Des bâtisses à l'architecture terne sur des terrains dix fois trop larges dénués de végétation, des rues sans trottoir strictement dédiées aux voitures et aux camions: le parc industriel traditionnel n'a rien d'invitant. Son aménagement utilitaire lui a souvent donné les allures d'un lieu sans âme. Mais cette réalité est en train de changer.
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La raison est simple : de l'autre côté de l'Atlantique, les parcs industriels sont confrontés depuis longtemps au manque d'espace. Savoie Technolac, un pôle dans le domaine des énergies développé en France, sur les rives du lac Bourget, est souvent évoqué comme référence par les observateurs et acteurs de développement économique.
Ce parc de moins d'un million de mètres carrés rassemble quelque 230 entreprises, ainsi qu'un campus universitaire accueillant près de 1000 chercheurs et 5000 étudiants. Il inspire notamment par sa manière d'avoir su optimiser l'espace, tout en protégeant les milieux humides et les zones agricoles sur son territoire, en plus d'avoir réussi à mettre en relation les différents acteurs qui y sont installés.
Jusqu'à tout récemment, l'enjeu de la densification ne se posait pas au Québec. « Quand j'étais commissaire industriel à Sherbrooke dans les années 1980, si quelqu'un construisait une usine de 10 000 pieds carrés, on lui vendait 100 000 pieds carrés de terrain en se disant qu'il pouvait s'agrandir une ou deux fois au même endroit », raconte Réal Patry, président de PHD division développement stratégique et qui cumule une quarantaine d'années d'expérience dans le travail autour des parcs industriels.
Mais les mentalités changent. « Il y a encore des villes où la norme règlementaire d'occupation du terrain demeure autour de 10 %, remarque Louis Grenier, associé principal chez Stratégies immobilières LGP. Nous disons à nos clients d'augmenter la densité pour tendre vers 25 à 35 %, ce qui correspond à la nouvelle norme au niveau de l'occupation des terrains. ». Terrebonne et Saint-Laurent sont des exemples de villes où les nouvelles installations tendent vers ce nouveau pourcentage d'occupation.
Prévoir le voisinage
Réal Patry ajoute qu'aujourd'hui les parcs ont tendance à « plutôt prévoir le voisinage ». Si une entreprise envisage une expansion, un terrain plus petit lui sera concédé, tandis que celui adjacent sera généralement réservé un certain temps. Cet espace voisin lui sera alloué si le bâtiment doit effectivement s'agrandir. Mais si la croissance anticipée n'est pas au rendez-vous, le terrain pourra trouver un autre preneur, ce qui permettra d’éviter de perdre de l’espace inutilement.
Cette nouvelle approche passe aussi par un rapprochement entre les édifices et la rue. Si traditionnellement les entreprises construisaient leur bâtiment avec une marge de recul de 15 pieds et installait souvent un stationnement entre le bâtiment et l'axe routier, les directions de parc industriel encouragent désormais les sociétés à se bâtir davantage à 5 pieds de distance de la rue. Cet aménagement facilite l'agrandissement des bâtiments, s'il y a lieu, vers l'arrière, en plus de donner une esthétique plus intéressante au quartier. Toutes ces démarches de densification permettent du même coup de protéger plus de milieux naturels.
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Bilan écologique favorable
Les employeurs, parfois à la demande de leurs employés ou de leurs clients, sont désormais soucieux de présenter un bilan écologique favorable. En 2010, le plan d'aménagement du parc industriel régional de Sherbrooke s'est vu décerner un Prix Phénix de l'environnement pour sa conservation de 650 000 mètres carrés de milieux humides prévu dans l'expansion de ce site qui affichait presque complet. Cette démarche est depuis devenue la norme.
La France constitue une source d'inspiration dans ce domaine avec la création en 1997 de l'Association nationale pour la qualité environnementale et le développement durable des territoires d'activités, connue sous le sigle PALME. Ce regroupement fait la promotion des parcs industriels engagés en matière de développement durable, en plus d'offrir un accompagnement et un échange d'expertise dans leur gestion des problématiques écologiques.
Le parc d'affaires Noveos, dans le sud-ouest de Paris, va jusqu'à protéger la biodiversité en installant des ruches sur son site, ce qui lui permet du même coup de produire son propre miel. « Au Québec, par rapport à la France et la Belgique, on est certainement de cinq à dix ans en retard dans les résultats concrets », commente M. Patry.
Les parcs industriels qui suivent certains critères de système de gestion environnemental peuvent recevoir la certification ISO 14 000, accordée par l'Organisation internationale de normalisation. Une telle reconnaissance, indique M. Patry, permet de rassurer les entreprises quant au voisinage à venir sur le site. Pour le moment, aucun parc d'activités n'est certifié ISO 14 000 au Québec.
La symbiose, nouvelle tendance
De plus en plus de régions à travers le monde veulent tendre vers une « symbiose industrielle », où les matières résiduelles et les excédents d'énergies d'une usine sont récupérés par une autre entreprise voisine qui a besoin de ces ressources pour fonctionner.
Au Québec, quelques initiatives tentent de s'approcher le plus possible de ce concept à une échelle régionale. L'une des probantes est le projet de symbiose industrielle de Sorel-Tracy, mené notamment grâce au Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTEI). Ce projet vise la valorisation des résidus industriels par d'autres entreprises qui peuvent s'en servir afin de créer un autre produit. La région joue d’ailleurs cette carte pour attirer de nouvelles entreprises dans le domaine de la valorisation des matières résiduelles.
Josée Plamondon, directrice générale du CLD de Pierre-de-Saurel, reconnaît qu'aucune entreprise n'a encore implanté ses activités sur place spécifiquement en raison de cette initiative, mais elle croit toujours qu'il s'agit d'un élément attrayant. La Ville de Sorel-Tracy travaille sur les lignes directrices d'un Écoparc de 2 millions de pieds carrés autour de la symbiose industrielle, mais ne veut pas limiter la démarche à un emplacement physique, « parce que ça réduiraient les possibilités de synergies ».
Mais la plupart des initiatives écologiques relèvent de l'aménagement. Certaines villes du Québec proposent désormais des « écoparcs industriels », comme c'est le cas à Victoriaville, Salaberry-de-Valleyfield, Saint-Félicien et Saint-Bruno-de-Montarville. Des pistes cyclables et des trottoirs sont désormais planifiés le long des rues pour encourager le transport actif, tout comme des fossés pour assurer une meilleure rétention des eaux de pluie. De plus en plus d'arbres sont plantés ou conservés sur le terrain des entreprises. Autant de façons d’améliorer la qualité de vie pour les travailleurs.
Car les parcs d'entreprises tentent désormais par tous les moyens de proposer un milieu de vie, plutôt qu'un simple lieu de travail. En de rares endroits, comme au Parc technologique du Québec métropolitain, des comités, des rencontres ou des activités sportives réunissent les différentes entreprises du site. La démarche la plus commune pour créer un milieu de vie passe par la mixité des usages, notamment en réservant des zones pour des fins commerciales ou pour attirer sur leur site des services de proximité, comme des hôtels, des restaurants, des cafés, des cliniques médicales et des garderies. Dans les parcs d'entreprises où la gestion du voisinage ne pose pas de problème, la construction de bâtiments résidentiels est parfois planifiée sur le site, comme au Technopôle Angus, à Montréal, et dans le projet Albatros, à Saint-Eustache.
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