La distance qui sépare la Côte-Nord du coeur du Québec pourrait décourager plus d'un organisateur d'y tenir un événement majeur. Pourtant, cette région qui s'étire sur plus de 1 300 km de littoral attire bon an mal an une bonne dizaine de rassemblements provinciaux. Et grâce aux récents investissements privés visant à revitaliser et à améliorer les infrastructures pour les réunions et congrès de la région, ce nombre d'événements ne peut qu'augmenter à l'avenir. Surtout si les Nord-Côtiers eux-mêmes y mettent du leur.
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Les pompiers de Havre-Saint-Pierre jouent les ambassadeurs
Les ambassadeurs jouent un rôle inestimable pour attirer des événements dans une ville. À ce chapitre, Gaétan Scherrer, directeur du Service de sécurité incendie de Havre-Saint-Pierre, mérite une médaille. Grâce à lui et à son équipe, la municipalité a décroché l'organisation des 22e Jeux provinciaux des pompiers en juin 2014. Bien qu'elle soit principalement présentée en région, cette compétition ne s'était jamais tenue aussi loin dans la province.
Plus d'une quinzaine d'équipes, formées de huit pompiers provenant de l'Outaouais, de la région de Québec, du Saguenay, de la Côte-Nord et des Îles-de-la-Madeleine, ont monopolisé les quatre motels de la ville ainsi que le terrain de camping. «On a fait venir des gradins de la Beauce et des échafaudages du Saguenay pour accueillir la centaine de pompiers accompagnés des membres de leur famille. La communauté autochtone Mingan nous a prêté son camion de pompier», rapporte l'organisateur, Gaétan Scherrer. Même les petits rorquals, qui ont généralement quitté la baie de Havre-Saint-Pierre à la fin de juin, ont fait partie du spectacle tout le week-end. L'événement provincial s'est rapidement transformé en festival pour les résidents de Havre-Saint-Pierre.
Sept-Îles se dote d'un centre des congrès
«Lorsque votre plus grande salle, c'est l'aréna, vous ne pouvez pas espérer attirer des événements majeurs en ville.» C'est ce constat qui a motivé Alain Chevarie, un agent immobilier de Sept-Îles, à vouloir transformer la salle de quilles de sa ville en un centre des congrès. Un peu moins de 2 M$ plus tard, l'homme d'affaires, qui a bénéficié de l'aide d'investisseurs, ne s'est pas trompé. Ouvert à l'automne 2011, l'établissement, qui compte quatre salles, dont une pour 400 personnes, affiche un taux d'occupation de plus de 70 %. De plus, 75 % des revenus proviennent d'événements d'affaires. Ce sont pour la plupart des rencontres locales et régionales. Près de 20 % de ces événements sont liés aux besoins de la clientèle des Premières Nations. «Le calendrier compte une bonne dizaine de foires commerciales, y compris de congrès régionaux, provinciaux et nationaux», ajoute M. Chevarie.
En septembre dernier, le Centre des congrès a reçu la visite de quelque 300 participants au 6e Colloque sur l'ingénierie de maintenance et l'exploitation minière (MeMO). «Ça faisait plus de 20 ans que la ville n'avait pas accueilli d'événement national semblable. On est en train de remettre Sept-Îles sur la carte des événements associatifs», affirme M. Chevarie, confiant. Ce dernier compte d'ailleurs courtiser activement toutes les associations provinciales, autant professionnelles, sociales que sportives, pour qu'elles y tiennent leurs activités.
Déjà deux fédérations sportives (hockey et soccer) ont dit oui. Les deux organisations vont tenir en juin 2015 leur assemblée générale provinciale annuelle à Sept-Îles. Des événements de 150 à 200 participants. «Sans la présence du Centre des congrès, l'organisation aurait choisi une autre destination», admet Daniel Côté, directeur, communication, marketing et événements, chez Hockey Québec.
En marge du Centre des congrès, un nouvel hôtel s'est ajouté il y a deux ans. Le Château Arnaud, construit au coût de 14 M$, compte 80 chambres au décor contemporain. Un autre plus en faveur de Sept-Îles.
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Baie-Comeau se retrousse les manches
Depuis plus de 10 ans, Baie-Comeau ne figure plus au sein du circuit officiel des villes de congrès du Québec. La municipalité, qui était pourtant l'une des pionnières de l'ex-association des bureaux de congrès du Québec (devenue l'Association des professionnels de congrès du Québec), a tiré sa révérence en 2003, faute d'énergie et d'arguments de vente.
«C'était devenu frustrant dans les foires de tourisme d'affaires de voir les organisateurs d'événements fuir notre kiosque en raison de la distance qui sépare Baie-Comeau des grands centres de la province», soulève Sophie St-Gelais, conseillère aux affaires touristiques et événements de Baie-Comeau.
Qui alors fait maintenant ce boulot ? Les Baie-Comois eux-mêmes ! Ce sont, pour la plupart, des membres d'associations régionales et provinciales qui réussissent à attirer quelques grands événements en ville. Congrès médicaux, assemblées syndicales, galas de boxe, championnats provinciaux, etc. Plus de la moitié des revenus liés au tourisme d'affaires de Baie-Comeau revient justement à l'organisation d'événements sportifs, signale Mme St-Gelais.
Ces «ambassadeurs» ont beau vouloir faire la promotion de leur ville, encore faut-il qu'ils aient de bons arguments pour convaincre les visiteurs de franchir autant de kilomètres. Les principaux hôteliers de la région sont justement en train de les leur fournir grâce à des investissements d'un peu plus de 3 millions de dollars réalisés au cours des deux dernières années.
Racheté en 2012 par Anny Blanchette et Roby Jean, un jeune couple de la région, l'hôtel motel Hauterive est l'actuel coup de coeur des organisateurs d'événements locaux et régionaux à Baie-Comeau. Grâce à des investissements de plus de 250 000 $ et le dynamisme des nouveaux propriétaires pour servir la clientèle, cette institution de 37 chambres est devenue le lieu de réunion le plus couru en ville.
«Depuis notre arrivée, les réservations de nos salles ont augmenté de 85 %. Une de nos employées qui compte 25 ans de service n'a jamais vu un tel engouement pour l'établissement», rapporte Anny Blanchette, copropriétaire de l'hôtel. Même les institutions financières de la région félicitent le couple pour ce tour de force réussi dans une économie qui roule à très basse vitesse ces jours-ci à Baie-Comeau. Rappelons que les deux principaux employeurs privés en ville, Alcoa et Produits Forestiers Résolu, ont supprimé plus de 1 000 emplois en cinq ans.
Les cinq salles, qui, une fois regroupées, peuvent recevoir jusqu'à 350 convives à la fois, sont réservées du lundi au vendredi par la clientèle d'affaires locale. Il s'y tient principalement des séances de formation, des rencontres syndicales et des galas. «Plusieurs des organisateurs ont régulièrement la surprise de doubler le nombre de participants à leurs événements parce qu'ils ont choisi nos salles», soutient Mme Blanchette.
En achetant le motel voisin, Le Boréal, qui compte une quarantaine de chambres, le couple a créé le complexe Hôtels du Plateau. Cet établissement a lui aussi bénéficié d'un peu plus de 250 000 $ de travaux de rénovation.
Le Grand Hôtel, au coeur du centre-ville, un vestige Art déco des années 1930, suscite également l'engouement de la clientèle d'affaires qui réserve l'une de ses 48 chambres. Murs de briques rouges, boiseries abondantes, mobilier antique : le proprio Denis Harel a investi plus de 1,5 M$ pour faire de son hôtel la plus élégante des adresses en ville. L'hôtel affiche régulièrement complet du lundi au jeudi. Les quatre salles de conférence - dont une pour 80 personnes - sont régulièrement occupées par les représentants-voyageurs venus présenter des formations.
Enfin, ces investissements ont incité les propriétaires de l'Hôtel Le Manoir à redonner du lustre à leur établissement. Ce complexe hôtelier, le seul en ville qui borde le fleuve, a longtemps été le lieu des grands rendez-vous des entreprises baie-comoises. C'est ici que le premier ministre du Canada, Brian Mulroney, a célébré son élection en 1984. Un peu moins de 1 M$ a été investi au cours des deux dernières années pour, entre autres, revitaliser les 60 chambres et aménager une nouvelle terrasse. L'hôtel doit également ouvrir un restaurant ce printemps. D'autres projets sont à venir, dont la mise à niveaux des sept salles, y compris la salle de bal pour 450 personnes, qui est la plus grande salle de réception en ville.
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Tadoussac, destination des fêtes et festivals
La plupart des hôtels misent sur leurs salles, le décor de leurs chambres, la qualité de leur cuisine, sans oublier leur localisation pour vendre leur destination auprès des organisateurs d'événements. Consciente de la distance qui la sépare des grands centres, la direction de l'Hôtel Tadoussac s'est trouvé un nouvel argument de vente auprès de la clientèle d'affaires : l'événementiel.
L'établissement, qui a servi de lieu de tournage au film L'Hôtel New Hampshire dans les années 1980, n'ouvre ses portes qu'en période estivale, de mai à octobre. Bondé en juillet et août, l'hôtel éprouve un peu plus difficulté à remplir ses 149 chambres avant et après cette période. Ce qui lui confère un taux d'occupation de 60 %, dont le tiers provient des événements et rencontres d'affaires.
«Les croisières aux baleines attirent les groupes, mais ça ne suffit pas. D'où l'idée de créer des festivals en juin, septembre et octobre pour inciter les associations et les entreprises à nous choisir comme destination de congrès», souligne Tina Tremblay, directrice générale de l'Hôtel Tadoussac.
Depuis huit ans, la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke présente à l'hôtel un événement de formation auprès d'une centaine d'étudiants en juin, trois jours avant l'ouverture du Festival de la chanson. «Ce festival, qui attire près de 25 000 participants, constitue leur activité postcongrès», rapporte Mme Tremblay.
L' équipe de l'hôtel, qui inclut depuis deux ans un représentant établi à Montréal, travaille actuellement à faire connaître la toute nouvelle Fête des saveurs, présentée pendant trois week-ends d'octobre. Le Happening de peinture et le Festival des oiseaux migrateurs, tenus tous deux en septembre, figurent aussi parmi les événements que l'on espère voir devenir des attraits précongrès et postcongrès.
En attendant, l'hôtel, qui s'est doté d'un restaurant 4 diamants depuis l'automne 2012, a rénové ses chambres et mis à niveau sa douzaine de salles, dont la plus grande peut accueillir 350 personnes.
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La grande séduction des Escoumins
La municipalité des Escoumins démontre qu'il est possible d'attirer des événements, même si on ne possède pas un centre des congrès. Depuis 2005, elle accueille chaque année en septembre le Congrès médical en Haute-Côte-Nord. Consacré à la médecine d'urgence en région, cet événement affiche systématiquement complet avec 160 participants et une quarantaine de conférenciers qui se déplacent gratuitement. «On doit refuser une centaine de réservations chaque année», soulève Marjolaine Tremblay, coordonnatrice du Congrès. La période d'inscription, en mai, dure rarement plus d'une journée. «Il y a trois ans, toutes les places avaient été comblées en moins de dix minutes», dit-elle.
Pour assurer la tenue de la dizaine d'ateliers présentés en simultanée en matinée et en après-midi pendant trois jours, l'équipe organisatrice emploie toutes les salles de la municipalité. Outre les quatre salles du Centre de santé, le Centre communautaire, l'église, la salle du conseil municipal, et même le salon funéraire sont mis à contribution pour l'événement. «Tous ces lieux sont situés à distance de marche», précise Mme Tremblay.
La coordonnatrice dit recevoir au moins trois demandes par année de la part d'organisateurs d'événements, qui veulent connaître la recette du succès des Escoumins. «Ce n'est pas compliqué. Toute la population y met du sien», dit-elle. Enfin, au-delà de sa popularité auprès des participants, ce congrès contribue à faire découvrir la Côte-Nord. Une bonne dizaine de médecins ayant participé au Congrès pratiquent aujourd'hui leur profession dans la région.
Histoires de pêche
Les pourvoiries de la Côte-Nord - on en compte plus d'une cinquantaine sur le territoire - font partie de l'offre qui distingue cette région. «De l'avis de nos clients d'affaires, le contact privilégié établi lors d'une sortie de pêche au saumon est inestimable», rapporte Charles Huot, copropriétaire de la pourvoirie de la rivière Corneille, à Baie-Johan-Beetz.
Depuis que cet homme d'affaires de Mont Saint-Sauveur a acquis la pourvoirie en 2009, la clientèle d'affaires a bondi. «D'à peine 5 % des revenus à l'origine, elle constitue, six ans plus tard, 25 % du chiffre d'affaires de la pourvoirie», signale M. Huot.
Cette augmentation ne s'est pas réalisée sans effort. L'établissement, qu'entoure la réserve du parc national de l'Archipel-de-Mingan, a fait l'objet d'un peu plus de 500 000 $ d'investissements : rénovation des cinq chalets, amélioration des sites de pêche, branchement à Internet. Le personnel est passé de deux à cinq employés. Ces efforts ont permis de rehausser la cote de la pourvoirie de 2 à 4 étoiles.
Résultat ? L'établissement, qui limite les séjours de pêche à six clients à la fois, reçoit régulièrement la visite de présidents d'entreprises et d'associés de cabinets, du 1er juin à la fermeture de la pourvoirie, le 15 septembre. M. Huot précise que plus du tiers de sa clientèle d'affaires provient de l'international. Le choix de pêche en mer, en rivière et en lac, la qualité des repas (homard, pattes de crabe, filet mignon, etc.) et la proximité de l'aéroport de Havre-Saint-Pierre (45 minutes de la pourvoirie), dont la piste est conçue pour l'atterrissage d'avions nolisés, sont autant d'éléments qui distinguent la pourvoirie. Et qui plaisent à la nouvelle clientèle.