REER 2013. Analyser des titres ? Ouf ! Comprendre la mécanique des taux d'intérêt ? Ark ! Anticiper l'impact des dettes souveraines sur son portefeuille... vite, des aspirines ! Pourquoi ne pas d'abord exécuter le jeu de base, des gestes payants, à la portée de tous, mais que peu de gens se donnent la peine de faire ?
1. Le plus facile : payez-vous d'abord
Un vieil adage dit "payez-vous en premier". À l'ère des services bancaires sur Internet, rien n'est plus facile. Il suffit d'automatiser les transferts entre deux comptes à une fréquence régulière. Chronomètre en main, nous avons fait le test : entre un compte de la Banque Royale et un compte à intérêt élevé d'ING, il a suffi de 81 secondes, en hésitant un peu, pour faire cette programmation (cela ne comprend pas le temps requis pour ouvrir un compte dans une banque virtuelle).
Si vous êtes payé toutes les deux semaines, programmez des prélèvements toutes les deux semaines. Idéalement, transférez l'argent dans un compte où les liquidités ne sont pas facilement accessibles. Un seul petit obstacle, comme l'incapacité d'accéder à votre argent par guichet automatique, peut vous aider à ne pas piger dans la cagnotte.
"De plus, si vous avez des enfants et que vous n'avez pas besoin des allocations versées par les gouvernements pour boucler vos fins de mois, mettez-y ce montant", dit Martin Blais, spécialiste en gestion de patrimoine chez InVisio patrimoine conseil. En déposant seulement 100 dollars par mois mais vous pouvez sans doute faire mieux dans 18 ans, vous aurez accumulé 21 000 dollars, avant intérêts.
L'épargne systématique a aussi l'avantage de vous permettre d'investir... systématiquement. C'est possible avec les fonds communs de placement (FCP). Vous pouvez programmer l'achat de parts à une fréquence régulière. "Vous résisterez mieux à la tentation d'acheter un titre populaire, dont le prix est élevé, et de le revendre quand il est en défaveur et que son prix est en baisse, dit François Têtu, conseiller chez Valeurs mobilières Desjardins. Vous placerez plutôt un montant précis chaque mois, achetant plus de parts quand les prix chutent et moins quand les prix montent." En fin de compte, vous obtiendrez un prix moyen raisonnable.
Parallèlement à cette approche, il y a la "méthode d'encaisse", qui consiste à investir systématiquement les liquidités en portefeuille dès que les marchés subissent une forte correction et que les titres sont soudainement "soldés". "Toutefois, comme il est impossible de savoir si le marché a touché son creux, échelonnez votre investissement", conseille Martin Blais. Placez, par exemple, trois tranches de 5 000 dollars tous les trois mois, plutôt que 15 000 dollars d'un seul coup.
2. Arrêtez de faire des cadeaux au fisc
Trois Canadiens sur quatre ne tiennent pas toujours compte des impacts fiscaux de leurs décisions de placement, selon un sondage BMO Nesbitt Burns, réalisé par Léger Marketing, à l'hiver 2010. Résultat, ils ont moins d'argent dans leurs poches.
Essayer de cultiver l'épargne à l'abri de l'impôt est si facile. Qu'il soit détourné vers un compte à intérêt élevés ou dans un fonds commun de placement, l'argent accumulé grâce à votre programme d'épargne systématique peut fructifier à l'abri de l'impôt si vos produits financiers sont placés à l'intérieur d'un compte d'épargne libre d'impôt (CELI). Dans un CELI, les gains en capital et les autres revenus de placement ne sont pas imposables. Le CELI est idéal si vous économisez pour payer des rénovations ou acheter une voiture. Sinon, le REER est plus approprié. En plus de fructifier à l'abri de l'impôt, la contribution au REER vous donne droit à une déduction fiscale, ce qui n'est pas le cas pour le CELI. Le REER vous permet d'épargner pour votre retraite, mais aussi pour l'achat d'une première maison ou un retour aux études. Si vous prévoyez que vos enfants feront des études universitaires, le REEE, dont les revenus de placement ne sont pas imposables et qui bénéficie d'une subvention gouvernementale, est la meilleure option.
Une autre stratégie : si l'écart entre votre revenu et celui de votre conjoint est très important, profitez- en pour réduire le taux d'imposition sur les gains imposables. Comment ? Le conjoint le plus riche n'a qu'à faire un prêt au conjoint le plus pauvre. Ce dernier placera l'argent et déclarera les revenus de placement. Le taux d'intérêt auquel s'effectue ce prêt, prescrit par le fisc, est actuellement de 1 % (Lire S'unir pour réduire ses impôts).
"Cette stratégie vous oblige à rédiger une entente qui précisera le montant du prêt et le taux d'intérêt, dit Martin Blais, de InVisio. Rangez simplement ce document dans votre classeur pour le cas où les autorités fiscales en feraient un jour la demande."
"Par ailleurs, après une correction boursière, voyez s'il ne serait pas avantageux de limiter l'impôt sur des gains en capital en matérialisant une perte", dit Gabriel Lancry, conseiller chez ScotiaMcLeod. Pour matérialiser une perte, il suffit de vendre un titre dont la valeur a baissé. Vous pouvez aller jusqu'à trois ans en arrière et réduire vos gains passés - même les gains réalisés sur la vente du chalet - en soustrayant les pertes. Vous obtiendrez alors le remboursement sur des impôts déjà payés. Les pertes se déduisent aussi des gains réalisés pendant l'année courante et peuvent être reportées sur d'autres années, sans limite de temps.
Notez que, plus le nombre de transactions sera élevé, plus la charge de travail sera grande. En effet, vous devrez remplir une annexe l'agence du revenu du Canada et du Revenu Québec. Vous pourrez le faire sur le site Web, dans la plupart des logiciels de préparation de déclarations de revenus, ou sur papier. "Pour déclarer vos pertes, utilisez la différence entre le prix d'achat et le prix de vente inscrits dans vos relevés réguliers, et additionnez les commissions, conseille Gabriel Lancry. Certaines institutions vous simplifient la vie en envoyant un relevé de transactions en fin d'année."
3. Payez moins d'intérêt
Un Québécois sur trois recourt tellement au crédit que ses dettes représentent un obstacle à la réalisation de ses objectifs financiers, révèle un sondage de la Banque CIBC réalisé au printemps 2011. Seule solution : réduire le fardeau de la dette.
Par exemple, si vous ne payez pas le solde de votre carte de crédit à la fin de chaque mois ou si vous demandez souvent des avances, vous aurez probablement avantage à tout transférer sur une carte à frais réduits. Car 1 000 dollars empruntés à 19 % coûteront 190 dollars par an, alors que, pour une carte dont le taux est réduit à 12 %, mais qui a des frais annuels de 50 dollars, l'intérêt sera de 170 dollars (120 dollars + 50 dollars).
En outre, si vous avez toujours un "petit" montant de 15 000 dollars qui traîne sur votre carte de crédit, c'est une bonne idée de le refinancer à l'aide d'une marge de crédit ou d'un prêt personnel. Actuellement, le meilleur taux affiché oscille autour de 8,5 %. Cependant si vous êtes en bons termes avec votre banquier, négociez un taux inférieur.
"Quant aux propriétaires d'une maison, ils devraient demander une marge de crédit hypothécaire", dit Martin Blais. En optant pour un taux variable, vous pourriez refinancer vos dettes au taux préférentiel (3 % en août) plus 1 %. Assurez-vous cependant de ne pas en abuser. La marge de crédit hypothécaire peut facilement transformer votre maison en guichet automatique. Le danger est que vous ne parveniez jamais à payer votre maison.
Votre demande d'emprunt peut se faire en quelques minutes, en ligne. "Mais vous devrez vous rendre en succursale pour signer les papiers, dit Gabriel Lancry. De toute façon, les taux se négocient mieux en personne..."
4. Suivez vos placements
Seulement 57 % des Québécois connaissent le contenu de leur portefeuille de placement, selon un sondage BMO Nesbitt Burns réalisé par Léger Marketing, en juin 2011. "En fait, beaucoup de gens ne s'occupent de leur portefeuille que lorsqu'ils sélectionnent un placement, dit Robert Comtois. Ensuite, ils laissent les choses aller." Ils ne vérifient même pas que le portefeuille tient toujours la route.
Attention : quand le poids des actions augmente trop, vous prenez plus de risques et vous êtes plus vulnérable aux corrections boursières, comme c'est le cas depuis cet été.
Par exemple, un investisseur dont le portefeuille devrait contenir 50 % en actions et 50 % en obligations, selon son profil de risque, pourrait se retrouver avec 65 % d'actions et 35 % d'obligations à revenu fixe. "Normalement, dès que vous bifurquez de 10 % de la pondération cible, vous devriez rééquilibrer votre portefeuille", dit Martin Blais. Dans ce cas de figure, cela reviendrait à vendre de 5 à 15 % des actions pour les réinvestir dans des obligations.
Le rééquilibrage vous aide non seulement à contrôler le risque du portefeuille, mais aussi à résister aux émotions. En effet, vous vendrez systématiquement des actifs au prix fort pour en acheter d'autres à petit prix. Une étude de PWL Capital réalisée en 2010 a démontré que cette technique permet d'obtenir des rendements à long terme plus élevés (0,50 % par an en moyenne), avec un risque nettement inférieur.
On recommande généralement de rééquilibrer le portefeuille une fois par an. "Mais actuellement, comme les marchés financiers sont extrêmement volatils, vous devriez le faire tous les quatre mois", pense Gabriel Lancry.
Comment vous y prendre ? À l'aide de vos relevés de compte ou d'un portefeuille construit en ligne, suivez la pondération des grandes catégories d'actifs et de chaque position, secteur ou zone géographique. Lorsque vous déviez de votre pondération cible, rééquilibrez en utilisant vos liquidités ou en vendant les actifs qui montent et semblent bien valorisés, et rachetez ceux qui semblent traîner la patte. Mais prenez soin d'évaluer les frais avant de faire ces transactions. Certains fonds dont les frais de rachat sont élevés ne devraient pas être vendus.
5. Faites travailler l'argent qui dort
Les personnes qui se préoccupent peu de leurs placements ont aussi tendance à négliger les sommes importantes qui dorment dans leur compte de banque, qui rapporte autour de 0 %. Pourtant, bien utilisés, ces dollars pourraient être très lucratifs. Par exemple, vous pourriez réduire vos dettes, comme celles de vos cartes et marges de crédit. Prenez soin de payer d'abord les plus coûteuses.
La plupart de ces dettes se remboursent en ligne. "Assurez-vous d'obtenir une confirmation de remboursement et gardez-la précieusement", conseille François Têtu, de Valeurs mobilières Desjardins.
Une autre option est de faire fructifier cet argent. Dans ce cas, utilisez autant que possible un compte enregistré, à l'abri de l'impôt. Avant de vous lancer, prenez le temps de décider si cet argent sera alloué à un projet à court, à moyen ou à long terme. Cela vous aidera à choisir des produits financiers.
À court terme, vous opterez, par exemple, pour des bons du Trésor, des comptes d'épargne ou des certificats de placement garanti (CPG). À moyen terme, vous choisirez encore des CPG, des coupons détachés et des obligations. Et à long terme - plus de 7 ans -, vous ferez des placements en Bourse, soit dans des actions, soit par l'intermédiaire d'un fonds négocié en Bourse (FNB) ou d'un FCP.
Pour que l'argent soit accessible, optez pour un compte à intérêt supérieur. Le meilleur taux est offert par Manuvie, à 1,75 %. Viennent ensuite ING Direct et President's Choice, à 1,50 %. Si vous ne voulez pas changer d'institution, notez que beaucoup de conseillers en placement distribuent le compte d'épargne à intérêt élevé de B2B Trust (1,50 %).
Vous souhaitez placer votre argent pendant un, deux ou trois ans ? Cette fois, vous trouverez les meilleurs taux auprès des compagnies de fiducie. Vous pouvez probablement obtenir auprès de votre conseiller les CPG d'AGF Trust et de B2B Trust, dont les taux sont légèrement moindres. "Notez toutefois que les obligations corporatives de 3 ans, cotées A, surclassent les CPG grâce à leur rendement de 2,40 %", signale Gabriel Lancry. Si, de plus, ces instruments financiers se trouvent à l'intérieur du CELI, vous n'aurez pas à partager vos gains avec le fisc.
Notez bien que vous pouvez toujours vous demander comment tirer profit de la crise de la dette souveraine ou tenter de décoder le jargon du directeur de la banque centrale dans l'espoir de faire plus d'argent. Bonne chance !
(Texte publié dans le magazine A+ 9 novembre 2011)