Entrepreneurs, professionnels et travailleurs autonomes, il est temps de finaliser votre stratégie fiscale, car la fin d’année approche à grands pas.
Plusieurs avenues s’offrent aux entrepreneurs incorporés, aux professionnels ou aux travailleurs autonomes qui veulent économiser de l’impôt : profit maximal de toutes les déductions, report à une date ultérieure de l’impôt sur des revenus courants, fractionnement du revenu et transfert du revenu à une autre entité légale.
Pour y voir plus clair, voici 11 recommandations de quatre conseillers.
1-Verser un dividende ou un boni ?
Le fait de s’octroyer un dividende plutôt qu’un salaire ou un boni constitue souvent une stratégie gagnante pour l’entrepreneur incorporé qui gagne moins de 500 000 $. Le taux d’imposition est de 19 %, alors qu’il est de 30 % si vous touchez plus de 500 000 $. Le versement d’un salaire est une autre histoire : si vous recevez plus de 127 021 $, votre taux marginal d’imposition atteindra 48,2 % $, au maximum. Autre avantage du dividende : celui-ci n’est pas assujetti aux contributions à la Régie des rentes du Québec (RRQ), au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) ou à d’autres types de programme gouvernemental.
Par contre, pour ceux dont le profit est supérieur à 500 000 $, le salaire sous forme de boni est préférable, d’après Éric Brassard, de Brassard, Goulet et Yargeau, Services financiers intégrés. Celui-ci est déductible des profits de l’entreprise, contrairement au dividende. Toutefois, le dividende est moins imposé sur le plan personnel. Ainsi, au-delà de 500 000 $, le salaire vient réduire des profits qui auraient été imposés à 30 %. C’est donc rentable de le faire. À moins de 500 000 $, le salaire diminue des profits qui auraient été imposés à 19 %, ce qui est moins intéressant et fait en sorte que le dividende est souhaitable.
2-Reporter l’impôt lié à un boni
Le versement d’un boni permet parfois d’abaisser le niveau de profit d’une entreprise sous le seuil des 500 000 $, ce qui représente un avantage fiscal. Comme l’entrepreneur a six mois pour se verser le boni en question, il peut le faire après le 31 décembre et déclarer le versement de celui-ci à la fin de l’exercice, le 30 septembre par exemple.
Ainsi, cette somme ne sera imposée qu’en avril 2011. Il aura donc reporté d’un an le paiement de ses impôts.
3-Éviter les intérêts dans le versement des acomptes provisionnels
Advenant un retard dans le versement des acomptes provisionnels, il est possible de faire une retenue importante sur le salaire pour ne pas payer d’intérêts. « Si l’on reçoit un boni de 50 000 $, par exemple, on peut retenir 50 000 $ de déduction à la source pour rattraper ce retard afin d’éviter les intérêts », explique M. Brassard.
4-Accélérer ses dépenses
Il est aussi recommandé d’accélérer les dépenses avant la fin de l’année fiscale (achat d’imprimantes, de photocopieurs, campagnes publicitaires, etc.) pour avancer la réduction d’impôt d’un an, si l’on enregistre d’importants profits et que ces dépenses sont prévues de toute façon. « On peut même envisager l’achat d’immeubles et d’équipements, car cela permet d’accélérer l’amortissement d’un an », souligne M. Brassard.
5-Payer ses dettes à intérêts non déductibles
Cette stratégie vise à réduire le coût des intérêts sur les biens personnels, comme une maison, une voiture ou un chalet. « Il s’agit d’organiser ses affaires de façon à emprunter pour ses investissements, dont les intérêts sont déductibles, et à payer les dettes sur lesquels les intérêts ne sont pas déductibles », explique Jean-François Thuot, de Raymond Chabot Grant Thornton.
Dans cette optique, la « mise à part de l’argent » permet aux travailleurs autonomes et aux professionnels non incorporés de déduire les intérêts de leurs emprunts personnels. Par exemple, un dentiste ayant enregistré 300 000 $ de revenus bruts et ayant dépensé 200 000 $ en fournitures dentaires et loyer se retrouve avec un revenu net de 100 000 $. Il peut donc utiliser les 100 000 $ pour rembourser son hypothèque résidentielle, dont les intérêts ne sont pas déductibles, et prendre 200 000 $ de sa marge de crédit. Ayant abaissé son hypothèque, il refait un emprunt sur sa résidence et rembourse sa marge de crédit. Comme les intérêts ont servi à payer des dépenses liées à son entreprise, ils seront déductibles.
6-Faire le tour des crédits d’impôt aux entreprises
En matière de fiscalité, une multitude de petits crédits peuvent aider les entrepreneurs à économiser de l’argent. Certains concernent l’équipement, l’économie d’énergie, les convertisseurs, la R-D et les activités de transformation, les régions-ressources, le design industriel, l’édition, etc. Étudiez la question avec l’aide d’un comptable--fiscaliste.
7-Reporter l’impôt à long terme
Différents programmes gouvernementaux, notamment le régime enregistré d’épargne-retraite (REER), le régime enregistré d’épargne-études (REEE), le régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI), le régime d’épargne individuel (RRI) et le compte d’épargne libre d’impôt (CELI) permettent de reporter l’impôt à long terme.
Le REEE donne droit à une subvention gouvernementale pouvant atteindre 10 800 $, soit 30 % des cotisations annuelles au régime (jusqu’à concurrence de 750 $ par année). Il est primordial de placer rapidement les sommes autorisées dans le REEE, la période de rattrapage étant seulement d’un an. De plus, les contributions au compte d’épargne libre d’impôt (CELI), jusqu’à 5 000 $ annuellement, sont cumulatives et peuvent se faire à n’importe quel moment. « Si on n’y contribue pas et qu’on détient de l’épargne hors REER, on est pénalisé », souligne M. Thuot. Les revenus de placement s’accumulent à l’abri de l’impôt.
8-Fractionner ses revenus
Le fait de déclarer un revenu – sous forme de dividende ou de salaire – au conjoint, aux enfants majeurs ou aux parents âgés ayant de faibles revenus peut contribuer à faire économiser de l’impôt à une personne fortunée. Au lieu d’ajouter 50 000 $ au revenu d’un riche entrepreneur qui paie déjà le taux maximum d’impôt, le fait de verser cette somme à son enfant majeur qui ne gagne pas grand-chose fera en sorte que l’impôt total à payer sera moins élevé. De la sorte, on fractionne le revenu. Une simple contribution au REER du conjoint moins fortuné est également efficace, avec un horizon de placement de plus de deux ans. Ce fractionnement des revenus fera en sorte qu’au moment de la retraite, les retraits seront moins taxés.
9-Mettre sur pied une fiducie discrétionnaire
La mise sur pied d’une telle fiducie, un outil de planification successorale, permet à un entrepreneur de transférer une plus-value future au conjoint et aux enfants, tout en bénéficiant de l’exonération de 750 000 $ sur les gains en capital de la vente des actions d’une PME en activité. Cette exonération peut même être multipliée par le nombre de membres de sa famille, si la fiducie discrétionnaire est créée au bon moment, d’après M. Brassard. Par exemple, des actions d’une entreprise privée valent cinq millions de dollars (M $) lors de la création d’une fiducie. Si elles sont évaluées à 8 M $ quatre ans plus tard, une plus-value de 3 M $ pourrait être transférée aux deux enfants et au conjoint. Par ailleurs, chacun de ces bénéficaires pourra profiter de l’exonération de 750 000 $ sur les gains en capital, de sorte que, si chacun a reçu 1 M $, il ne payera de l’impôt que sur 250 000 $.
10-Penser à l’incorporation
Un entrepreneur ou un professionnel (médecins, dentistes, comptables, etc.) gagnant plus de 100 000 $ a intérêt à s’incorporer. L’incorporation comporte en effet plusieurs avantages : réduction des impôts, choix entre différents types de rémunération, fractionnement de revenus avec la famille, auto louée par l’entreprise à l’entrepreneur, assurance-vie, responsabilité limitée en cas de faillite, choix de fin d’année fiscale, plus grande facilité à s’associer et à trouver du financement. L’incorporation est pertinente pour un professionnel ou un entrepreneur qui gagne plus de 100 000 $ car cette démarche entraîne des déboursés importants. En plus des frais d’incorporation, payables une seule fois, il y a des frais annuels pour la préparation et la production de rapports trimestriels et de documents (production des déclarations d’immatriculation
annuelles et dépôt des déclarations modificatives, entre autres). Ces formalités sont généralement réalisées par des professionnels, et entraînent des frais additionnels. Selon les experts, le jeu n’en vaut pas vraiment la chandelle lorsque le revenu est inférieur à 100 000 $.
Par ailleurs, il est important que l’entrepreneur soit en mesure de laisser des sommes d’argent dans sa société s’il songe à s’incorporer. Il ne s’agit pas de dépenser tous les profits de la société pour son propre train de vie. Car chaque fois que l’entrepreneur se verse de l’argent à partir de son entreprise, il est doublement imposé : le revenu attribué sera imposé à l’entreprise (19 % actuellement). Par ailleurs, le montant que l’entrepreneur se verse (salaire ou dividende) devra être ajouté à ses revenus personnels. Celui-ci sera de nouveau imposé, mais au taux d’imposition personnel de l’entrepreneur.
Bref, si tous les revenus gagnés sont imposés au taux marginal de l’entrepreneur, cela ne vaut pas la peine de créer une société, qui bénéficie pour sa part d’un taux d’imposition inférieur.
11-Envisager de créer une entreprise de prestation de services personnels
Le concept d’entreprise de prestation de services personnels est très rentable pour les hauts salariés. Un consultant gagnant 150 000 $ par année aurait avantage à créer une compagnie pour offrir des services contre rémunération. Sa relation avec son employeur passerait ainsi de salarié à sous-traitant. Son taux d’imposition s’établirait à 30 % (taux des compagnies) plutôt qu’à 48 % pour les hauts salariés. Il reportera une partie de l’impôt, mais il devra laisser des sommes d’argent dans sa compagnie.