Les spéculateurs sur séance (day traders) auront-ils à payer des impôts sur les gains de leur CELI ou de leur REER ? Il est encore trop tôt pour répondre à cette question, mais les fiscalistes ont commencé à sensibiliser leurs clients à cette possibilité. Danièle Milette, associée en fiscalité chez Deloitte, explique ce qu'est un day trader et le traitement fiscal de la spéculation sur séance.
Précisons d'abord que seulement 50 % du gain en capital est imposé au taux d'imposition personnel de l'individu, généralement le taux maximum d'environ 48 % pour les investisseurs. Sur un gain en capital de 100 $, il y aura donc un impôt à payer de 24 $ (100 $ X 50 % = 50 $ X 48 % = 24 $). Le revenu d'entreprise, pour sa part, est imposé à 100 %. Par exemple, une personne devra payer 48 $ sur un revenu d'entreprise de 100 $.
Pour l'investisseur, l'avantage du gain en capital est donc considérable : 24 %. Par contre, dans le cas d'une perte, cet avantage est transféré lorsqu'il s'agit d'une perte d'entreprise, puisque la perte est alors déductible à 100 % au lieu de seulement 50 % pour la perte en capital. En plus, la perte d'entreprise est applicable contre toute forme de revenu, alors qu'une perte en capital ne peut servir à réduire la charge fiscale que d'un gain en capital. Mais bon, on n'investit pas pour générer des pertes !
Quelques critères du fisc
" Lorsque le fisc considère un investisseur comme un day trader, les revenus provenant de la vente de titres sont automatiquement traités comme un revenu d'entreprise ", explique Mme Milette.
Sur quels éléments se basent les ministères du Revenu pour déterminer si un investisseur est un day trader ? Sur plusieurs critères, dont quatre principaux :
Le nombre de transactions effectuées. Le fisc ne mentionne aucun nombre, mais la jurisprudence a parlé de plus d'une centaine par année. Mais attention, cela ne veut pas nécessairement dire qu'à moins de 100 transactions annuelles, cela n'est pas considéré comme de la spéculation sur séance ;
La période de détention des titres. Plus elle est courte, plus l'investisseur est à risque ;
La connaissance des marchés. Si vous travaillez dans le domaine des valeurs mobilières, vous aurez du mal à prétendre que vous connaissez mal les marchés !
Le temps consacré à la spéculation sur séance.
On peut ajouter à ces critères l'achat d'actions spéculatives qui ne procurent pas de dividendes et les achats sur marge.
" La question n'est pas de savoir à combien de critères doit répondre un investisseur, car aucun critère pris isolément ne suffit. Il faut une combinaison de ceux-ci ", explique Mme Milette. Le fisc peut analyser ces critères et revenir trois ans en arrière.
L'investisseur a le choix
Un investisseur se trouvant dans une situation particulière peut demander au fisc de traiter le produit de ses transactions boursières comme un gain en capital et non comme un revenu d'entreprise en remplissant les formulaires T123 au fédéral et TP-250.1 au provincial. Cette demande est toutefois réservée aux titres canadiens. Précisons qu'une option d'achat d'actions canadiennes n'est pas un titre canadien aux fins de ce choix.
" Sans être un day trader, un investisseur peut effectuer des transactions qui seraient traitées comme un revenu d'entreprise, par exemple les ventes à découvert et des transactions de nature plus spéculative, précise Mme Milette. Ce choix lui permet de s'assurer que ses transactions seront traitées comme un gain en capital. "
Le CELI et le REER
Un CELI ou un REER qui tire un revenu d'entreprise de la vente de titres (donc, un CELI ou un REER dont les transactions s'apparentent à celles d'un day trader) doit être imposé sur ce revenu. Toutefois, une question se pose : si un investisseur appartenant à la catégorie day trader ne négocie pas dans son CELI ou son REER, le revenu (rendement) de l'un ou de l'autre peut-il être considéré comme un revenu d'entreprise ? " Probablement pas, répond Mme Milette, même s'il n'y a jamais de certitude avec le fisc. "
Par contre, il existe un risque pour l'investisseur qui gère son CELI ou son REER comme un spéculateur sur séance. Et ce risque est plus élevé pour le CELI que pour le REER parce que les retraits du premier ne sont pas imposés, alors que ceux du second le sont. Imposer le revenu d'entreprise dans le REER puis lors du retrait pourrait équivaloir à une double imposition. Les gouvernements voudront-ils aller jusque-là ?
En terminant, un day trader (et seulement un day trader) pourrait avoir intérêt à s'incorporer, puisque son taux d'imposition passerait ainsi de 48,2 à 19 % sur les premiers 500 000 $ de revenu imposable provenant de la vente de titres, et ce, annuellement. Cet avantage ne vaut qu'à condition de laisser ses revenus dans la société, parce que s'il les retire, l'imposition personnelle de l'investisseur réduira cet avantage.