L'investisseur immobilier devrait-il rembourser rapidement ses prêts ?
Précisons tout d'abord ce dont on parle. Il existe deux types de remboursement hypothécaire. Celui lié à la consommation et celui lié à l'investissement. S'il s'agit du remboursement du prêt hypothécaire de votre résidence, soit un prêt à la consommation, il va de soi qu'il est préférable de rembourser le plus rapidement possible, puisque les intérêts courus ne sont pas déductibles d'impôt. Or, plus vite vous remboursez le prêt, plus vite vous vous enrichissez et pouvez utiliser votre résidence comme levier financier. Tous connaissent l'adage suivant : «Qui paie ses dettes s'enrichit». Tout à fait approprié dans ce cas.
Mais est-ce que ce principe de remboursement rapide s'applique également au monde de l'investissement immobilier ? Pas du tout !
Je vous explique.
Lorsque vous optez pour un amortissement hypothécaire plus court ou des paiements hebdomadaires ou accélérés, le tout dans le but de rembourser plus rapidement vos prêts hypothécaires liés à vos immeubles à revenus, vous avez par le fait même moins d'intérêts à déduire ; votre revenu net imposable est donc plus élevé. Conséquemment, vous payez plus d'impôts. À moins bien sûr d'utiliser l'amortissement fiscal dont nous traiterons dans un prochain article.
Un principe fondamental
Gardez à l'esprit qu'un des principes de base de l'investissement immobilier, lorsqu'on est sur le mode de l'expansion, est de refinancer au maximum ses immeubles afin de pouvoir en acquérir d'autres. Plus vous aurez d'actifs qui capitaliseront et qui prendront de la valeur au cours du temps, plus vous vous enrichirez.
Prenons un exemple afin de bien saisir ce concept fort simple mais fondamental. Supposons que vous ayez un immeuble d'une valeur de 500 000 $, dont le solde hypothécaire est de 300 000 $. Vous avez alors une valeur nette de 200 000 $, soit 500 000 $ - 300 000 $. Avec une augmentation de valeur hypothétique de 4 % par année, votre immeuble vaudra 20 000 $ de plus après une année, donc 520 000 $, et votre prêt hypothécaire aura diminué d'environ 9 000 $ (300 000 $ x 3 %), pour se chiffrer à 291 000 $, selon les conditions de financement en vigueur. Vous voilà un an plus tard avec une valeur nette supplémentaire de 29 000 $, pour un total de 229 000 $, soit 520 000 $ - 291 000 $.
Regardons maintenant l'autre option qui s'offre à vous. Celle de refinancer votre immeuble et de reporter à plus tard le remboursement total de la dette qui y est reliée.
Si vous refinancez, par exemple, votre immeuble par l'intermédiaire de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), à hauteur de 85 % de la valeur de l'immeuble, vous obtiendrez un nouveau prêt hypothécaire de 425 000 $, soit 500 000 $ x 0,85, libérant ainsi 125 000 $ (425 000 $ - 300 000 $) de liquidités que vous pourrez utiliser pour d'acheter un autre immeuble.
Pourtant, l'équité de votre immeuble actuel, une fois refinancé, passera de 200 000 $ à 75 000 $, soit la valeur de 500 000 $ moins 425 000 $, le nouveau solde hypothécaire. «Pas très intéressant, me direz-vous ! Ma valeur nette vient d'être réduite de 125 000 $.»
Erreur ! Vous avez en main 125 000 $, représentant 15 % de mise de fonds, qui peut servir à acquérir un autre immeuble d'une valeur d'environ 800 000 $. Votre équité, ou valeur nette, a tout simplement été transférée en partie sur un autre immeuble.
Vous vous retrouvez avec deux immeubles valant 1 300 000 $ qui augmenteront en valeur et qui capitaliseront. Poursuivons notre exemple afin de bien saisir l'impact des refinancements sur votre valeur nette, votre richesse.
Vos deux immeubles d'une valeur de 1 300 000 $ sont grevés d'hypothèques à hauteur de 1 100 000 $, soit 425 000 $ pour le premier immeuble et 675 000 $ pour celui que vous venez d'acquérir. Votre valeur nette est toujours de 200 000 $, soit 1 300 000 $ - 1 100 000 $. Avec une augmentation de valeur hypothétique de 4 % par année, vos deux immeubles vaudront 52 000 $ (1 300 000 $ x 4 %) de plus après une année, donc 1 352 000 $, et vos prêts hypothécaires auront diminué de 33 000 $ (1 100 000 $ x 3 % ) pour se chiffrer à 1 067 000 $, selon les conditions de financement. Vous voilà un an plus tard avec une valeur nette supplémentaire de 85 000 $, pour un total de 285 000 $, soit 1 352 000 $ - 1 067 000 $.
Pour résumer cette démonstration chiffrée, en refinançant votre immeuble pour en acquérir un second plutôt que de rembourser le premier plus rapidement et d'augmenter votre équité de seulement 29 000 $ après un an, vous augmentez votre valeur nette totale de 85 000 $ après seulement une année. Le différentiel est de 56 000 $, soit 85 000 $ - 29 000 $. Imaginez ce principe appliqué année après année. La courbe est absolument exponentielle ! Encore plus merveilleux ? Vous faites d'excellentes recherches et trouvez des vendeurs motivés qui acceptent de vendre sous la valeur du marché. Vous réalisez ainsi des profits à l'achat qui vous permettront d'appliquer le principe du refinancement encore plus rapidement.
Suivant ce principe fort simple, supposez que vous ayez pour 5 000 000 $, 10 000 000 $ d'actifs qui s'autofinancent. Intéressant, n'est-ce pas ?
Des actifs qui s'autofinancent
Voilà la vraie notion de l'enrichissement, de la richesse financière. Avoir le plus d'actifs possible qui s'autofinancent, qui prennent de la valeur et qui capitalisent. La différence entre ces deux valeurs se nomme l'équité. Au moment de la vente, cette équité vous appartiendra. D'ici la revente cependant, peu de surplus de trésorerie vous attendent, puisque vos immeubles seront toujours financés à leur maximum.
En terminant, regardez les gens riches de ce monde. Leur richesse est toujours associée à la valeur nette de leur avoir et non aux revenus qu'ils ont réalisés durant une année.
Enrichir le fisc en remboursant rapidement les prêts hypothécaires de vos immeubles locatifs ou vous enrichir au fil du temps en refinançant le plus souvent possible ? À vous de choisir !
Yvan Cournoyer est investisseur immobilier depuis 15 ans. Impliqué depuis 2001 au sein du Club d'investisseurs Immobiliers du Québec, il occupe le poste de vice-président-directeur général. Il est également conférencier, courtier immobilier et auteur du best-seller Les flips.