" On dit toujours que le textile est comme une deuxième peau. Là, ça va vraiment le devenir ", dit Karine Théberge, fondatrice et pdg de Biomod Concepts.
La jeune entreprise de Boucherville tisse littéralement l'avenir de l'industrie en mettant au point des textiles techniques. Et plus précisément des cosméotextiles, une technologie qui marie l'univers des cosmétiques et celui des textiles. " Notre corps est recouvert à plus de 80 % par un textile, 24 heures sur 24, mais cette relation n'a pas encore été optimisée ", dit Mme Théberge.
Biomod a développé une technologie qui permet d'incorporer des produits de soins corporels à des tissus et de les libérer graduellement sur la peau.
Cette technologie, brevetée sous le nom de Dermotex, sert actuellement à appliquer des crèmes hydratantes sur la peau. Mais utilisée pour des tee-shirts, des pantalons ou des casquettes, elle pourrait permettre aussi la diffusion de crèmes médicamenteuses.
" Les applications sont multiples, nous en sommes seulement aux balbutiements ", dit la jeune femme. Il n'est pas loin le jour où les gens pourront acheter un chandail qui traitera les problèmes de dermatose, un pantalon anti-cellulite, une genouillère qui dégagera une crème anti-inflammatoire et une casquette ou des taies d'oreillers avec soins capillaires.
Biomod a aussi une nouvelle technologie dans l'incubateur : le développement d'un procédé pour que les propriétés soient dégagées dans l'air plutôt que sur la peau. Imaginez, par exemple, un tapis ou un fauteuil qui possède des propriétés antibactériennes pendant qu'il diffuse votre parfum d'ambiance préféré.
Biomod s'est donnée une autre mission : relancer une industrie en déclin. " Notre technologie permettra aux industriels québécois de commercialiser des articles textiles à très haute valeur ajoutée ", ajoute Mme Théberge.
Biomod affirme que ses technologies permettent d'imprimer des formules d'ingrédients actifs ou réactifs humides, secs ou semi-solides à pratiquement 95 % des matériaux textiles offerts sur le marché.
De la recherche à la commercialisation
Biomod est née d'un voyage en Europe lorsque Mme Théberge, alors v.-p. marketing pour une firme californienne du secteur vestimentaire, découvre un tissu imprégné d'aloès encapsulée.
Elle entrevoit l'énorme potentiel de la micro-encapsulation sur textile et s'associe avec Isabelle Boudreault, une conceptrice de produits expérimentée oeuvrant dans l'industrie du vêtement, pour lancer l'entreprise en 2005.
" J'avais transformé une pièce de la maison en laboratoire et bureau ", se rappelle Mme Théberge. Leurs recherches s'intensifient, et elles mettent à contribution l'expertise de physico-chimistes et de cosmétologues pour développer un nouveau procédé de transfert.
La première application d'un hydratant microtextilisé a été réalisée sur des gants et des bas. " C'était un concept pour démontrer la technologie. Mais la preuve a été concluante et on en a fait un produit qui commence à générer des revenus. "
L'entreprise a signé des ententes avec des réseaux de salons de beauté et des spas. Elle est aussi en pourparlers avec trois grandes chaînes pharmaceutiques présentes au Québec et s'apprête même à réaliser des ventes dans le reste du Canada, aux États-Unis et en Europe. Biomod travaille également en collaboration avec un manufacturier de gants pour les travailleurs.
En cours de route, l'entreprise s'est installée dans l'incubateur de l'Institut des matériaux industriels de Boucherville.
" Ça nous permet de travailler non seulement avec des chercheurs réputés, mais aussi avec du matériel et de l'équipement que nous ne pourrions pas encore nous payer ", dit Mme Théberge.
L'entreprise, passée de 3 à 16 employés au cours des derniers mois, y est maintenant trop à l'étroit et cherche un nouveau domicile.
Biomod doit annoncer sous peu l'octroi d'un financement privé de quelques millions de dollars. Ces dernières années, elle a reçu plus d'un million en contributions financières de la part notamment du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, du Centre québécois de valorisation des biotechnologies, de Développement économique Canada, du Centre local d'emploi et du CLD de Longueuil.
Technologie écologique
Biomod Concepts affirme avoir réinventé le concept de la micro-encapsulation. " On a réussi à éliminer les contraintes et les limites du procédé ", dit la pdg, Karine Théberge.
La micro-encapsulation permet d'emprisonner des ingrédients actifs, comme des huiles essentielles, dans une capsule qui est ensuite fixée sur les tissus.
" L'utilisation des actifs était auparavant limitée aux huiles essentielles et aux fragrances. Notre technologie offre un plus grand éventail de substances ", dit Mme Théberge.
Par ailleurs, les capsules sont souvent faites en résine de mélamine-formaldéhyde, considérées comme toxiques, et sont fixées sur les tissus en utilisant des colles acryliques qui peuvent aussi être dangereuses pour la santé. Biomod a développé " une capsule entièrement naturelle et biologique, qui n'est pas imprégnée dans les tissus avec des polymères acryliques ", dit Mme Théberge.
La libération des produits se fait ensuite par une légère friction entre le corps et le tissu. " La vie de tous les jours est suffisante pour le largage des microcapsules ", explique-t-elle.
Et pourquoi devrait-on utiliser des vêtements pour l'application de crèmes sur la peau ? " Une crème est remplie à 90 % d'eau, donc son évaporation est rapide. Notre technologie permet de déposer sur la peau des particules plus solides qui agissent plus longtemps et en profondeur ", répond Mme Théberge.