Les lauréates des Prix Femmes d'affaires du Québec tracent leur chemin malgré les obstacles et des préjugés tenaces. Portraits de cadres et d'entrepreneures qui réussissent.
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Le 27 octobre, Isabelle Hudon a été promue chef de la direction de la Financière Sun Life Québec et vice-présidente principale, solutions clients de la Financière Sun Life Canada. Le 5 novembre, le Réseau des femmes d'affaires du Québec lui a remis le prix Réalisations. Retour sur le parcours d'une ambitieuse assumée et d'une optimiste qui transforme les échecs en demi-succès !
Les Affaires - Quels sont les trois moments clés de votre carrière ?
Isabelle Hudon - J'ai la jeune vingtaine. Je suis attachée de presse de Monique Landry, ministre de l'ACDI [Agence canadienne de développement international]. Nous allons à Manille rencontrer Corazon Aquino, alors présidente des Philippines. Mme Aquino a tourné le dos aux excès du règne de Ferdinand Marcos. Elle s'est installée dans la résidence des employés. Le palais présidentiel a été transformé en musée. Je revois la scène comme si c'était hier. La démesure du palais et, en face, Smokey Mountain, une montagne de déchets qui se consume continuellement. Mon premier vrai contact avec les inégalités. Second tournant : mon ascension à la présidence de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). Ce jour-là, j'ai compris l'importance d'être ambitieuse et le niveau de détermination et de courage pour obtenir ce que l'on désire. J'ai 34 ans. Ma nomination n'est pas automatique ni naturelle, même si je suis vice-présidente de la CCMM. Le CA hésite, il veut lancer un appel public de candidatures. Je plonge. «Ça fait trois ans que je suis ici. Vous connaissez mes talents et mes capacités. Vous savez que je veux ce poste. Si vous lancez un processus externe, je ne postule pas.» C'était risqué, mais j'étais rendue là. Et j'ai agi dans le respect. Le lendemain, le CA m'a offert le poste. Troisième tournant : le défi lié à la présidence de la Financière Sun Life Québec, un secteur dont j'ignorais tout.
L.A. - En prenant la direction de la Financière Sun Life Québec, vous vous êtes rendu compte que vous étiez en déficit de crédibilité...
I.H. - Il m'a suffi de regarder les yeux étonnés des employés au moment de l'annonce de ma nomination - et les commentaires des concurrents - pour comprendre que la crédibilité que j'avais bâtie depuis 20 ans ne suffirait pas.
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L.A. - Comment avez-vous réagi ?
I.H. - J'ai acquis des connaissances et du savoir. Je me suis trouvé des experts du secteur financier et de l'assurance. Et je suis allée à la rencontre des gens, par groupe de 10 pendant une heure. Je leur ai expliqué ma stratégie. Puis, je les ai écouté parler de l'entreprise. Je voulais connaître le «bruit ambiant».
L.A. - Le principal défi à votre arrivée ?
I.H. - Donner une personnalité québécoise à la Financière Sun Life.
L.A. - En quoi le secteur québécois de l'assurance diffère-t-il de celui du Canada ?
I.H. - Par son niveau de concurrence. Et la présence élevée d'acteurs locaux qui, eux, peuvent jouer de la ceinture fléchée auprès des clients québécois. D'où l'importance de donner une personnalité québécoise à la Financière Sun Life.
L.A. - On naît leader ou on le devient ?
I.H. - Certains naissent avec des habiletés de leader, qu'ils décident ou non de développer. Par exemple, en faisant preuve d'assurance.
L.A. - Qu'est-ce que l'assurance ?
I.H. - Ce qui nous permet d'entrer dans une pièce et d'afficher qu'on maîtrise la situation, même si on ne la maîtrise pas complètement.
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L.A. - Comment se relever si on perd la face ?
I.H. - Prendre des risques a un coût. Quand on a de grandes ambitions, il faut se donner le droit de ne pas tout réussir. Mais je ne perds jamais. J'ai des succès et des demi-succès. C'est une position mentale qui ne laisse pas de place au découragement. Devant un demi-succès, je rassemble mon équipe et - avec transparence et honnêteté - nous cherchons ce qu'il aurait fallu faire pour atteindre le plein succès.
L.A. - Vous dites «Les femmes doivent faire le deuil de plaire à tout le monde». Comment y arriver sans nuire à sa carrière ?
I.H. - Il faut développer un sixième et un septième sens pour jauger les efforts requis pour parvenir à ses fins. Et accepter de refaire ses devoirs pour obtenir l'adhésion d'une personne clé.
L.A. - On reproche au secteur financier son langage opaque avec ses clients. S'en soucie-t-il ?
I.H. - Nous avons franchi un grand pas. Nous reconnaissons qu'il existe un écart entre ce que nous croyons que les clients comprennent et ce qu'ils comprennent vraiment. C'est pourquoi nous rassemblons les gens du légal, de la conformité, des communications et du développement de produits. Nous travaillons aussi avec Éducaloi, qui a pour mission d'aider les citoyens à mieux comprendre leurs droits et leurs obligations. Il nous apprend à vulgariser verbalement, mais aussi à rendre nos documents plus attrayants.
L.A. - On a réussi à rendre l'entrepreneuriat «hot». Pourquoi ne réussit-on pas la même chose avec les finances personnelles ?
I.H. - On a associé entrepreneuriat à autonomie, liberté et indépendance. C'est attirant. La clé est la même pour les finances personnelles. Il faut parler de vie financière plutôt que de produits et d'investissement. Il faut reculer de 120 pas et tenir des conversations faciles et non agressantes avec nos clients.
L.A. - Qu'est-ce que «l'effet A» ?
I.H. - C'est un mouvement que je lancerai en janvier 2015 en compagnie d'autres femmes d'affaires québécoises. «A» pour ambition. Nous voulons inviter les Québécoises à prendre leur place. L'effet A est une plateforme où l'on se lance des défis, assortis d'étapes concrètes et de dates butoirs. Je vais donner l'exemple et m'en lancer à moi-même. Nous voulons que l'effet A rassemble le plus de Québécoises possible.
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