Avec près de 55 000 salariés dont 18 000 au Québec, Bell a formé plus de 6000 gestionnaires à l’échelle du pays afin de les outiller pour réagir face à un problème de santé mentale. Cette initiative a valu à la firme de remporter en 2014 le prix de la santé et du bien-être psychologique de l’Ordre des psychologues du Québec, ainsi que la médaille d’or en santé mentale au travail d’Excellence Canada, une première pour une entreprise.
« En 2010, nous avons décidé d’attribuer 67 millions de dollars à notre programme de santé mentale basé sur 4 piliers : la lutte contre la stigmatisation, l’accès aux soins dans la communauté, la recherche sur la santé mentale et la santé mentale au travail », résume Bernard Le Duc, vice-président exécutif, services généraux de Bell.
L’objectif ? Faire la différence face à un enjeu important aux yeux de l’organisation, la santé mentale, qui représente près de 50 milliards de dollars de dépenses annuelles au pays et touche un Canadien sur 5.
Bell a choisi de mettre l’accent sur la sensibilisation de ses troupes, afin de les aider à mieux comprendre les enjeux de santé mentale. Une première formation a été mise sur pied pour les gestionnaires, ainsi qu’une formation pour les représentants syndicaux et une pour les employés. La formation des gestionnaires, sur une journée complète, comprend trois phases, tandis que les deux autres, de quelques heures seulement, sont proposées en ligne.
« Pour les gestionnaires, la première phase sert vraiment à comprendre ce qu’est la santé mentale et les problèmes psychologiques qui peuvent se présenter. Ils sont ensuite amenés à reconnaître les symptômes ainsi que les facteurs extérieurs qui peuvent influencer ce qui se passe au travail, comme la situation familiale ou personnelle », résume M. Le Duc.
Pour Jean-Pierre Brun, professeur titulaire de la Chaire en gestion de la SST à l’Université Laval, il est essentiel de former tant les gestionnaires que les employés : « Même si on pense souvent qu’une équipe va bien lorsque son gestionnaire a des comportements favorisant la santé mentale, le problème ne vient pas toujours du gestionnaire, mais aussi des collègues de travail ».
Une communication sur tous les fronts
En parallèle, le groupe a lancé un programme de prévention en interne. Il comprend des événements et séminaires tout au long de l’année, le lancement d’un portail internet et plusieurs guides sur la santé mentale. « Ce sont des bons points de départ afin de savoir qui appeler, quelles sont les personnes pouvant apporter du soutien, ou quoi dire », résume Bernard Le Duc.
L’entreprise offrait déjà un programme d’aide aux employés et aux familles (PAE). Cependant, grâce à la campagne de sensibilisation, l’utilisation du PAE a connu une hausse de 92% de son utilisation.
Le traditionnel sondage réalisé chaque année auprès des salariés a lui aussi été revampé afin de mesurer la satisfaction découlant des mesures déployées. Cette question a été chapeautée par le département RH, où une équipe de trois personnes à temps partiel a été dédiée à cet enjeu.
Bell a aussi restructuré sa procédure de retour au travail. « Il est très important que le gestionnaire entretienne une bonne communication avec l’employé, en gardant contact durant toute la période d’invalidité pour éviter le phénomène d’isolement et offrir un soutien moral aux salariés », dit Bernard Le Duc. Désormais, plus d’intervenants sont impliqués dans le retour au travail des salariés, comme le représentant RH, le représentant syndical et un représentant de l’équipe.
« On sait que le retour au travail est une étape stratégique, car il existe très souvent un lien entre l’absence et le travail. C’est pourquoi il est important que les entreprises puissent assurer un soutien avant et durant le retour », considère Evelyn Kedl, consultante prévention et gestion des conflits et soutien au rétablissement et au retour au travail. Lorsque c’est possible, Bell propose donc un retour au travail progressif et tente de planifier le travail du salarié en tenant compte de son niveau d’énergie.
Des résultats concrets
Depuis la mise en place des premières actions, il y a 4 ans, Bell a constaté une baisse de 17% du nombre de requêtes d’invalidité liées à la santé mentale. « On pense que c’est grâce aux programmes de communication et d’information dont on a parlé, et au fait que les gens cherchent davantage de support avec le PAE », affirme Bernard Le Duc.
Le sujet est aussi entré au quotidien dans les discussions des employés. « Les gens sont sensibilisés à cette problématique et cherchent davantage des façons d’éviter les causes possibles. C’est presque devenu un changement de culture ! » estime-t-il.
Implanter un programme de ce type restait en soi un défi pour une entreprise comme Bell, qui lutte tous les jours dans une industrie très concurrentielle. « Mais cela n’a pas baissé notre performance, bien au contraire : avec des employés plus engagés et en meilleure santé, on voit beaucoup d’effets positifs sur la société !
Le professeur Jean-Pierre Brun rappelle que la question de la qualité de vie est essentielle pour améliorer les performances de l’entreprise : « On oublie souvent qu’une bonne santé des employés équivaut à une bonne santé de l’entreprise. D’autant plus que des mesures comme la mise en place d’un plan d’action, de la cohésion d’une équipe ou l’amélioration de la qualité des réunions ne sont pas coûteuses ».
Si le montant des investissements réalisés pour ce programme reste « confidentiel », Bernard Le Duc nuance : « Une telle approche génère des coûts, comme la rémunération d’une équipe de trois personnes, une augmentation de notre couverture d’assurance ou des dépenses de formation. Mais nous voyons cela comme un investissement nous offrant un meilleur engagement de nos salariés, qui tombent moins souvent malades », avance-t-il.
Bell compte poursuivre sur sa lancée. La firme embauche de 6000 à 7000 nouveaux employés par année : la formation ne peut donc pas s’arrêter ! « Le but est désormais de faire passer tous nos leaders au sein des 3 niveaux que nous avons identifiés, pouvant déboucher sur une certification». Le groupe souhaite aussi évaluer de plus près chaque unité d’affaires pour mettre en place une meilleure gestion des risques.