Pierre Duhaime, président et chef de la direction du géant de l'ingénierie-construction SNC-Lavalin depuis presque deux ans, était conférencier du Rendez-vous financier Les Affaires, tenu le 17 mars, à Montréal. Il a répondu aux questions de notre journaliste Dominique Beauchamp.
Les Affaires - La tragédie nucléaire du Japon remet de nouveau en question la sécurité de cette source d'énergie un peu partout dans le monde. La catastrophe menace-t-elle la renaissance de cette industrie, qui vous fournit bon an mal an 200 millions de dollars (M$) de revenus ?
Pierre Duhaime - À court terme, il y a certainement un impact. On ne pouvait imaginer pire cataclysme, un tremblement de terre et un tsunami, pour une centrale nucléaire. À long terme, je crois que l'énergie nucléaire restera une des solutions aux besoins énergétiques pour bien des pays parce que les centrales n'émettent pas de gaz à effet de serre. Leur coût de revient est aussi fortement compétitif. L'Ontario devrait aller de l'avant avec sa centrale Darlington. Bien des opérateurs voudront aussi renforcer leurs installations, ce qui pourrait nous fournir des occasions d'affaires. Une centaine de réacteurs, dont celui de Gentilly II, à Bécancour, devront aussi être remis à neuf au cours des prochaines années.
L.A. -Vous venez d'acquérir une entreprise de sécurité nucléaire et vous avez fait une offre d'achat conjointe avec la caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario pour l'acquisition d'Énergie atomique du Canada. Est-ce que la catastrophe du Japon change vos plans ?
P.D. - Non. Nous allons toujours de l'avant. La technologie du réacteur Candu d'Énergie atomique du Canada est sécuritaire. Nous espérons recevoir un suivi d'Ottawa par rapport à notre offre d'ici six mois, mais des élections fédérales pourraient entraîner des délais.
L.A. - Les combats en Libye vous ont obligé à retirer 943 M$ de contrats controversés de votre carnet de commandes et à évacuer 4 000 employés. Plusieurs ont été surpris d'apprendre que la Libye comptait pour 6,5 % de vos revenus en 2010. Est-ce un facteur de risque dont les investisseurs devraient davantage tenir compte à l'avenir ?
P.D. - Nous avons retiré ces contrats de notre carnet par mesure de précaution pour rassurer nos actionnaires, mais nous avons bon espoir d'y retourner une fois que la paix sera revenue, quel que soit le régime en place. Après tout, la plupart de nos projets en Libye, depuis 40 ans, améliorent les conditions de vie de l'ensemble de la population libyenne. Pour ce qui est du risque de nos projets à l'étranger, quand il se manifeste, ça peut effectivement avoir pour effet de diminuer notre valorisation en Bourse.
L.A. - Vous prévoyez désormais que vos bénéfices resteront stables en 2011 par rapport à 2010, en raison de vos contrats libyens. Comment est-ce possible avec un carnet de commandes record de 13 milliards de dollars (G$) et 10 000 contrats en cours de réalisation ?
P.D. - Nous visons une croissance de 7 à 12 % de nos bénéfices annuels. Nous l'aurions atteinte sans les événements en Libye. Les contrats libyens auraient procuré des revenus de 450 M$ en 2011. Leur suspension soustrait donc environ 0,20 $ par action au bénéfice, y compris les coûts associés à l'évacuation et aux travaux en cours, avant le soulèvement. Les ressources en Libye seront toutefois éventuellement réaffectées ailleurs, au fil des nouveaux contrats. Nous sommes toujours prudents dans nos prévisions. Nos actionnaires l'apprécient.
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L.A. - L'instabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord donne-t-elle une nouvelle urgence à votre stratégie d'acquisitions au Brésil, en Russie, en Inde, en Malaisie et en Indonésie ?
P.D. - Nous sommes déjà en mode accéléré côté acquisitions. Nous visons avant tout des acquisitions stratégiques de taille moyenne pour renforcer une spécialité ou pour percer un nouveau marché. Notre objectif est aussi de devenir un leader dans le domaine du pétrole et du gaz, comme c'est le cas dans le secteur des mines et des métaux. Pour y arriver, il faudrait doubler à 10 000 ou 12 000 les effectifs de cette division. Cela pourrait se faire par acquisitions. Nous sommes constamment à l'affût. Nous avons 225 candidates d'acquisition sur la table de travail, mais seulement de 5 à 10 d'entre elles se réaliseront.
L.A. - Les analystes vous disent prêt à vendre des concessions d'infrastructures pour réaliser un grand coup, aux États-Unis par exemple. Qu'en est-il ?
P.D. - La valeur de l'ensemble de nos concessions totalise 3 G$. Certaines ont atteint la maturité. C'est un beau moyen d'aller chercher du capital, si l'occasion d'une vie se présentait. Il faut toutefois être prudent. Une grosse transaction ne crée pas toujours de la valeur en raison du risque d'intégrer deux cultures.
L.A. - Votre action en Bourse s'échange à un multiple cours/bénéfice inférieur à celui de sociétés semblables à la vôtre. Y a-t-il un écart à combler ?
P.D. - Les titres d'autres firmes d'ingénierie en Bourse, surtout américaines, se négocient en effet à des multiples plus élevés que le nôtre, mais en fait leurs bénéfices sont encore déprimés, ce qui gonfle leur évaluation en apparence.
Leurs cours reflètent donc déjà le potentiel d'un retour à une rentabilité plus normale.
PROFIL
Valeur boursière : 8,1 milliards
Dividende $/ % : 0,84 $/1,6 %
Encaisse par action : 6 $
Baisse de l'action depuis son sommet annuel du 24 janvier 2011 : 11,7 %
100 % La totalité des commandes en carnet pour l'énergie nucléaire de SNC-Lavalin concerne des projets de remise en état de réacteurs Candu et non de nouvelles centrales.
LE COIN DES ANALYSTES
SNC-Lavalin (Tor., SNC, 55,88 $)
Leurs recommadations
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Cours cible moyen : 65,75 $
Gain potentiel : 17,7 % d'ici 12 mois
Fourchette des bénéfices prévus en 2011 : 2,32 à 3,09 $ l'action
Fourchette des bénéfices prévus en 2012 : 2,70 à 3,69 $ l'action
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