits nets de CCL Industries en 2010.
À la recherche d'entreprises exceptionnelles
François Rochon
Giverny Capital
On pourrait dire de lui qu'il appartient à la catégorie des investisseurs GARP (growth at a reasonable price), soit les gestionnaires qui recherchent les sociétés à fort potentiel de croissance, mais dont le prix des actions est encore abordable. Lui se dit plutôt à la recherche de " business exceptionnelles ".
Sa première source d'information est le Value Line, un répertoire d'analyse d'entreprises dont les résultats sont présentés sur une seule page. " Cela permet de se faire rapidement une idée de leurs dividendes et de la croissance de leurs bénéfices ", dit-il.
Une fois la première sélection effectuée, M. Rochon se penchera sur trois principaux facteurs. D'abord, le rendement des capitaux propres qui indiquera la qualité du bilan financier de l'entreprise. Puis, il cherchera à déterminer si l'entreprise jouit d'un avantage concurrentiel marqué dans son secteur. Enfin, il voudra s'assurer que les dirigeants sont exceptionnels, rien de moins.
De plus, François Rochon n'investira que dans les entreprises dont il comprend très bien les activités. Par exemple, Potash Corp ne l'intéresse pas, car les perspectives de rendement dépendent beaucoup trop de l'évolution du prix de la potasse, qui est difficile à prévoir.
Il préfère plutôt Groupe MTY. La performance et la situation de l'entreprise de Saint-Laurent sont solides, selon lui. Le prix de l'action a gagné plus de 50 % depuis un an, et a triplé au cours des cinq dernières années.
M. Rochon recherche des entreprises dont il pourra détenir les actions longtemps. Comme Fastenal Company, qui meuble son portefeuille depuis 1998. Il s'agit d'un grossiste dans la distribution de produits industriels et de construction qui se négocie sur la Bourse Nasdaq. " Le cours de l'action a presque été multiplié par 10 depuis qu'on a commencé à l'acheter ", dit-il.
Plus récemment, durant la dernière année, il a commencé à accumuler des actions de Stryker Corp, qui se négocient à la Bourse de New York. Dans le secteur de la technologie orthopédique, l'entreprise est un leader dans les principaux produits qu'elle fabrique, selon lui.
1 725 Nombre de restaurants que compte Groupe MTY par rapport à 1 570, l'an dernier, à la suite de l'achat de Groupe Valentine.
Des matrices de données financières
Stéphan Buu
CTI Capital
Pour trouver les bons titres, le gestionnaire utilise l'approche quantitative. La sélection des titres s'effectue à partir de l'examen d'un très grand nombre de données financières, tels le ratio entre le prix de l'action et la valeur comptable, celui entre le prix de l'action et les bénéfices, la croissance du dividende et le rendement du capital investi, entre autres. " L'utilisation d'une grande matrice de données financières permet d'évacuer toute subjectivité dans le choix des titres ", dit Stéphan Buu.
La qualité du dividende est un critère important dans le modèle quantitatif de CTI Capital. À cet égard, l'action de BCE est très attrayante. La firme a annoncé une augmentation de 7,7 % de son dividende en décembre dernier. " Le rendement du dividende, ainsi que sa croissance au cours des trois dernières années, ont placé le titre au sommet de notre liste de sélection des titres à haut dividende ", dit M. Buu. De plus, les bénéfices de BCE au dernier trimestre ont dépassé les attentes des analystes.
En s'appuyant sur le critère de la valeur comptable et du ratio cours/bénéfice, le gestionnaire a aussi acheté Industries Dorel. Le prix de l'action est actuellement inférieur à sa valeur comptable, et le ratio cours/bénéfice n'est que de 8,93.
Des recherches universitaires montrent également que les actions achetées massivement par les initiés surpassent la performance des indices en moyenne de 7,7 %. Ces activités des initiés sont reflétées par un fonds négocié en Bourse sur le parquet de la Bourse de New York, dont le symbole est NFO. CTI recommande ce fonds qui s'appuie sur une méthodologie ingénieuse combinant à la fois les tendances des initiés dans leurs transactions et les révisions à la hausse des bénéfices formulées par les analystes de Wall Street.
5,7 % Rendement de dividende de BCE.
Miser sur la théorie du momentum
Jean-Luc Landry
Landry Morin
Ses recherches et ses travaux, portant sur le développement de produits d'investissement, lui ont permis de découvrir un facteur puissant et performant dans le choix de ses placements : le momentum de prix. Selon cette théorie, les titres qui ont le plus monté durant la dernière année sont ceux ayant le plus de chance de monter lors de la prochaine période.
La raison est double, explique M. Landry. D'abord, les entreprises changent plus vite que l'opinion des investisseurs. Ainsi, les investisseurs mettront beaucoup de temps pour accorder à une société sa pleine évaluation. Mais aussi, il y a le phénomène de la conformité des gestionnaires. " Ils veulent tous acheter ce qui monte, car c'est la performance présente qui leur permet de garder leurs clients ", dit-il.
Fait intéressant, les pays dont le marché boursier est concentré dans quelques secteurs seront plus sensibles à l'effet du momentum. C'est le cas du Canada où l'on retrouve plus de momentum qu'aux États-Unis.
L'examen des performances boursières au 31 janvier a amené M. Landry à acheter des actions de Magna International. " Le titre a un magnifique momentum depuis un an, car il a doublé ", dit-il. Cette performance de Magna confirme un retour à la consommation discrétionnaire, conséquence de la reprise économique.
Lundin Mining est un autre favori de M. Landry. " Cette entreprise du secteur des métaux de base présente un excellent momentum de neuf mois, car son titre est passé de 3 $ à 8 $ durant cette période ", dit-il. On retrouve généralement un fort momentum dans le secteur des ressources naturelles, explique le gestionnaire. Toutefois, ce titre sera évacué graduellement du portefeuille, étant donné qu'il fait maintenant l'objet d'une prise de contrôle de la part de la canado-australienne Equinox Minerals.
Aux fervents de cette approche, une mise en garde s'impose, explique M. Landry. Il ne faut pas utiliser le momentum sur une trop courte période de temps. Un titre qui aura monté beaucoup durant un mois aura tendance à se replier un peu le mois suivant, car il fera généralement l'objet de prises de profit.
+ 38 % Hausse des ventes de Magna International en 2010.
Des graphiques pour prédire la tendance
Monica Rizk
Phases & Cycles
Son approche, c'est l'analyse technique. Cela consiste à étudier la configuration graphique du prix de l'action afin de dégager la tendance.
Mme Rizk recherche des titres dont le graphique montre qu'ils s'élancent vers le haut après avoir connu une longue période d'accumulation durant laquelle le cours de l'action faisait du surplace.
Durant la période d'accumulation, le titre se négocie généralement à l'intérieur d'un corridor de variations relativement étroit entre les sommets et les creux. " C'est lorsque le cours de l'action sort de cette zone de négociation qu'il faut commencer à s'y intéresser ", dit-elle.
C'est ce qui est arrivé au prix de l'action d'Imax en 2010. Pendant 10 ans, le titre a fluctué de 4 à 15 $. Mais au printemps 2010, il est passé au-dessus de la bande supérieure du corridor. Le titre se négocie aujourd'hui à 27 $ et semble vouloir continuer sur sa lancée.
Même chose pour l'action de CGI. On se rappelle de cet enfant chéri de la bulle technologique au Québec. À la suite de l'éclatement de cette bulle, le titre s'écroula jusqu'à 5 $ après avoir atteint un sommet de 35 $. S'amorça alors une longue période d'accumulation durant laquelle le cours de l'action fluctua de 5 à 12 $. Mais en 2009, le titre se dégagea de ce corridor, et se lança à l'assaut d'objectifs plus hauts. Il se négocie actuellement à tout près de 20 $.
Le cours de l'action de l'entreprise américaine Advance Auto Parts, le 2e plus important détaillant de pièces et d'accessoires d'automobile des États-Unis, a également très bien réagi à une sortie de son corridor de variations, de 30 à 48 $ au début de l'été 2010. À peine six mois plus tard, le prix approchait de 70 $.
1 500 Nombre d'employés que CGI veut embaucher en Inde l'an prochain. Cela lui permettra d'accroître ses effectifs de 45 % au pays de Gandhi.