Au beau milieu d'un boisé touffu, une grenouille traverse la rue en coude J-Aurèle Roux, dans l'Écoparc industriel de Victoriaville. En coude, parce que son tracé a été adapté de façon à protéger environ 100 000 mètres carrés de milieux humides, soit le quart du terrain de ce site situé à l'intérieur du parc industriel Fidèle-Édouard-Alain. Deux corridors fauniques y ont été aménagés autour des ruisseaux pour notamment laisser chevreuils et renards poursuivre leur course en évitant le milieu urbain.
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Victoriaville, qui se désigne comme le berceau du développement durable au Québec, a inauguré en 2013 ce parc industriel à son image. Sa démarche est résolument innovatrice : elle a développé une méthode d'accompagnement des entreprises, afin de s'assurer que les bâtiments et les pratiques d'affaires y soient écoresponsables.
La municipalité a investi 1,5 million de dollars dans la phase 1 du développement de cette zone d'activité économique nouveau genre qui s’étale actuellement sur près 200 000 mètres carrés. Un budget de 3,3 M $ a été prévu pour l'ensemble de ce parc de près de 400 000 mètres carrés encadré par un quartier résidentiel, la route 122 et la rivière Bullstrode.
La Corporation de développement économique de Victoriaville (CDEVR) a présenté une première ébauche de concept d'Écoparc à la ville de Victoriaville en 2006, puis un concept plus étoffé en 2009. Elle a ensuite fait la visite de parcs industriels de ce type en France en 2011 et 2012. « On veut se démarquer par notre personnalité. Nous, c'est le développement durable », souligne Richard Croteau, commissaire industriel à la Corporation de développement économique de Victoriaville (CDEVR) et l'un des initiateurs de ce projet.
Un écoparc inclusif
Victoriaville s'est fait un nom en la matière avec la fondation de l'entreprise Récupération Bois-Franc en 1977, la création du premier Centre de formation en entreprise et récupération (CFER) en 1990, puis l'instauration de la collecte sélective en 1996. L'Écoparc poursuit dans cette voie pour se distinguer des autres parcs industriels du Québec et pour permettre de diversifier l'offre de ceux de la région de Victoriaville afin d'attirer davantage d'entreprises.
Pour les employeurs avec lesquels M. Croteau est actuellement en discussion pour occuper un des 11 espaces encore disponibles, le cadre naturel enchanteur semble l'un des principaux attraits, question de plaire à la main-d'oeuvre. Mais le virage s'avère beaucoup plus profond. « On ne voulait pas seulement faire un Écoparc pour avoir une vitrine verte, pour que ce soit beau et pour qu'il y ait des arbres», insiste Francis Gauthier, conseiller en développement durable à la CDEVR.
L'Écoparc industriel se veut « inclusif ». La situation en région le pousse à accepter tout type d'entreprises, à l'exception de celles dont les activités prendraient trop de place, en raison de l'espace disponible, et les industries lourdes, considérant la sensibilité du milieu environnant. Pour s'assurer du respect de certains principes sociaux, économiques et écologiques, la CDEVR fournit un accompagnement obligatoire pour les entreprises s'implantant dans l'Écoparc.
Le cahier de charge remis à l'entrepreneur détaille les exigences et les recommandations en lien avec le bâtiment, l'aménagement extérieur, la gestion de l'eau et la gestion des matières résiduelles. L'élaboration se fait ensuite avec l'assistance d'André Bourassa, à la tête de la firme Bourassa Maillé architectes, pour s'assurer d'une certaine cohérence sur le territoire.
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Une croissance planifiée
Hubert Blier, président de Planchers HB, la première entreprise à s'être installée sur le site en septembre 2014, a bénéficié de cette intervention. La PME a conservé sur son terrain des arbres matures tel que l'imposaient les exigences. L'accompagnement l'a poussé à augmenter la hauteur du bâtiment à 18 pieds, afin que celui-ci soit moins coûteux à rénover ou à réutiliser et plus facile à revendre dans le cas éventuel où l'entreprise quitterait les lieux. Loin de percevoir la démarche comme un fardeau, M. Blier l'a plutôt trouvée rassurante « Cela nous permet de savoir vers où on s'en va et d’ avoir une certaine forme d'uniformité sur le site ». À son avis, si des bâtiments avec des toits à pignons pouvaient s'installer autour de lui, alors que son édifice présente a un toit plat, la valeur immobilière du quartier et de son bâtiment risquerait d'être dépréciée.
La beauté et l'atmosphère du lieu, en plus de son accès par une piste cyclable, lui apparaissent comme un avantage pour retenir sa main-d'oeuvre. Son implantation dans l'Écoparc lui « a apporté une bonne visibilité » auprès de la clientèle, remarque aussi M. Blier.
Démarche D2
Une fois le bâtiment construit et l'entreprise ayant commencé ses opérations à l'intérieur, la CDEVR fourni un service d'accompagnement dans les pratiques d'affaires, nommé Démarche D2. Ce cheminement obligatoire s’inspire de la norme québécoise BNQ 21 000, institué par le Bureau de normalisation du Québec, mais a été modifié et simplifié afin qu'une PME puisse atteindre des objectifs similaires sans traverser un processus lourd et complexe. Le conseiller en développement durable de la CDEVR établit un diagnostic sur une douzaine d'enjeux, dont l'achat et l'approvisionnement responsable, l'impact sur le développement local, les conditions de travail des employés et la gestion des matières résiduelles.
Il établit ensuite un plan d'action avec l'entrepreneur pour déterminer comment il peut améliorer ses pratiques sur ces questions, puis il organise des rencontres afin de le soutenir dans ses recherches et son analyse comparative. « C’est la manière de s'assurer qu'il n'y a pas seulement un beau bâtiment économique en consommation d'énergie, mais que dans ses opérations aussi l’entrepreneur fait preuve d'innovation », dit M. Gauthier.
Richard Croteau ajoute que « de plus en plus de grands donneurs d'ordre et de clients ont des exigences en développement durable. Donc on offre aux entreprises un accompagnement clé en main pour qu'ils puissent répondre à ces exigences ».
D'ailleurs, cinq autres organisations ont fait appel à ce service-conseil disponible sur une base volontaire à l'ensemble des 274 entreprises et 350 commerces de Victoriaville et de sa région. « C'est notre laboratoire », dit M. Croteau en pointant l'Écoparc sur un plan accroché sur le mur d'un bureau de la CEDVR. « On apprend à adapter les solutions trouvées à tout notre tissu industriel ». Par exemple, des démarches de densification, de minimisation de la marge de recul des bâtiments et de gestion durable des eaux de pluie ont été amorcées dans les autres parcs industriels, tout comme des projets d'aménagement de pistes cyclables, d'aires de repos et de plantation d'arbres.
Planchers HB est en voie de compléter sa démarche D2. Mais la PME de quatre employés a déjà mis en œuvre certaines initiatives : des mesures de conciliations travail-famille ont été accordées aux employés et elle a consulté ses derniers pour connaître leur avis sur l'aménagement du bâtiment avant sa construction. C'est d'ailleurs l'une des actions soulignées sur un panneau d'interprétation planté devant son terrain L’intégration d'un mur solaire à son édifice et l’aménagement d'une tranchée drainante pour la rétention de l'eau de pluie de sa propre initiative, y sont aussi inscrits. Toute entreprise qui s'installera aura droit à un panneau semblable dévoilant ses bons coups. « Tout geste qui est significatif on veut l'interpréter, explique M. Croteau. On veut que les gens soient fiers de ce qu'ils font et qu'ils soient intéressés à sensibiliser les autres ».
Écoparc industriel
- Superficie : 394 575 mètres carrés (ou 4,2 millions de pieds carrés)
- Nombre de terrains disponibles : 11 à l'heure actuelle, environ 22 lorsque la phase 2 sera complétée
- Prix au pied carré : 1 $
- Superficie du parc industriel Fidèle-Edourad-Alain dans son ensemble : 930 000 mètres carrés (ou 10 millions de pieds carrés)
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