Les dirigeants de PME, surtout les plus âgés, ont souvent du mal à déléguer. Pour se justifier, les uns invoquent la difficulté de trouver des employés qualifiés et dignes de confiance, tandis que les autres estiment que l'on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Le fondateur de La Tuilerie, Guy Bourduas, a pour sa part rapidement compris que la confiance qu'il accordait à ses employés favorisait leur rétention au sein de l'entreprise, tout en facilitant ses efforts de recrutement.
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«Je n'ai que 61 ans, et bien que je demeure impliqué dans l'entreprise, cela fait déjà deux ans que j'en ai confié les rênes à d'autres. Mais même à l'époque où je dirigeais les opérations, ce n'était pas dans ma nature de vouloir tout contrôler. J'aimais beaucoup trop profiter de la vie pour être au magasin en tout temps !» confie ce grand amateur de voile, qui a longtemps oeuvré dans l'import-export avant de démarrer La Tuilerie, un détaillant de céramique comptant aujourd'hui quatre succursales au Québec.
Il faut dire que l'homme d'affaires a toujours pris soin de s'entourer de gens de confiance, que ce soit en recrutant des membres de son entourage ou des gens qui lui étaient adressés par ces derniers. C'est d'ailleurs ainsi qu'il a embauché Félix Jasmin, un ami de son fils et de son neveu, à l'âge de 18 ans.
«Même si je n'avais à peu près pas d'expérience, Guy n'hésitait pas à me confier la gestion du magasin le temps d'une fin de semaine ou d'autres responsabilités du genre. Je me sentais alors valorisé, et ma motivation au travail n'en était que décuplée. Et je n'étais pas le seul à qui il déléguait des tâches importantes ; il agissait ainsi avec tous ses employés, pour peu qu'ils soient allumés et vaillants», raconte Félix Jasmin, 36 ans, co-actionnaire de l'entreprise et directeur des succursales de Cavendish et de St-Jérôme.
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Se bâtir un capital professionnel
Le jeune homme a lentement gravi les échelons, jusqu'à se retrouver à la tête de l'entreprise, aux côtés du fils et du neveu de Guy Bourduas. «Maintenant que nous sommes patrons, nous essayons d'appliquer le style de gestion de notre mentor. Nos employés nous le rendent bien, puisqu'ils ont un très bon taux de productivité», affirme Félix Jasmin.
Selon Andrée Mercier, associée principale chez Aon Hewitt, la philosophie des dirigeants de La Tuilerie accroît bel et bien le pouvoir d'attraction et de rétention de l'entreprise auprès de la main-d'oeuvre. «Chaque année, dans le cadre de notre étude sur les Employeurs de choix, notre cabinet sonde des milliers de travailleurs. Cette vaste enquête démontre qu'au-delà de la rémunération, l'une des choses qui importent le plus aux employés, c'est de se bâtir un capital professionnel. En d'autres termes, ils souhaitent travailler pour une entreprise qui leur permettra de développer leurs compétences, que ce soit au moyen de formations structurées ou en variant les responsabilités», indique-t-elle.
Andrée Mercier ajoute que, sur ce plan, les PME peuvent plus facilement se distinguer que les grosses organisations. «Les grandes entreprises requièrent plus de structure. Or, une des façons d'ériger une structure, c'est de créer des postes bien définis. Dans les PME, le travail est moins segmenté. Par ailleurs, moins une entreprise compte d'employés, plus les dirigeants ont la chance de bien les connaître. Ils peuvent donc leur donner des défis à leur hauteur et utiliser le plein potentiel de chacun.»
Cliquez ici pour consulter le dossier PME: Forces d'attractionUn employeur à l'écoute
Tout comme Guy Bourduas avant eux, Félix Jasmin et ses associés font également preuve d'une grande flexibilité dans l'aménagement des horaires de leurs employés. «Au sein de notre équipe, nous avons par exemple des musiciens professionnels. Au début de chaque mois, ils nous fournissent la liste des dates auxquelles ils ont des répétitions et des concerts, et nous essayons de les accommoder du mieux que nous pouvons. Nous faisons la même chose avec les étudiants. Durant l'été, nous essayons de leur donner plus d'heures, et pendant leurs examens, nous les faisons moins travailler», précise Félix Jasmin.
Les étudiants bénéficient d'un autre avantage non négligeable : sur la présentation d'une preuve qu'ils ont réussi leurs cours, ceux qui travaillent un minimum de trois jours par semaine peuvent se faire rembourser leurs frais de scolarité. «Au fil des ans, nous avons ainsi financé les études d'avocats, d'ingénieurs... l'un de nos anciens employés est même en train d'achever un doctorat en linguistique au MIT !» se réjouit Guy Bourduas.
Ces stratégies sont également gagnantes sur le plan de l'attraction et de la fidélisation, estime Andrée Mercier. «Parce qu'elles disposent généralement de ressources financières plus limitées, les PME ne peuvent pas offrir tous les avantages d'une grande organisation. Elles doivent donc faire des choix, en ciblant les véritables besoins de leurs employés. C'est un exercice que les dirigeants de La Tuilerie semblent avoir mené avec succès», souligne l'experte en gestion du talent.
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