Céline Desrochers, ex-conseillère en formation chez Desjardins Sécurité financière, a été la première employée de son entreprise à demander la retraite progressive. C'était en 2005.
" Par chance, je travaillais pour une gestionnaire qui faisait preuve d'une grande ouverture d'esprit, raconte- t-elle. Elle m'a appuyée à 100 % et a demandé la collaboration du service des ressources humaines, qui, n'ayant pas de programme formel, a mis le processus en place. "
À ce moment-là, la résidente de Québec, qui avait une santé chancelante, avait comme seule priorité sa qualité de vie. " Je souffrais de fatigue occasionnelle, de migraines et de tendinites ", dit-elle.
Elle était donc prête à se priver de quelques milliers de dollars par an pour obtenir la semaine de quatre jours. " Comme j'adorais mon travail, ajoute la sexagénaire, je savais que la retraite progressive me permettrait de conserver mon poste plus longtemps. "
Ainsi, de 55 à 58 ans, Mme Desrochers, maintenant retraitée, n'a jamais travaillé le vendredi. Son régime de retraite lui versait tout de même 60 % de son salaire pour la cinquième journée. Sa tâche a été réaménagée au sein de son équipe, un remplaçant ayant seulement été embauché à son départ.
Faire une demande
Le cas de Mme Desrochers, qui a pris une retraite progressive même si son employeur n'avait pas de programme officiel, n'est pas unique. Un sondage d'Aon Conseil révèle que seulement 3,6 % des employeurs canadiens disposaient, en 2007, d'un programme de retraite progressive.Ce sondage ajoute que près de 90 % des répondants disaient avoir fait face à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Une situation qui a même obligé plusieurs d'entre eux à envisager de recourir à des programmes de retraite progressive pour garder leurs employés en poste au-delà de l'âge normal de la retraite. En fait, près du tiers des sociétés déclaraient qu'elles songeaient à instaurer un programme au cours des trois années suivantes.
Ainsi, beaucoup d'employeurs font preuve d'ouverture. C'est le cas de La Coop fédérée, la plus importante entreprise agroalimentaire du Québec. Depuis trois ans, cet employeur essaie d'accommoder les employés non syndiqués qui désirent opérer une transition vers la retraite.
" Dans la plupart des cas - un peu moins d'une dizaine - il s'agissait d'employés qui avaient beaucoup d'ancienneté, explique Nathalie Perron, conseillère en régime de retraite. La coopérative était donc gagnante, car la retraite progressive lui permettait de garder plus longtemps ce capital d'expérience et de compétences. "
Affuter ses arguments
En dépit de cette ouverture, la retraite progressive n'est pas un droit acquis. " Il s'agit d'une entente que le travailleur doit négocier avec ses supérieurs ", dit-elle. Généralement, le gestionnaire sera plus enclin à accepter si les avantages qu'il tire de la réduction des heures travaillées sont importants.
" Il arrive que des demandes tombent à point, souligne Mme Perron. Il y a eu une réorganisation à l'interne ces dernières années, et le réaménagement des horaires a parfois été simplifié par les demandes de retraite progressive. "
De son côté, l'employé doit évaluer les conséquences de la réduction de ses heures travaillées. Elles varient d'un employeur à l'autre. À La Coop fédérée, par exemple, elle entraîne une baisse de revenus, une réduction de la période de vacances et une diminution de la couverture d'assurance collective.En revanche, l'employé se désengagera progressivement de son travail tout en s'entraînant à la retraite. Cette période de transition pourrait lui permettre de partir le coeur plus léger, avec des projets plein la tête.
" La retraite progressive m'a permis de quitter plus harmonieusement mon emploi, convient Mme Desrochers. J'en ai profité pour me refaire une santé et débuter des activités qui allaient meubler ma vie une fois retraitée. Cela a été une des meilleures décisions de ma vie ! "
Un travailleur sur dix souhaite ne jamais prendre sa retraite
Un sondage SOM réalisé pour Desjardins Sécurité financière en novembre 2009 révèle les perceptions des Québécois au sujet de la retraite progressive. En voici les chiffres clés.
1) La situation des retraités actuels
> 16 % des retraités continuent de travailler contre rémunération;
> Ce pourcentage diminue avec l'âge (25 % parmi les retraités de 55 à 64 ans et 11 % chez les 65 ans et plus).
2) Un retour au travail après avoir entrepris une retraite complète
> 8 % des travailleurs actuels (y compris les semi-retraités) ont déjà pris une retraite complète avant de retourner sur le marché du travail;
> La principale raison de retour au travail est un besoin d'argent pour des projets personnels (46 %).
3) L'âge idéal pour la retraite
> 31 % des travailleurs ou des semi-retraités espèrent prendre leur retraite d'ici l'âge de 55 ans, tandis que 7 % attendraient après 65 ans;
> 9 % espèrent ne jamais prendre leur retraite.
4) Le passage du travail à la retraite
> Parmi les travailleurs et les semi-retraités, 47 % souhaitent faire une transition vers la retraite en diminuant leur horaire de travail;
> 34 % envisagent de prendre de plus longs congés ou de plus longues vacances durant cette transition.