L'ancien directeur du Devoir analyse une période déterminante dans l'évolution du Québec, la révolution tranquille. Il en tire cinq défis et une grande conclusion. Cet texte a été publié il y a 10 ans à l'occasion du 75e anniversaire du journal Les Affaires.
Par Claude Ryan
La nouvelle norme devint le droit de chaque individu à établir lui-même ses opinions et ses valeurs.
En une période où il est de mode de remettre en question l'héritage de la révolution tranquille, le 75e anniversaire de fondation du journal LES AFFAIRES nous fournit une excellente occasion de faire le bilan économique de ce chapitre mouvementé de notre histoire et sur les leçons qu'il peut être indiqué d'en retirer pour l'avenir.
La révolution tranquille - laquelle couvre, pour les fins de cet article, la période allant de l'élection du gouvernement Lesage, en 1960, à la fin du premier mandat du gouvernement Lévesque, en 1981 - se caractérisa autant par l'ampleur et la diversité des champs qu'elle embrassa que par la nature radicale des réformes auxquelles elle donna lieu. Peu de domaines échappèrent à son influence. Là où se fit sentir le vent de réforme qu'elle véhicula, les institutions en furent profondément modifiées.
Pendant cette période d'effervescence, un grand nombre de contraintes qui avaient pesé sur la conduite des personnes et la définition des valeurs jugées essentielles furent levées l'une après l'autre. Tour à tour, la liberté de penser, la liberté d'expression, la liberté d'association, la liberté de publication, la liberté de conscience et la liberté de religion furent affirmées avec force. Il y eut une véritable renaissance de la liberté dans les organes de presse, les établissements d'enseignement, les associations de toute sorte, le cinéma et les oeuvres littéraires. Le même phénomène se manifesta dans les attitudes et les modes de comportement des personnes. À une orthodoxie sociale efficacement préservée et transmise par les institutions pendant plusieurs générations, succéda abruptement un climat où la nouvelle norme devint le droit de chaque individu à établir lui-même ses opinions et ses valeurs.
Ce serait toutefois se méprendre sur l'esprit de la révolution tranquille que de souligner uniquement les horizons élargis qu'elle permit d'ouvrir pour la liberté. De fait, la volonté de promouvoir une meilleure égalité des chances pour toutes les personnes fut une seconde caractéristique tout aussi importante de cette période fertile en changements. Les promoteurs de la révolution tranquille étaient férus de liberté. Mais ils voulaient aussi l'égalité des chances pour le plus grand nombre possible de personnes. D'où les réformes qui affirmèrent l'égalité juridique de l'homme et de la femme dans le mariage et favorisèrent l'accès des classes moins fortunées à des services gratuits dans les secteurs de l'éducation et de la santé. D'où aussi la création du Régime de rentes du Québec, garantissant le droit à une rente assurée pour tout travailleurs parvenu à l'âge de la retraite.
L'influence politique
L'influence politique
L'effervescence créée par la révolution tranquille fut particulièrement forte au plan politique. On doit aux dirigeants politiques de cette période la création d'un État québécois moderne, en particulier d'un État doté d'une fonction publique compétente et impartiale. À compter de cette période, le Québec fait montre d'une fierté nouvelle, ses revendications politiques deviennent plus agressives. Il vit même naître en son sein un parti souverainiste qui se vit confier à plusieurs reprises les rênes du pouvoir, sans toutefois pouvoir réaliser son projet d'indépendance politique. C'est de cette période que date l'emploi, devenu courant, du mot « État » pour désigner le gouvernement du Québec, et du mot « Québécois », de préférence au mot « Canadien », pour désigner les résidants du Québec.
Loin d'échapper à l'influence de la révolution tranquille, le domaine économique fut profondément influencé par les idées qu'elle incarna. Jean Lesage et ceux qui le secondèrent et lui succédèrent, en particulier René Lévesque, avaient très bien perçu le rôle-clé que devait tenir l'économie dans l'avènement du Québec à une pleine maturité. Aussi, les initiatives à caractère économique occupèrent-elles une grande place dans leurs plans d'action. Convaincus que toute réforme politique devait, pour réussir de manière durable, s'appuyer sur de solides fondements économiques, ils entreprirent de mener de front les réformes politiques et les réformes économiques. Parmi les objectifs qu'ils se fixèrent au plan économique, citons en particulier la création d'une main-d'oeuvre qualifiée ; la création d'instruments publics d'intervention dans l'économie ; le développement d'entreprises privées contrôlées par des Québécois; l'accès d'un plus grand nombre de Québécois à des postes de direction au sein des entreprises canadiennes et étrangères implantées au Québec; l'utilisation généralisée du français comme langue de communication dans les milieux de travail et les relations d'affaires ; et enfin, coiffant le tout, le rehaussement du niveau de vie de la population. Le slogan « Maîtres chez nous », mis de l'avant par le gouvernement Lesage lors de l'élection de 1962, centrée sur la nationalisation des entreprises hydroélectriques, résume très bien l'esprit qui animait les dirigeants politiques à cette époque.
Mission accomplie
Parmi les objectifs évoqués ci-dessus, le plus important à long terme était la formation d'une main-d'oeuvre qualifiée. Cet objectif inspira les réformes instituées dans le secteur de l'éducation, à commencer par la création du ministère de l'Éducation. Les résultats de ces mesures ne sont pas toujours parfaits. Ils témoignent toutefois d'une progression spectaculaire. De société sous-scolarisée en 1960, le Québec est devenu en à peine une génération une société hautement scolarisée. Il est désormais en mesure de fournir aux employeurs une main-d'oeuvre qualifiée dans tous les secteurs de l'activité économique. Le Québec a ainsi réalisé avec succès le premier objectif qu'il s'était donné. Il faut être conscient, cependant, que le dispositif que nous nous sommes donné coûte cher et qu'il en coûtera encore davantage pour le maintenir à jour. Étant donné les coûts et les risques élevés de toute réforme ambitieuse, il faudra y penser à deux fois avant de soumettre le système à des changements brusques qui procéderaient beaucoup plus d'une idéologie abstraite que d'une connaissance approfondie de ses forces et de ses faiblesses.
La création d'instruments étatiques d'intervention dans l'économie figura au premier plan des projets des promoteurs de la révolution tranquille. La première initiative fut la nationalisation des entreprises privées d'énergie électrique en 1962 et la transformation d'Hydro-Québec en un véritable navire-amiral de l'économie québécoise. Une seconde initiative non moins importante fut la création de la Caisse de dépôt et placement du Québec. À ces deux institutions vinrent s'ajouter dès le début des années 60 la Société générale de financement, puis dans les années qui suivirent, une panoplie abondante de sociétés publiques munies des mandats les plus divers.
Si l'on ajoute aux trois organismes déjà mentionnés Investissement Québec, les sociétés Innovatech de Montréal et de Québec, les centres locaux et les organismes régionaux de développement, la Société des Alcools, Loto-Québec, la Société immobilière du Québec, et plus d'une centaine de sociétés et d'agences diverses, on est en présence d'un dispositif fort élaboré. À l'aide de ce dispositif, l'État est présent, directement ou indirectement, à titre d'entrepreneur, d'investisseur, de prêteur, de caution ou de conseiller, dans à peu près tous les secteurs de l'économie et dans des milliers d'entreprises. L'État québécois souffrait naguère de n'être pas assez présent au coeur des décisions économiques. La question, si elle a encore sa raison d'être, ne vaut désormais que pour certains secteurs particuliers de l'économie.
On peut de même parler de mission accomplie à propos du secteur privé de l'économie. Les progrès sont manifestes de ce côté, autant en ce qui touche l'émergence d'entreprises contrôlées par des Québécois qu'en ce qui touche l'accès des Québécois à des postes de direction au sein des entreprises canadiennes ou étrangères implantées au Québec.
Une liste éloquente
Une liste éloquente
Le palmarès des 500 plus importants employeurs du Québec, publié annuellement par le journal LES AFFAIRES, illustre la place dominante qu'ont prise les entreprises sous contrôle québécois dans l'économie. Parmi les 30 plus importants employeurs, plus de la moitié des entreprises concernées sont contrôlées par des Québécois. Aux premiers rangs de cette liste, on retrouve des noms familiers comme Desjardins, Bombardier, Hydro-Québec, Banque Nationale du Canada, Abitibi-Consolidated, Quebecor, Power, la Coopérative fédérée, Transcontinental, Loto-Québec, Métro, Cascades, CGI, SNC-Lavalin, la Société de Transport de Montréal, etc. En outre, le palmarès des employeurs les plus importants compte plusieurs autres entreprises qui, sans être propriété québécoise, ne sauraient être considérées comme étrangères, vu qu'elles appartiennent tantôt au gouvernement fédéral (comme Postes Canada), tantôt à des actionnaires en bonne partie québécois (BCE, par exemple).
Plus on avance dans la lecture du palmarès, plus on constate qu'une majorité des entreprises de taille moins grande sont également contrôlées par des Québécois. On sait d'autre part que la très grande majorité des entreprises employant entre 10 et 49 personnes sont possédées par des francophones, la proportion d'entreprises à contrôle francophone étant de plus de 60 % dans la région de Montréal et de près de 90 % dans les autres régions. Il n'est pas étonnant, en conséquence, que quelque 70 % des emplois disponibles au Québec soient désormais offerts par des entreprises sous contrôle québécois. Le plus important employeur du Québec est, par une forte marge, le Mouvement Desjardins. Deux autres entreprises coopératives, la Coopérative fédérée et la société Agropur, figurent aussi parmi les plus importants employeurs. Ces faits témoignent de la vitalité du mouvement coopératif. Par l'intermédiaire du Fonds de solidarité, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec a aussi doté le Québec d'un puissant levier d'intervention pour le maintien et la création d'emplois.
L'accroissement du nombre de francophones parmi les cadres des entreprises canadiennes et étrangères établies au Québec et la présence de Québécois de plus en plus nombreux au sein des conseils d'administration de ces entreprises témoignent aussi de la progression des Québécois francophones à tous les niveaux de l'activité économique. En outre, il n'est pas rare aujourd'hui d'entendre parler de Québécois francophones qui occupent des postes de premier plan à l'échelle canadienne ou internationale au sein de firmes pancanadiennes ou multinationales.
La francisation des transactions d'affaires et des milieux de travail a également enregistré des progrès marqués au cours des dernières décennies. Elle est attribuable à la présence de Québécois de plus en plus nombreux à la tête des entreprises et à l'impact de la Charte de la langue française, entrée en vigueur en 1977. La très grande majorité des travailleurs peuvent maintenant travailler en français. De même, toute personne peut exiger qu'une transaction à laquelle elle est partie soit faite en français.
Si ces résultats favorables avaient été obtenus au prix de lourdes pertes économiques pour les Québécois de condition moyenne ou modeste, leur portée bienfaisante en serait sérieusement affectée, sinon annulée. Tel n'a cependant pas été le cas. En même temps que les objectifs de reconquête économique étaient poursuivis, on a en effet enregistré une amélioration marquée du niveau de vie de la population québécoise. Les Québécois gagnent aujourd'hui plus d'argent qu'il y a 40 ans. Ils sont plus nombreux à posséder une automobile et d'autres objets naguère réservés à un petit nombre de personnes. Même si la pauvreté sévit encore dans des milieux trop nombreux, la grande majorité des Québécois ont un niveau de vie plus élevé. Le meilleur indice en est que l'écart entre le revenu par tête au Québec et en Ontario est passé de 26 points en 1960 à 14 points en 1999, soit une diminution de près de 50 %.
Les nouveaux défis
Vu que le modèle québécois nous a généralement bien servis, il y aurait lieu, selon certains, d'en être satisfait et d'y apporter le moins de changements possible. Ce serait toutefois se bercer d'illusions que de raisonner de la sorte. De nouveaux défis nés d'une conjoncture très différente ont en effet surgi. Nonobstant les succès réels remportés au cours des dernières décennies, ces défis nous obligent à envisager d'importants ajustements.
Tout d'abord, comparé à ceux qui nous entourent, l'État québécois coûte cher. Tout compte fait, les services qu'il offre sont sans doute plus élaborés dans certains domaines que ceux qu'offrent d'autres gouvernements. Mais ils se traduisent par des coûts de fonctionnement plus élevés. Le niveau plus élevé des dépenses publiques engendre à son tour des charges fiscales plus élevées. Il a également donné lieu à un accroissement spectaculaire de l'endettement public. Le Québec est aujourd'hui l'une des sociétés les plus lourdement taxées et les plus lourdement endettées de tout le continent. Parmi les facteurs qui ont contribué à l'accroissement des coûts de fonctionnement de l'État, il faut inclure l'effet de « corporatisation » des institutions publiques engendré par les conventions collectives. Celles-ci ont créé dans les divers secteurs de l'administration des contraintes souvent artificielles, mais coûteuses, auxquelles il s'est avéré très difficile de remédier par la négociation. Faute d'une marge de manoeuvre suffisante lors des négociations, de nombreuses situations injustifiables en soi se perpétuent souvent d'une ronde à l'autre avec les coûts artificiels qu'elles engendrent. La mondialisation et les changements technologiques, avec les exigences qui en découlent au plan de la compétitivité, nous obligent à envisager des ajustements importants dans notre conception du rôle et du fonctionnement de l'État. Avant de s'en prendre à des programmes dont ont absolument besoin les foyers et les personnes à revenu faible ou moyen, les responsables devront remédier d'abord à maintes situations économiquement injustifiables au sein de l'appareil public et parapublic.
En second lieu, la présence du gouvernement dans l'économie à titre d'employeur, d'entrepreneur et d'investisseur est devenue trop lourde. Ainsi que l'ont fait voir les pourparlers qui ont abouti à l'achat de Vidéotron par Quebecor, le bras économique de l'État est long et puissant. Il intervient dans l'économie sous mille et une formes, autant à titre d'entrepreneur que d'investisseur, de prêteur, de caution, de gestionnaire et de conseiller, et ce, parfois pour des motifs autres que strictement économiques. Cette présence est de nature à fausser le jeu de la libre concurrence. Elle a déjà contribué à créer dans d'autres pays de véritables états dans l'État, y portant même atteinte à l'intégrité des décisions politiques. Par les liens étroits qu'elle institue entre les dirigeants des sociétés d'État et les gouvernants élus, elle risque d'engendrer tantôt une politisation indue des décisions économiques, tantôt une domination indue de l'économique sur le politique. La Caisse de dépôt et placement et la Société générale de financement offrent deux exemples des dangers que crée cette présence tentaculaire de l'État québécois dans l'économie. Elles sont désormais présentes dans une proportion très élevée des transactions qui ont lieu à Québec. Aussi faut-il se réjouir de la tenue prochaine d'auditions publiques sur le rôle et les modes de fonctionnement de cet organisme et souhaiter que l'action de la SGF soit soumise elle aussi à une surveillance plus étroite. Ainsi que le recommandait, dès 1998, un groupe de travail du Parti libéral du Québec, il y aurait lieu de soumettre périodiquement à une reddition de comptes sérieuse et à une révision en profondeur de leur mission et de leur fonctionnement tous les organismes qui interviennent directement dans l'économie au nom de la collectivité.
En troisième lieu, la présence du gouvernement dans l'économie s'est également traduite depuis la révolution tranquille par une véritable prolifération des lois et dispositions ayant pour objet de réglementer l'activité économique dans divers secteurs. La plupart des contrôles ainsi institués visaient dans la pensée de leurs auteurs à remédier à des problèmes réels. Plusieurs étaient et restent nécessaires. À la longue, la multiplication inconsidérée des inspections et des formules à remplir finit toutefois par rendre difficilement respirable la vie des entreprises. Il y aurait lieu de procéder dans plusieurs secteurs à un allègement substantiel des contraintes imposées par l'État.
La situation démographique
La situation démographique
En quatrième lieu, le Québec accuse un déclin démographique marqué. Le taux de fécondité des femmes aptes à porter des enfants est tombé à un niveau fortement inférieur au taux requis pour assurer la survie d'une population. La capacité concurrentielle du Québec et son aptitude à soutenir un État coûteux semblent devoir en être sérieusement affectées. À long terme, seule une relance imprévisible de la natalité ou une ouverture plus grande face à l'immigration permettra de combler l'écart qui se crée entre les besoins et les ressources en raison du déclin de la natalité. En toute hypothèse, l'immigration sera de plus en plus importante. Il faudra instituer des mesures suffisamment attrayantes non seulement pour attirer les immigrants au Québec mais aussi pour les convaincre d'y rester.
En cinquième lieu, la présence massive de l'État dans l'économie n'a pas réussi à enrayer deux maux endémiques, à savoir la persistance de fortes disparités économiques entre les régions et l'existence de nombreuses poches de pauvreté dans toutes les régions. La persistance de ces problèmes invite à la prudence en ce qui touche la diminution du rôle de l'État. Le regretté Gérard D. Levesque était un tenant convaincu du rôle premier qui doit revenir à l'entreprise privée dans l'économie. Quand il entendait quelqu'un réclamer un désistement radical de l'État au plan économique, il s'inquiétait toutefois des conséquences qui pourraient découler pour sa région, la Gaspésie, d'une telle orientation. Indépendamment de leurs allégeances partisanes, la plupart des députés représentant des régions éloignées des grands centres urbains réagissaient de la même manière. Par nature, l'entreprise privée est portée à aller là où elle compte trouver des profits. Elle sera toujours davantage attirée en conséquence par les centres où sont réunis maints avantages qu'on ne trouve pas dans les régions excentriques. Ainsi qu'on envisage de le faire avec la SGF, il pourrait être avantageux de favoriser une orientation plus prononcée des interventions de l'État investisseur et prêteur en direction des régions moins favorisées. La lutte à la pauvreté doit demeurer, quant à elle, une priorité incontournable des gouvernements à tous les niveaux. Dans cette perspective, l'appui du gouvernement aux initiatives qui se multiplient dans le secteur de l'économie sociale apparaît justifié et bienfaisant. L'apport des groupes communautaires qui s'emploient à susciter la prise en charge de leur situation par les milieux défavorisés est également un actif précieux qui doit pouvoir compter sur l'appui du gouvernement. Il y a de même lieu d'accueillir avec satisfaction la disposition de la nouvelle Loi sur la lutte à la pauvreté, en vertu de laquelle le gouvernement, avant de mettre un projet de loi de l'avant, devra désormais en avoir mesuré au préalable les effets prévisibles sur les milieux touchés par la pauvreté.
Conclusion : préserver le modèle d'économie mixte
S'il faut entendre par le modèle québécois l'ensemble des mesures mises en oeuvre depuis 1960 par les intervenants de divers secteurs en vue de renforcer le contrôle des Québécois sur leur économie, il y a lieu, à la lumière du bilan que nous en avons tracé, de porter un jugement favorable à son sujet. Ce modèle est un modèle d'économie mixte. L'entreprise privée, les forces sociales du milieu et l'État y ont tous joué un rôle important. Il nous a permis de franchir ensemble en une génération des pas majeurs.
Qu'il faille, à la lumière des nouveaux défis issus de la mondialisation, du changement technologique et du développement de plus en plus répandu du savoir, réviser l'importance et les modalités du rôle dévolu à chaque acteur au sein du modèle québécois, cela apparaît incontestable. Il faudra en particulier que le rôle du secteur privé soit plus accentué et que celui de l'État soit mieux centré sur sa fonction première, laquelle est de créer les conditions propices au développement et non de se faire entrepreneur. Nous aurons cependant tout intérêt à conserver pour l'avenir un modèle d'économie mixte au sein duquel chacun des acteurs majeurs, sous des modalités à déterminer, continuera de se voir attribuer un rôle indispensable. Adapter le modèle québécois à la conjoncture nouvelle tout en en conservant les composantes essentielles et identifier dans cette perspective des objectifs collectifs capables de rallier les Québécois d'aujourd'hui : telle est l'approche qui, par-delà l'attachement aveugle à des idéologies, semble la plus apte à bien servir le Québec dans les années à venir.