L'indice phare de la Bourse américaine, le S&P 500, n'a procuré aucun rendement depuis 10 ans. Pire, le 4 octobre dernier, son niveau était inférieur à celui de janvier 2000 (1137 points par rapport à 1455 points).
Au Canada, l'indice S&P/TSX est passé de 8400 à plus de 12000 points pendant la même période. Cependant, l'action de certaines sociétés préférées des investisseurs s'échange actuellement à une fraction de la valeur qu'elle avait il y a 10 ans. Par exemple, le titre de Bombardier (Tor., BBD.B, 5 $), vaut aujourd'hui cinq fois moins qu'il y a une décennie.
À la lumière de ces chiffres, la stratégie du buy and hold, qui consiste à acheter un titre pour le conserver à moyen ou long terme, tient-elle toujours la route ? La volatilité actuelle des marchés, qui s'est accentuée depuis la crise financière de 2008, n'oblige-t-elle pas les investisseurs à se montrer beaucoup plus actifs s'ils veulent enregistrer des gains à la Bourse ?
Les conditions du marché ont changé
Les avis des experts sont nuancés. " Je ne crois plus au buy and hold tel que le concevait Warren Buffett ", soutient Guylaine Raby, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins.
M. Buffett, rappelle-t-elle, a appliqué la théorie de Benjamin Graham, qui était d'acheter à bas prix des actions d'entreprises dont la valeur intrinsèque n'était pas reflétée par le cours boursier. " Il y avait autrefois de l'asynchronisme et une part d'irrationalité dans le marché. Mais maintenant, avec l'informatique, les institutions disposent de capacités bien supérieures à celles d'un cerveau humain pour choisir des titres (stock picking). M. Buffett a déjà déclaré qu'il ne pourrait plus reproduire aujourd'hui ce qu'il a réalisé autrefois. "
S'il ne faut pas chercher à " battre les ordinateurs ", il ne faut pas pour autant multiplier les transactions, précise Mme Raby. La portefeuilliste mise plutôt sur les sociétés qui versent de solides dividendes, surtout dans un contexte où le marché obligataire est anémique. " Si l'entreprise a une bonne couverture de dividendes et que son bénéfice augmente, alors on peut conserver le titre à long terme. Mais si ces caractéristiques s'estompent, alors il faut vendre. "
Encore la meilleure stratégie
Pour sa part, Marc L'Écuyer, gestionnaire de portefeuille chez Cote 100, pense que l'approche d'acheter pour conserver reste la meilleure stratégie.
" Quand on est trop actif, on risque de se faire avoir. Si on détient le titre d'une entreprise qu'on aime et qui est en bonne santé financière, on le conserve, à moins qu'il ne devienne trop cher ", dit-il.
À son avis, ce n'est pas parce que le marché américain a stagné depuis 10 ans que certaines entreprises ne se sont pas démarquées. " Le problème, c'est qu'en 2000, le marché était trop cher. " Trop transiger, selon lui, " est une approche perdante ".
Distinction à faire
Jeffery Lusher, vice-président et directeur régional, gestion de placement, chez BMO Banque privée Harris, souligne qu'il est important de distinguer les placements de type indiciels de ceux faits dans des entreprises particulières.
Le problème de certains fonds négociés en Bourse (FNB) est que les indices qu'ils reproduisent changent beaucoup avec le temps. En 2000, par exemple, Nortel occupait une place importante dans l'indice S&P/TSX, alors que la société n'y figure plus maintenant.
" Par contre, l'action des banques canadiennes valent maintenant beaucoup plus cher qu'en 2000. Et on pourrait en dire autant de plusieurs autres grandes entreprises ", dit M. Lusher.
Il rappelle que des études ont montré qu'un investisseur qui ne serait pas présent dans le marché au cours des 20 journées les plus profitables de l'année aurait un rendement presque nul.