Le Saguenay-Lac-Saint-Jean lutte contre sa dépendance à l'égard des grandes entreprises de l'aluminium et de la foresterie depuis une vingtaine d'années. Pour se diversifier, la région veut miser sur des produits à forte valeur ajoutée et tirer profit de sa nordicité en en faisant une marque de commerce.
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L'annonce, le 2 mai dernier, de l'implantation d'une usine de fabrication de patios en aluminium par l'entreprise albertaine SigmaDek à Saguenay est l'une des réussites des efforts visant à diversifier l'économie régionale.
Le projet de 15 millions de dollars, qui créera une quarantaine d'emplois, fait suite au démarrage de l'usine d'extrusion de Pexal Tecalum Canada. Celle-ci permet de profiler l'aluminium, une étape qui manquait cruellement à la région pour aller plus loin dans la transformation de l'aluminium.
La région a choisi d'utiliser son expertise existante pour élargir ses activités quand l'emploi a commencé à décliner chez ses piliers économiques - les grandes entreprises de la foresterie (pâtes et papiers, scieries) et de la première transformation de l'aluminium - au début des années 1980.
«On a décidé d'apporter de la valeur ajoutée et de se lancer dans les deuxième et troisième transformations de l'aluminium. Aujourd'hui, une centaine d'entreprises ayant une expertise pointue ont vu le jour, et elles emploient 26 000 personnes», explique Claudia Fortin, directrice générale du Centre local de développement (CLD) de la ville de Saguenay.
Néanmoins, cette stratégie a ses limites, car la dépendance au secteur traditionnel de l'aluminium subsiste.
«Le milieu pourrait être très fragilisé si le domaine de l'aluminium allait moins bien, puisque tout y est lié», observe Jean-Pierre Boivin, préfet de la MRC Maria-Chapelaine, qui connaît une forte dépendance à la foresterie encore aujourd'hui.
«C'est sûr qu'il nous faut nous diversifier et ne pas tout miser sur un seul créneau», reconnaît Claudia Fortin.
Exploiter la forêt boréale autrement
Des entreprises ont déjà pris l'initiative de diversifier leur activité à partir de l'expertise acquise comme sous-traitant de grandes entreprises. C'est le cas du groupe Céger, dont fait partie le cabinet de génie-conseil Cegertec WorleyParsons. Rio Tinto Alcan a longtemps été le moteur de la croissance, mais le groupe a développé ses marchés et acquis une force de frappe provinciale.
De nouveaux créneaux économiques émergent également, comme le tourisme écologique et d'aventure ainsi que les produits issus de la forêt boréale. Simon-Pierre Murdock, pdg de Morilles Québec, en a constaté la valeur en découvrant, un jour de promenade, des morilles dans la forêt.
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«J'ai compris qu'il était possible de faire autre chose de nos forêts que des planches de deux-par-quatre», dit l'ancien infirmier devenu homme d'affaires. Aujourd'hui, Morilles Québec, qui travaille toute l'année et compte près d'un millier de clients au Québec et en Ontario, vend divers produits de la forêt : aiguilles de sapin séchées, écorce de mélèze et de cèdre, plantes, fruits sauvages, racines, etc.
Ses produits, séchés, congelés ou en poudre, sont présents dans les rayons d'IGA. La PME, créée il y a sept ans, a atteint le seuil de rentabilité l'année dernière grâce à un chiffre d'affaires qui double chaque année depuis sa fondation.
Certes, Morilles Québec ne compte que sept employés, mais ses perspectives de développement sont prometteuses.
«On ne récolte aujourd'hui que 10 % du potentiel de cueillette ; il y a donc place au développement», précise M. Murdock, en pourparlers avec deux autres chaînes d'épiceries au Québec. Le chef d'entreprise espère devenir «d'ici trois à cinq ans le plus gros vendeur de champignons du Canada».
Un sommet économique en juin
Étant donné le faible nombre d'emplois créés par les PME comme Morilles Québec -, par ailleurs innovantes et à succès -, la région souhaite développer d'autres expertises. Un sommet prévu le 18 juin prochain, organisé par le gouvernement, permettra de dessiner les grandes orientations du développement économique de la région au cours des prochaines années.
«L'impératif renouvellement de la structure économique traditionnelle exige l'exploration de nouveaux champs. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean doit à cet effet fixer des rendez-vous permanents avec l'innovation», indique sur son site Internet Marc-Urbain Proulx, professeur en économie régionale à l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et ancien sous-ministre du gouvernement Marois.
Le préfet Jean-Pierre Boivin estime en effet qu'il faut tirer profit des nouvelles technologies et de l'économie numérique pour créer une autre sorte d'activité dans la région et faire revenir les jeunes.
Mais surtout, fort de sa situation géographique et de son expérience dans les grands chantiers, le Saguenay-Lac-Saint-Jean entrevoit avec beaucoup d'intérêt le Plan Nord. «On voudrait devenir la porte d'entrée nordique et participer à la construction des projets miniers qui verront le jour dans le cadre du Plan Nord», lance la directrice générale du CLD. C'est une façon de tirer profit de l'éloignement de la région, souvent vu plutôt comme un handicap.
«Nous sommes bien positionnés pour l'accès au Nord et nous disposons de nombreuses infrastructures, comme le port en eau profonde de Saguenay, un réseau de chemin de fer et une route à quatre voies», énumère Claudia Fortin. Mais pour cela, «il faudra maintenir et améliorer le réseau de communication», affirme Jean-Pierre Boivin.
Qu'à cela ne tienne, le Saguenay-Lac-Saint-Jean a décidé de considérer sa nordicité comme un avantage plutôt que comme un boulet, et compte bien développer ce potentiel.
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