Il n'y a que de bonnes raisons d'encourager son enfant à pratiquer une activité sportive ou artistique. Mais s'il est bourré de talent, la facture peut monter vite. Êtes-vous prêt ?
Quand Katy Tremblay a inscrit sa petite Justine âgée d'à peine cinq ans à un cours d'initiation au tennis, elle était loin de se douter que cette activité allait bientôt lui coûter près de 15 000 dollars par an. «Comme tous les parents, nous cherchions les intérêts de notre enfant. Nous l'avons inscrite à quelques cours : multisport, danse, pour finalement découvrir que c'était le tennis qui l'allumait», se souvient-elle.
Après deux saisons, Justine a l'occasion de participer à un programme qui vise à détecter les talents en bas âge. À la suite d'un long processus d'écrémage, c'est confirmé : Justine a l'étoffe d'une championne. «C'est là qu'on a mis la main dans l'engrenage !» estime sa mère.
Rapidement, la petite joueuse atteint le niveau de l'équipe québécoise et ses parents découvrent le coût associé au tennis de compétition. L'adhésion à l'équipe coûte 400 dollars par an, mais ce sont surtout les frais de déplacement qui rendent la facture salée pour cette famille de Chicoutimi, qui doit se rendre à six camps d'entraînement par an à Montréal. Coût de l'aller-retour : 130 dollars d'essence.
Heureusement, Justine a de la famille dans la métropole. Les frais d'hébergement s'ajoutent lorsqu'elle participe à des tournois à l'extérieur, au moins une fois par mois. Entre 500 et 600 dollars par fin de semaine estime sa mère, qui s'assure chaque fois que les hôtels fournissent l'accès à un réfrigérateur, pour épargner au moins sur les repas en faisant des lunchs.
Ses week-ends libres, Justine les passe à Québec, où un entraîneur plus avancé la prend sous son aile. Encore des frais. L'an dernier, le total des dépenses était de 10 000 dollars, et ce chiffre continuera d'augmenter jusqu'à ce que Justine entre dans l'équipe du Canada, vers 13 ou 14 ans. Une fois ce niveau atteint, des frais annuels de 5 000 dollars couvrent l'ensemble des dépenses des joueurs, ce qui permettra aux parents de Justine de souffler un peu.
En attendant, Katy Tremblay, une enseignante, et son conjoint, un ambulancier, font les sacrifices nécessaires pour permettre à leur fille de poursuivre ses rêves. Les voyages dans le sud sont chose du passé, et le père de Justine comble le manque à gagner en donnant des formations la fin de semaine. «Nous n'en sommes pas au point d'encaisser des REER ou de prendre une nouvelle hypothèque sur la maison, mais quand nous avons renégocié notre hypothèque, nous avons pris une marge de crédit hypothécaire, au cas où !» raconte la mère.
Petites et grandes misères du parascolaire
Le cas de Katy Tremblay est exceptionnel, mais il n'est pas nécessaire de compter une future Eugénie Bouchard dans la famille pour dépenser une fortune. De nombreux parents dépensent des milliers de dollars pour l'inscription de leurs enfants à des cours de patin, de piano, de plongée sous-marine ou de théâtre. Si certains croient faire une bonne affaire en inscrivant leur enfant à un sport d'équipe comme le hockey, où la facture peut grimper facilement à 5 000 dollars par an, d'autres ont de la difficulté à payer l'inscription de leur marmaille au soccer, l'une des activités les plus abordables.
Nadia Ruel, productrice en contenu télé, calcule qu'elle dépensera environ 4 000 dollars cette année pour les saisons d'hiver et de printemps de hockey de son fils de neuf ans. Jacinthe Laporte, une touche-à-tout du milieu de l'édition et de la télévision, paie presque la même somme pour le programme de sports-études auquel son fils de 13 ans est inscrit, mais elle dépense 1 200 dollars de plus par an pour ses cours de batterie. La recherchiste Marie St-Jean (nom fictif) n'a qu'un fils, mais celui-ci pratique plusieurs activités par semaine : piano, judo, soccer, hockey. La facture grimpe à 3 000 dollars par an. Ces mères sont conscientes du fait que leurs enfants sont privilégiés.
En juillet dernier, une enquête menée par la Banque CIBC révélait qu'un enfant sur trois ne peut pas participer à une activité sportive organisée, car ses parents estiment ne pas en avoir les moyens. Cette étude nous apprenait notamment que les familles québécoises dépensent environ 837 dollars par an pour les activités sportives de leurs enfants. Une moyenne qui représente des dépenses tantôt minimes, tantôt démesurées par rapport au budget des familles. Et celles-ci peuvent compter sur une aide financière plutôt symbolique de l'État (voir l'encadré).
Il n'y a pas que le sport qui gonfle le budget des activités des enfants. Un cours d'instrument de musique peut s'avérer encore plus onéreux, puisque l'enfant est souvent seul avec le professeur. Les coûts d'un cours d'instrument tournent autour de 40 dollars l'heure, sans compter les partitions, les cours de groupe (théorie, solfège, dictée) auxquels on invitera fortement votre enfant à assister, sans compter l'inscription aux concours et aux examens. En tout, la pratique d'un instrument peut vite coûter 1 000 dollars par an
L'instrument à lui seul constitue une dépense impressionnante, qui varie selon plusieurs facteurs. Par exemple, au fur et à mesure qu'il grandit, votre enfant aura besoin d'un instrument adapté à sa taille s'il s'adonne au violon, à la guitare ou à la flûte traversière. Vous devrez planifier l'achat de trois ou quatre instruments différents durant sa croissance. Quelques centaines de dollars s'envolent chaque fois. Véronique, une mère de trois enfants qui veut taire son nom de famille, a trouvé un piano d'occasion pour 500 dollars dans les petites annonces, mais elle a dû payer les frais de livraison spécialisée (150 dollars) et d'accordage (100 dollars).
Votre enfant a un don particulier pour la comédie, et vous croyez que ça pourrait rapporter gros ? Un père a eu toute une surprise quand il a vu les coûts de formation s'additionner lorsqu'il a inscrit sa fille à une agence de casting. À chaque audition, on lui suggérait fortement des ateliers de préparation à 80 dollars, en plus des cours de 60 dollars de l'heure proposés tout au long de l'année.
«Je savais que ce n'était pas gratuit, mais j'ignorais à quel point on essayait de soutirer de l'argent des parents, tout ça en leur faisant miroiter de grands rêves et en leur répétant que leur enfant est talentueux», admet le père, un ingénieur en informatique qui préfère garder l'anonymat pour ne pas nuire aux chances de sa fille, qui poursuit malgré tout dans le milieu.
Il est toutefois possible de développer les aptitudes de votre enfant sans y laisser votre chemise, en l'inscrivant aux activités parascolaires de son école. «La plupart des écoles offrent une grande variété d'activités à l'école, comme le théâtre, le scrapbooking ou les activités scientifiques. Les parents apprécient, parce que cela occupe leur enfant, ça apporte un avantage à l'école, et en même temps, ça n'ajoute pas un déplacement à leur horaire», explique Jasmin Gosselin, directeur du Club Ludo, un organisme qui offre de telles activités dans la région de Québec. Le coût de ces activités est généralement raisonnable : de 50 à 60 dollars pour huit semaines. Les municipalités et les organismes sans but lucratif offrent aussi des activités à moindre coût, dont le tennis.
«Le tennis, quand les enfants le pratiquent de façon saisonnière entre 5 et 10 ans, c'est très accessible. Un cours d'été peut coûter 60 dollars environ. C'est à partir du moment où le jeune veut s'entraîner à l'année que ça devient plus cher», explique Séverine Tamborero, directrice des clubs de haute performance et du développement des 10 ans et moins chez Tennis Canada.
«Dans tous les sports, dès qu'un athlète chemine vers l'excellence, les coûts augmentent», reconnaît Michelle Gendron, de Sports Québec. «À partir d'un certain niveau, les athlètes obtiennent du financement, mais avant ça, les parents doivent fournir les fonds et vendre des tablettes de chocolat.»
Prévoir le coût
De nombreux parents constatent le poids des dépenses après avoir semé la passion chez leur jeune. «L'an dernier, on avait fait du ski le thème du cadeau de Noël. Les grands-parents avaient payé une partie de l'équipement, et on offrait les cours aux deux plus vieux. On se rend compte qu'on ne pourra pas leur donner ça pour Noël chaque année, sinon c'est plate pour eux. Mais est-ce qu'on peut leur donner ça en plus des cadeaux ?» demande Véronique, qui en arrive à la conclusion qu'à l'avenir, le ski s'ajoutera aux frais associés à la période des fêtes.
Coût des cours : 500 dollars par enfant. Cela ne comprend pas l'équipement acheté à la Poubelle du ski, les frais de transport, le coût des billets de remontée pour les parents. Au total, l'activité engouffre près de 2 000 dollars du budget familial par an, alors que le plus jeune ne fait pas encore de ski.
La mère de famille regrette de n'avoir pas mieux planifié la chose. «Mettre de l'argent de côté pour leurs études universitaires, on y pense, mais le coût des activités parascolaires, on ne prévoit pas ça. Pourtant, ce sont des dépenses similaires.»
Les dépenses parascolaires peuvent être prévues. Le président d'Aviso Les Conseillers financiers, François Morency, recommande aux parents de faire un budget à long terme qui tiendra compte du nombre d'années d'engagement dans l'activité et des frais rattachés à celle-ci en s'informant auprès de parents qui ont déjà les deux pieds dedans.
L'administrateur agréé conseille aux parents d'utiliser la Prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE), et de la placer dans leur CELI, où l'argent pourra fructifier à l'abri de l'impôt. La PUGE s'élèvera à compter de cette année à 160 dollars par mois pour les enfants de moins de six ans. Pour les enfants de 6 à 17 ans, elle s'établit à 60 dollars. Attention, cependant. Ces montants sont imposables.
François Morency refuse d'établir un seuil de dépenses acceptables pour les activités parascolaires d'un enfant. «Je me vois mal tuer des espoirs en fonction de critères budgétaires. J'ai vu des parents faire des miracles pour que leurs enfants puissent poursuivre leurs rêves», dit-il. Il rappelle toutefois que généralement, les ménages ont de la difficulté à épargner 10 % de leurs revenus. «Si une activité coûte 10 000 dollars et que votre salaire est de 50 000 dollars, ça risque de créer un déséquilibre structurel qui pourrait mener à l'endettement», prévient le conseiller. Dans un contexte où les taux hypothécaires sont bas, il peut être tentant de réhypothéquer la maison, «mais si vous prolongez vos paiements de 10 ou 15 ans, vous devrez repousser votre retraite», prévient François Morency.
Dans le domaine du parascolaire, tout semble être une question de priorités. «Nous n'avons pas des fonds illimités, estime Véronique, tout en reconnaissant que la situation financière privilégiée de son couple lui permet d'offrir cette possibilité à ses trois enfants, dont les cours de ski. Par rapport à d'autres parents qui ont les mêmes revenus que nous, nous ne nous promenons pas en BMW ! Favoriser le sport et les arts chez nos enfants, cela fait partie de nos valeurs», résume la mère de famille.
Soccer:
Équipement: À partir de 60 dollars pour des chaussures à crampons, des protège-tibias et un ballon.
Association: Pour jouer dans une équipe de niveau récréatif l'été, comptez de 90 à 200 dollars ; au niveau compétitif, les coûts varient entre 200 et 300 dollars pour la saison.
Autres frais à considérer: Si le coût de l'inscription semble bas, c'est peut-être que le maillot, le short et les chaussettes ne sont pas fournis.
Sources : Différents clubs de soccer du Québec, Fédération de soccer du Québec
Patinage artistique:
Équipement: Pour des patins, il faut débourser entre 40 et 200 dollars, selon l'âge de l'enfant. Les plus jeunes ont aussi besoin d'un casque (30 dollars environ). Au niveau compétitif, il faut prévoir des costumes : une robe à paillettes coûte au moins 200 dollars. Il faut compter au moins 100 dollars pour un pantalon de garçon. L'inscription à des compétitions, de 80 dollars, est à prévoir plusieurs fois par année.
Cours: L'inscription à des cours de groupe coûte de 65 à 200 dollars par an. Les patineurs qui participent à des compétitions ont souvent besoin de cours donnés par des entraîneurs privés, qui demandent de 20 à 80 dollars de l'heure.
Autres frais à considérer: Certains arénas peuvent imposer des frais supplémentaires annuels qui ajouteront quelques centaines de dollars à la facture.
Source : Fédération de patinage artistique
Tennis:
Équipement: Environ 140 dollars pour une raquette, des chaussures, des balles et un sac.
Cours ou entraînement: Les municipalités et certains clubs de tennis offrent des leçons qui coûtent entre 40 et 80 dollars pour un été. L'inscription à un club de tennis coûte environ 200 dollars. Pour le jeune qui veut s'entraîner à l'intérieur à l'année, les coûts varient entre 1 000 et 3 000 dollars par an.
Autres frais à considérer: En adhérant à une équipe, votre enfant sera appelé à participer à des tournois pour maintenir son rang. Contrairement à des sports d'équipe, il est difficile de partager les frais de transport et d'hébergement avec les autres parents.
Sources : Tennis Canada, Lucien Laverdure Sports
Hockey:
Équipement: Il faut compter au moins 200 dollars pour un équipement complet, qui comprend patins, bâton, casque, gants, jambières, protège-cou et tout le reste. Pour un gardien, il faut prévoir 500 dollars environ.
Association: Compter entre 150 et 225 dollars pour jouer une saison dans une équipe de niveau novice (de 7 à 9 ans). À cela s'ajoutent parfois des frais supplémentaires pour la participation à des tournois : 100 dollars pour trois tournois (transport, nourriture et hébergement non compris).
Autres frais à considérer: L'équipement doit être changé régulièrement, et si votre enfant est un mordu, il voudra participer à des camps de printemps qui sont beaucoup plus onéreux, autour de 750 dollars pour cinq jours.
Source : Hockey Québec
Ski alpin:
Équipement: Pour environ 340 dollars, vous aurez skis, bottes, fixations, bâtons, casque et lunettes. Comme les enfants grandissent, il est aussi possible de louer skis et bottes pour 80 dollars par saison.
Abonnements de saison et cours: Selon la station de ski, un abonnement de saison coûte de 300 à 550 dollars pour un enfant, et de 1 000 à 1 400 dollars pour une famille. Des cours de groupe coûteront entre 230 et 1 000 dollars, pour huit à dix semaines. Pour être membre d'un club au sein duquel les jeunes sont encadrés par des moniteurs, il faut compter entre 150 et 1 400 dollars par saison.
Autres frais à considérer: L'habit du club à acheter en plus de l'habit de neige de tous les jours : compter environ 300 dollars pour le haut et 150 dollars pour le bas.
Sources : Sports Experts, différentes stations de ski dans la province
Musique:
Pour des leçons de musique, les professeurs demandent généralement de 25 à 40 dollars l'heure pour les instruments les plus courants. Il faut ajouter le prix des partitions (de 15 à 60 dollars par an) et les cours de groupe recommandés : théorie, solfège, dictée (autour de 300 dollars par an). Voici les prix à prévoir pour l'achat d'un instrument. Le réseau des conservatoires et les écoles à vocation musicale peuvent atténuer ces coûts.
Batterie:
Un ensemble de base varie entre 200 et 575 dollars, selon le nombre de pièces, y compris le banc.
Violon
Prévoir au moins 140 dollars. Aussi, ajouter l'achat de différents instruments, au fur et à mesure que l'enfant grandit.
Piano
Électronique : environ 850 dollars, pied et banc compris.
Acoustique : au moins 2 500 dollars, plus 100 dollars par an pour l'accordage.
Guitare
Acoustique : au moins 150 dollars.
Électrique : au moins 300 dollars avec l'amplificateur, le filage, la courroie et le plectre.
Bouchons pour les oreilles des parents : 3 dollars...
Un coup de pouce de l'État
Pour encourager les enfants à bouger ou pour favoriser chez eux la découverte des arts, les gouvernements fédéral et provincial offrent un soutien aux familles. «Les parents peuvent réclamer jusqu'à 265 dollars par enfant s'ils ont dépensé au total 1 500 dollars. Pris séparément, ces crédits peuvent paraître minimes, mais quand on les accumule, ils représentent quand même une aide appréciable», estime Pierre-Yves McSween, professeur en administration, comptable et chroniqueur en finances personnelles à Radio-Canada.
Au fédéral, le Crédit pour condition physique des enfants permet aux parents de déduire 15 % des dépenses relatives à une activité physique, pour un crédit maximum de 150 dollars. En 2015, ce crédit d'impôt deviendra remboursable, et pourra bénéficier aux familles qui n'ont pas à payer d'impôt. Un autre crédit pour les activités artistiques, celui-ci non remboursable, couvre 15 % des dépenses jusqu'à concurrence de 75 dollars.
Au provincial, le Crédit d'impôt remboursable pour les activités des jeunes couvre les activités tant sportives que culturelles. Ce crédit équivaut à 20 % du montant admissible maximal de 200 dollars en 2012. Ce ne sont donc que 40 dollars que les parents peuvent espérer retirer de ce programme. Notez toutefois que Québec haussera le plafond des dépenses admissibles jusqu'à concurrence de 500 dollars par enfant en 2017. Les parents pourront alors recevoir un remboursement allant jusqu'à 100 dollars du provincial.
Autres frais à considérer :
Dans toute activité, les coûts grimperont à mesure que l'enfant atteindra des niveaux plus compétitifs.
À cette étape, il faudra considérer les frais de déplacement, d'hébergement et la nourriture de l'enfant et souvent du parent, pour la participation à des tournois régionaux ou nationaux.
Les coûts varient en fonction de la région dans laquelle l'enfant pratique son activité. En région éloignée, vous devrez peut-être envisager que votre enfant vive en pension pendant une partie de l'année. Dans le domaine artistique, la plupart des régions sont desservies par les conservatoires, mais il faut se rapprocher des grands centres pour y avoir accès.
Des coûts s'ajoutent dans toutes les disciplines lorsque la pratique requiert des intervenants privés (entraîneurs, professeurs).
Les statistiques et l'évaluation des coûts pour les activités ont été obtenues auprès de fédérations sportives, de l'Association des professeurs de musique du Québec, de Sports Experts, de Lucien Laverdure Sport et d'Archambault. Les prix sont indiqués pour des équipements ou des instruments neufs de qualité moyenne destinés à des enfants de sept à dix ans. Pour un débutant, on pourra évidemment envisager d'acheter du matériel d'occasion.