À votre décès, que deviendra votre page Facebook ? Et vos données stockées dans le nuage ? Bertrand Salvas, notaire spécialisé en droit des technologies de l'information, nous répond.
Doit-on se préoccuper de sa succession numérique ?
Tout dépend de l'usage qu'on fait des technologies de l'information. Avant Facebook et le Web 2.0, on naviguait pour consulter du contenu. L'enjeu est devenu bien plus important depuis l'arrivée des réseaux sociaux. Désormais, nous laissons davantage de traces sur Internet. Et c'est à chacun de nous qu'il revient de déterminer ce qu'il veut faire de ces données. Un auteur pourrait avoir toutes ses créations sur un compte dans le nuage : or, les données risquent d'être effacées alors qu'il voulait les transmettre.
La loi a-t-elle suivi cette évolution ?
La loi ne s'est pas adaptée... mais de toute façon, elle n'avait pas à s'adapter ! Sur le plan juridique, on ne fait pas de distinction entre les biens, qu'ils soient numériques ou non. Si je nomme un liquidateur testamentaire, il administrera les biens virtuels comme il administre mon compte de banque. Mais en pratique, ces données sont hébergées chez une multitude de fournisseurs installés partout dans le monde, régis par des lois différentes et par des politiques internes spécifiques.
Quelles en sont les conséquences ?
Au décès, certains fournisseurs comme Twitter désactiveront le compte. D'autres ne feront absolument rien : c'est ainsi qu'il arrive qu'on reçoive une proposition de mise en relation avec une personne décédée. De son côté, Facebook permet de transformer la page du disparu en page commémorative, où les usagers peuvent laisser des messages.
Comment s'adapter à cette diversité ?
Il faut planifier au maximum sa succession. Cela commence par récapituler ce que nous voulons transmettre ou supprimer à notre décès. Puis, on vérifie ce que les fournisseurs technologiques prévoient faire de nos données. Cela implique qu'on lise leurs conditions d'utilisation, et qu'on les compare avec nos propres volontés. Si je veux que mes informations soient conservées, mais que le réseau social prévoit leur suppression, mes héritiers iront-ils vraiment plaider dans un autre pays ? Les coûts seraient énormes.
Que faire dans ce cas ?
Il vaut mieux faire concorder dès à présent nos volontés avec les conditions d'utilisation des services. Comme on ne peut pas obliger les firmes à changer leurs clauses, cela signifie qu'on doit choisir les fournisseurs dont les politiques s'alignent sur ce qu'on souhaite pour ses données.
Devrait-on inscrire ses mots de passe dans son testament ?
Il est conseillé de changer fréquemment ses mots de passe, pour des raisons de sécurité. Si on les note dans son testament, on devra les modifier chaque fois qu'on les renouvelle. Ce n'est pas idéal.
Comment faire ?
Il faut trouver une solution pratique. Par exemple, pour transmettre le contrôle de son ordinateur, on peut créer un compte invité qui dispose des droits d'administrateur, destiné à ses enfants, et dont eux seuls possèdent le mot de passe.
Peut-on faire confiance aux sites de sauvegarde numérique ? *
C'est le même problème qu'avec un coffre de sûreté : il faut s'assurer que la liste du contenu reste à jour. Il y a aussi le risque que le fournisseur ferme ses portes d'ici à notre décès. C'est une fausse sécurité. Cela peut faire partie des solutions, mais ça ne doit pas être le seul moyen.
* Liste de services en anglais