Vaut-il mieux payer son impôt maintenant ou plus tard? Serait-il possible que les déductions permises par un Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) n’en vaillent pas la chandelle au moment où le fisc nous rattrapera?
La question est pertinente, surtout depuis l’arrivée du Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) en 2009, admet Simon Beauchemin, conseiller principal en fiscalité au Mouvement Desjardins. «Le CELI pourrait être un outil à privilégier lorsqu’on anticipe un taux d’imposition plus élevé à la retraite que durant la vie active», explique le conseiller.
Petite révision du cours REER et CELI 101. Les cotisations à un REER procurent une déduction fiscale, ce qui permet aux particuliers de réduire leur revenu imposable. L’appréciation du capital est aussi à l’abri de l’impôt. Cependant, les montants retirés du REER à la retraite seront considérés comme des revenus et seront imposés.
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À l’inverse, les montants investis dans un CELI ont déjà été imposés. L’appréciation du capital se fait, là aussi, à l’abri du fisc. On peut retirer les sommes investies à tout moment sans pénalité puisqu’on a déjà payé ses impôts.
Le pari
Lorsque vous investissez dans un REER, vous faites le pari que votre taux d’imposition sera inférieur durant la retraite que lorsque vous travaillez. Autrement dit, on retarde l’imposition de son revenu pour être imposé à un taux plus faible.
Vous n’êtes cependant pas assuré de remporter ce pari, selon une étude de l’Institut C.D. Howe réalisée par Alexandre Laurin et Finn Poschmann en 2010. Le nombre de particuliers qui ont un taux d’imposition plus élevé à la retraite que durant leur vie active est plus élevé qu’on pourrait le croire.
Les auteurs de l’étude concluent que les contribuables québécois approchant de la retraite qui ont un revenu inférieur à 35 000$ ou supérieur à 55 000$ et dont la totalité de leur épargne-retraite se trouve dans un REER auraient un taux d’imposition supérieur à la retraite s’ils réussissent à obtenir un taux de remplacement de leur revenue d’entre 60% et 80%. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter l’étude en anglais.
Des exceptions
Les trois experts consultés par LesAffaires.com ajoutent cependant que cette situation ne touche pas tous les épargnants.
Outre son taux d’imposition effectif, il faut prendre en compte les crédits d’impôt qu’on peut obtenir en diminuant son revenu imposable grâce au REER, nuance M. Beauchemin. «Par exemple, une famille avec des enfants mineurs peut recevoir plus d’allocations familiales en diminuant son revenu imposable, explique-t-il. Cela doit aussi entrer en ligne de compte.»
Même pour les clients fortunés qui peuvent s’attendre à payer le taux d’imposition maximum durant leur vie active et à la retraite, la cotisation à un REER peut valoir la peine, estime Maryse Filion, directrice principale régionale, TD Waterhouse. «Ces contribuables ont tout de même une chance que leur taux d’imposition soit moins élevé à la retraite», rappelle-t-elle. Dans l’intérim, ils ont un abri fiscal. Au pire, ils paieront le même taux, mais il ne sera pas supérieur.»
Avec la magie des intérêts composés, les épargnants en sortent tout de même gagnants: ils peuvent augmenter leur mise de départ puisque leur cotisation REER leur coûte moins cher, ajoute Mme Filion.
Faites-vous partie des exceptions? Consultez la page suivante pour connaître quatre exemples donnés par les experts consultés
Les cas «oubliez les REER»
Dans certains, les particuliers auraient peut-être intérêt à regarder ailleurs que les REER pour faire fructifier leurs avoirs. Nos experts vous donnent quatre exemples.
Le moins nanti
Les personnes qui ont un revenu de moins de 30 000$ devraient probablement favoriser le CELI pour deux raisons, explique Simon Beauchemin. Premièrement, ils n’économiseront pas beaucoup d’impôt en réduisant leur revenu imposable. Deuxièmement, ils n’auront probablement pas la marge de manœuvre pour maximiser leurs cotisations REER et CELI.
L’économe de dernière minute
Les particuliers qui découvrent les vertus de l’épargne vers la fin de leur parcours professionnel seraient peut-être plus avantagés par les cotisations CELI. Prenons l’exemple de Bernard, 53 ans, qui n’a pas de régime de retraite et qui commence à économiser pour ses vieux jours. «Les montants cotisés au CELI ne seront pas comptabilisés comme un revenu, rappelle M. Beauchemin. Cela lui permettrait d’avoir accès au Supplément de revenu garanti.»
Le propriétaire de logements locatifs
Le propriétaire d’un immeuble locatif devrait porter une attention à la différence entre son taux d’imposition à la retraite et celui durant sa carrière. Par exemple, Sandrine, 30 ans, possède un immeuble locatif de six logements, dont elle paiera l’hypothèque durant 25 ans. La location lui donne un revenu annuel de 20 000$, mais elle peut en déduire les 12 000$ qu’elle paie en intérêts sur son hypothèque.
Le logement ajoute donc 8 000$ à son revenu. À la retraite, une fois libérée de son hypothèque, elle recevra la totalité du revenu. «Dans ce cas, elle pourrait avoir intérêt à éviter le REER puisque son taux d’imposition pourrait être plus élevé durant la vie active qu’à la retraite, constate Mme Filion. Il faudrait cependant s’en assurer avec un planificateur financier.»
Le jeune professionnel dont l’avenir est prometteur
Vous êtes dans un domaine où l’on commence au bas de l’échelle, mais où les salaires augmentent considérablement avec l’expérience? Peut-être vaudrait-il mieux prioriser le CELI en attendant de faire des revenus plus élevés. «Le jeune pourra retirer l’argent de son CELI plus tard et l’investir dans ses REER afin de profiter de déductions à un taux d’imposition plus élevé, suggère Denis L’Hostie, directeur principal, planification financière à la Banque Laurentienne. Cette stratégie demande une bonne discipline, il ne faut pas utiliser l’argent prévu pour la retraite dans un autre projet. »