Difficile d’évaluer les « revenus » générés par les RH afin de les comptabiliser dans les états financiers. Pourtant, certains indicateurs existent pour faire le lien entre les RH, les activités et les résultats financiers. Et surtout faire la preuve de leur impact.
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«On parle de plus en plus du rôle de partenaires d’affaires des RH, mais pour cela, il faut vraiment développer le langage de la gestion et faire le lien avec la finance», estime Michel Cossette, professeur adjoint et psychologue du travail à HEC Montréal.
Pour assumer ce nouveau rôle, les services RH peuvent s’appuyer sur tout un panel d’indicateurs leur permettant de comptabiliser les revenus produits par les RH. «Il existe plusieurs indicateurs financiers en RH, comme le CA généré par employé temps plein. Cette donnée est simple à obtenir, en prenant en compte le chiffre d’affaires réalisé par la société et le nombre de ressources dont on dispose en équivalent temps plein. Mais elle reste peu utilisée par les professionnels des RH, par manque de connaissance ou par manque de temps pour aller chercher l’information», regrette Michel Cossette.
Reste que comme toute modélisation, ce type de mesure n’est pas parfait, notamment pour les entreprises qui emploient des salariés à temps partiel. « Peut-on vraiment considérer que des employés à temps partiel ont la même productivité que des employés à temps pleins?» nuance-t-il.
Mettre en commun des données
Pour transformer un indicateur RH en résultat financier, on peut aussi réaliser une analyse d’utilité : « Il s’agit de passer du qualitatif au quantitatif, en se disant que si un employé performe, c’est parce qu’il a reçu une formation qui lui a pris tant d’heures par mois, ce qui équivaut à tel ou tel salaire », détaille Lucie Morin, CRHA et professeure titulaire au département Organisation et ressources humaines de l’ESG UQAM.
L’inconvénient ? « Ce processus peut s’avérer un peu laborieux, car il requiert une bonne participation du personnel responsable des opérations, qui doit être en mesure de détailler et d’analyser chaque élément. Pour cette raison, on ne conseille de le faire que sur de gros projets», rapporte-t-elle.
Pour évaluer l’impact financier des RH, des mesures simples mettant en relation des indicateurs « traditionnels » tels que le taux de roulement, l’absentéisme, l’indice de satisfaction ou de mobilisation peuvent également être utilisées.
«Cela permet de faire des corrélations pour voir si des paramètres comme l’absentéisme ou le roulement ont un impact sur les résultats de l’entreprise », estime Michel Cossette.
Attention toutefois à comparer des éléments comparables… « Concernant la mesure des accidents du travail, par exemple, doit-on comptabiliser la personne qui se coupe un doigt avec un bout de papier ? Au Québec, on a tendance à intégrer ce genre de mesure tandis que dans d’autres pays du monde, cela ne le sera pas, ce qui peut avoir une influence sur le résultat final lorsque vous comparez les résultats de plusieurs pays», avance-t-il.
Déterminer ses enjeux
Pour mettre en place des mesures financières valides et utiles, l’un des défis reste de bien comprendre le contexte d’affaires de l’entreprise. Les enjeux d’affaires sont-ils à propos du service à la clientèle, de la restriction des coûts ou encore de l’innovation ?
« Si l’on prend l’exemple de l’innovation, il faut développer des indicateurs qui vont mesurer cet aspect au sein des opérations et les mettre en lien avec les RH pour démontrer qu’ils produisent une valeur ajoutée. S’il s’agit du service client, on regardera plutôt comment les résultats de la formation et de la rémunération ont un impact sur l’efficacité des équipes», avance Michel Cossette.
Pour exercer pleinement leur rôle, les RH devront aussi lever les barrières et communiquer avec les autres départements de l’entreprise pour mettre en commun les données. De nouvelles compétences, en ce qui concerne la définition des aspects mesurés et les méthodes de calcul, seront également nécessaires.
« Il y a par exemple toutes sortes de façons de mesurer l’absentéisme, en fonction de la définition qu’on lui attribue. Est-ce le total de tous les employés absents à un instant T, qui comprend également les personnes en longue maladie, ou est-ce juste la personne qui n’est pas à son poste de manière imprévue? » interroge Michel Cossette.
En fin de compte, « ce type de mesure s’avère déterminante pour les RH puisqu’elle leur permet de monter en crédibilité, en démontrant de quelle manière ils contribuent à l’efficacité organisationnelle », estime-t-il.
Un jeu pour se former chez Uni-Sélect
Le leader de la distribution de pièces automobiles au Canada Uni-Sélect a développé récemment un tableau de bord ainsi qu’un nouvel outil qui lui permet à la fois de mesurer et de gérer les compétences de sa main d’œuvre.
« Après avoir grandi par acquisitions et face à l’implantation d’un nouveau système d’ERP, nous voulions mettre en place des processus communs. Nous avions également un niveau de gestion bas, car nos gens étaient promus par le passé à partir de leurs expertises techniques sans que l’on évalue leurs compétences en leadership », explique Annie Hotte, vice-présidente des ressources humaines d’Uni-Sélect (885 employés au Canada et 5248 aux États-Unis).
Les RH ont donc rencontré l’équipe de direction afin de définir quelles étaient les compétences de leadership à développer aux différents échelons (contributeur individuel, gestionnaire de premier niveau, gestionnaire de gestionnaire, gestionnaire d’unité).
« Nous avons obtenu une liste de 10 compétences, qui sont reliées aux objectifs corporatifs, aux objectifs du département et aux objectifs individuels », précise Annie Hotte.
Uni-Sélect s’est appuyée sur les compétences de leadership bien définies, telles que l’innovation, la stratégie, la communication ou encore le contrôle, pour créer des indicateurs internes qui permettent de dire quelles étaient les grandes lacunes de ses gestionnaires. Le comportement des leaders, quant à lui, est désormais évalué annuellement. Leur plan de développement est revu tous les trimestres et même tous les mois pour dirigeants à hauts potentiels.
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Former et mesurer
Uni-Sélect en a profité pour développer un nouvel indicateur qui agit à la fois comme un outil de développement et de mesure, nommé « E-fUNI ». « Il s‘agit d’un intranet qui héberge un questionnaire sous forme de jeu, et où les salariés peuvent recevoir des cartes cadeaux lorsqu’ils cumulent les bonnes réponses », explique Annie Hotte. Mis en place pour la première fois il y a 3 mois auprès des 750 salariés travaillant au sein des centres de distribution canadiens du groupe, ce nouvel outil permet de dispenser du contenu de formation, tout en vérifiant quel est le niveau de connaissance et d’apprentissage des salariés.
« L’avantage ? Non seulement la plateforme est accessible à la fois sur ordinateur, téléphone intelligent ou tablette, mais le contenu est aussi totalement personnalisable en fonction du public à qui l’on souhaite s’adresser. On songe par exemple à l’adapter pour favoriser l’intégration de nos nouveaux employés afin qu’ils comprennent bien notre processus d’intégration, ce qui porterait le nombre d’utilisateurs à 3500 employés en 2015», avance Annie Hotte.
Si Uni-Sélect demande à ses employés de passer au minimum 5 minutes par jour sur cette plateforme, le nombre de questions varie en fonction de la performance du salarié. « Quelqu’un qui aura des bonnes réponses répondra en moyenne à 2 à 4 questions, tandis qu’un employé ayant fait des erreurs aura plutôt 5 ou 6 questions afin de s’assurer qu’il ait bien compris », explique-t-elle.
Des bénéfices multiples
Ce nouvel outil contribuerait aussi à contrer la résistance au changement. « Les gestionnaires qui démontraient auparavant de la résistance prennent maintenant plaisir à jouer sur ce nouvel outil. On a aussi réalisé que beaucoup le font sur leur téléphone intelligent à la maison ou dans l’autobus… Or, les statistiques démontrent que lorsqu’on prend du plaisir à apprendre, la capacité d’apprentissage est plus grande ! »
D’après les premiers résultats disponibles, les employés des centres de distribution ont ainsi augmenté leurs connaissances de 30% en moyenne grâce à cet outil.
« Nous avons acheté la licence, qui est très abordable, ainsi que quelques Ipads pour que les employés qui le souhaitent puissent se connecter dans nos centres de distribution », affirme Annie Hotte. Elle précise que le coût total s’élève à 400 000$ pour l’ensemble des sites.
« En bout de ligne, c’est surtout le coût des Ipads qui a pesé », estime-t-elle. Un coût qui demeure également peu élevé face aux retombées : « Grâce à cet outil, chaque gestionnaire a désormais accès aux informations de ses employés, afin de savoir qui a suivi la formation, quel était leur niveau, à quels endroits se trouvaient les difficultés… Tout cela permet à nos gestionnaires d’avoir une meilleur gestion de la performance et du développement de leurs ressources », avance Annie Hotte.
Une réduction de la sollicitation auprès des gestionnaires a aussi été constatée. « Les salariés qui allaient systématiquement voir leur supérieur lorsqu’ils avaient un doute s’entraident aujourd’hui et ont accès à de l’information sur la plateforme », souligne-t-elle. La planification stratégique de la main d‘œuvre en est également repensée : « Cela nous permet de savoir quels sont les champions de nos centres de distribution, et éventuellement de les amener dans un autre centre qui connaît plus de difficultés ». Sans compter que le jeu renforce le sentiment d’appartenance à la société, à travers une compétition saine entre les différents joueurs qui pourront remporter des prix en fonction de leurs résultats et de leur catégorie à la fin de l’année. « Nous souhaitons mettre en place ce système pour une durée indéterminée, afin qu’il fasse partie des taches quotidiennes de nos employés », annonce Annie Hotte.
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