Au Québec, il n'y en a qu'un : à Arvida, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Mais en Europe, et plus particulièrement en Norvège, en Suède et aux Pays-Bas, on en voit de plus en plus. En effet, plus de 80 ponts en aluminium ont vu le jour sur le vieux continent depuis 10 ans.
Pourquoi n'en réalisons-nous pas au Québec, terre productrice par excellence du métal gris ? " Parce que nos ingénieurs civils ne connaissent pas ce matériau. Et parce que nos facultés de génie n'enseignent pas comment l'utiliser, contrairement au bois, au béton et à l'acier ", dit Denis Beaulieu, qui a été professeur au Département de génie civil de l'Université Laval.
Ancien vice-président au développement des technologies du Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ), M. Beaulieu estime que la situation pourrait changer avec la publication de nouvelles normes sur les structures d'aluminium du Code canadien sur le calcul des ponts routiers.
Actuellement, ce code ne traite pas de l'utilisation de l'aluminium dans les ponts. Les ingénieurs n'ont donc pas d'outil qui permettrait de dimensionner des pièces d'aluminium pour de telles structures. Et en l'absence de normes, le grand donneur d'ordre qu'est le ministère des Transports ne veut pas prendre de risques, explique M. Beaulieu. C'est pourquoi l'aluminium n'est pas utilisé dans les ponts.
Le comité sur les structures d'aluminium du Code canadien sur le calcul des ponts routiers vient de rédiger un document d'une centaine de pages. Au cours des prochains mois, le texte sera débattu par divers spécialistes, dont des ingénieurs.D'ici un an, le texte sera publié. " Ces normes faciliteront l'acceptation de l'aluminium dans la construction de nouveaux ponts et dans la réfection de ponts existants ", soutient M. Beaulieu, qui préside le comité.
Une durée de vie accrue
Des dizaines de milliers de ponts de béton et d'acier feront l'objet de travaux de réfection en Amérique du Nord au cours des prochaines années. Des tabliers de béton pourraient être remplacés par des tabliers en aluminium, ce qui allégerait le poids des ponts et autoriserait le passage de camions lourds.
" L'aluminium est trois fois plus léger et est plus souple que l'acier. Un pont en aluminium a une durée de vie d'au moins 70 ans, alors qu'il faut réparer les tabliers de béton tous les 10 ans en moyenne. "
Le métal gris résiste à la corrosion et il est fabriqué au Québec en grande quantité. Par contre, et c'est là un argument auquel les administrations publiques sont très sensibles, l'aluminium coûte au moins deux fois plus cher que l'acier. " Il faut analyser la question sous l'angle de la durée de vie. Sous cet angle, l'aluminium l'emporte haut la main ", affirme M. Beaulieu.
La part des universités
Les universités doivent faire leur part pour que l'aluminium soit davantage utilisé dans les infrastructures. " On doit enseigner la fabrication des charpentes d'aluminium dès le premier cycle en génie civil, comme on le fait déjà pour les charpentes d'acier ".
Le but : donner aux futurs ingénieurs les moyens de déterminer les avantages et les inconvénients de l'aluminium par rapport au béton et à l'acier.