Comment faire face à l'ouverture des marchés et à l'intensification de la concurrence internationale ? Accélérer son développement et augmenter ses profits ? Mieux distinguer son offre de celle des autres ? Pour Pierre Filiatrault, professeur à l'ESG UQAM et coauteur du livre Performer grâce au nouveau marketing (publié aux Éditions Transcontinental), et Christian Quenneville, vice-président, services-conseils de l'agence Cossette, la solution passe souvent par une meilleure communication. Voici leurs dix conseils pour mieux se différencier dans un marché de plus en plus concurrentiel.
1. Savoir qui on est
«Un bon plan de communication n'invente rien, dit Christian Quenneville. Il doit tout simplement refléter qui on est.» Quels sont mes objectifs de commercialisation ? Quelle est ma cible ? Qui sont mes concurrents ? Quelle est la place de mon entreprise dans mon industrie ? «Simple ? Oui ! Pourtant, beaucoup ne se posent pas ces questions.» Il faut comprendre l'essence de sa marque pour mieux la communiquer et créer un véritable lien avec ses interlocuteurs. «Les mauvaises campagnes sont souvent la conséquence de réflexions qui n'ont pas eu lieu», dit-il.
2. Avoir une meilleure écoute
Connaître ses clients et leurs attentes est également incontournable. «Une entreprise doit se préoccuper de ce que veut le marché», dit Pierre Filiatrault. Les firmes qui ont une culture orientée client sont celles qui réussissent, croit-il. «Le marché se transforme, et une telle culture permet de mieux s'y adapter.» Il est donc essentiel pour un chef d'entreprise d'être à l'écoute de ses clients, mais également des employés qui sont en relation directe avec eux. «Il ne peut pas avoir une stratégie nombriliste, dit-il. Il ne peut pas se fier uniquement à "son idée géniale" ou à sa "vision".»
3. Focaliser sur le client actuel
«Ça coûte de cinq à dix fois plus cher de chercher un nouveau client que de conserver celui qu'on a déjà», dit Pierre Filiatrault. La fidélisation devrait, selon lui, être au coeur de la stratégie d'une PME. Il faut former les employés - la réceptionniste comme les gestionnaires - à offrir un service à la clientèle de qualité. «Préserver un lien affectif est important, explique-t-il. Sinon, même si une personne fait affaire avec vous depuis quatre ans, elle n'hésitera pas à aller voir ailleurs si elle trouve un meilleur prix.»
4. Établir un budget
C'est à l'entreprise de décider combien elle dépensera en communication marketing. «Chez Cossette, on se fait souvent demander combien ça coûte. Eh bien, ça coûte entre 10 000 dollars et 10 millions de dollars ! dit Christian Quenneville en riant. L'entrepreneur, avant de se lancer dans l'aventure, devrait avoir dressé un budget.» La méthode la plus éprouvée ? Y affecter un pourcentage de ses ventes. «Le mieux est de comparer le pourcentage qu'on a choisi avec celui d'autres entreprises de son secteur d'activité», dit-il. Et le fameux «Ça coûte cher !» ? Pour Christian Quenneville, cet argument n'est plus valable : «Il existe aujourd'hui de nombreux outils pour calculer rapidement le rendement des investissements, en Web comme en télé.»
5. Faire ressortir ses forces
Qu'est-ce que je fais mieux que les autres ? Cette question, toute PME doit se la poser, puisque le positionnement est un facteur clé de réussite. «Une entreprise doit trouver l'élément qui la démarque de sa concurrence et le communiquer clairement, dit Pierre Filiatrault. On peut penser par exemple à Honda et à la fiabilité.» L'outil de positionnement ultime, selon lui ? Le brevet. S'il sert d'abord à protéger une nouveauté et à éviter qu'elle ne soit copiée ou commercialisée par un concurrent, c'est également un outil marketing puissant de plus en plus utilisé aujourd'hui.
6. Renforcer sa présence sur le web
«Il faut commencer par la base, et en 2014, la base, c'est le Web ! dit Christian Quenneville. En B2B comme en B2C, c'est un incontournable.» Selon lui, Internet reste malgré tout encore boudé par trop de PME. Certaines sociétés ne se dotent pas de stratégies marketing Web, et d'autres - encore plus retardataires ! - ne disposent carrément pas de sites ou possèdent des sites inefficaces. «Ces entreprises manquent de bonnes occasions, affirme Pierre Filiatrault. Les nouvelles technologies ont révolutionné la manière dont les gens cherchent et trouvent des produits et services.»
7. Concentrer ses efforts sur un canal
«N'essayons pas de tout faire ! dit Christian Quenneville. Ça ne sert à rien d'être sur 22 réseaux sociaux. C'est plus payant pour une entreprise de devenir le joueur le plus actif de son créneau sur une plateforme.» Un fournisseur, par exemple, aura intérêt à se bâtir une réputation solide sur LinkedIn, plutôt que de mettre de l'énergie sur Facebook, plus utilisé par le grand public. «Si j'ai un dollar à dépenser, je mets 10 sous ici et là, ou j'investis le tout à un seul endroit ? Cette question classique a encore plus de pertinence aujourd'hui, en raison de la prolifération des canaux de diffusion, dit-il. Les entreprises ont tendance à disperser leurs efforts, alors qu'elles devraient plutôt les cibler.»
8. Être audacieux
Défier les conventions ? Faire autrement ? C'est essentiel, selon Christian Quenneville. Les PME, qui ont de plus petits budgets que les grandes organisations, et donc moins de poids média, doivent être audacieuses pour se démarquer. «Quand on est le huitième acteur de son industrie, ce n'est pas seulement souhaitable, c'est nécessaire», affirme-t-il. Il recommande de comprendre les codes publicitaires de ses concurrents et d'essayer de les briser. Un défi qu'un entrepreneur devrait savoir relever assez facilement, selon lui. «À la base, se lancer en affaires demande de l'audace. On reste dans les mêmes valeurs.»
9. S'informer davantage
«Si on a une entreprise de mode, le réflexe est d'assister à des événements liés à la mode. Il serait pourtant plus pertinent de participer à des ateliers sur des thèmes connexes, comme les finances, la chaîne d'approvisionnement ou le marketing», dit Christian Quenneville, qui croit que les dirigeants gagneraient à ouvrir un peu plus leurs horizons. Beaucoup de PME n'ont pas une compréhension approfondie de la communication marketing et de ce qu'elle peut accomplir. Si d'un côté les experts doivent travailler à mieux vulgariser leurs connaissances, les dirigeants et gestionnaires doivent pour leur part s'informer davantage. Quelles sont les tendances ? Quels sont les meilleurs outils ? Les pratiques exemplaires dont il faut s'inspirer ? «L'info est aujourd'hui à la portée de tous», dit-il.
10. Choisir les bons partenaires
Si une entreprise sent le besoin de se tourner vers une agence ou un studio de design, elle ne doit pas prendre l'exercice à la légère. Trouver un partenaire avec qui il est facile de développer un processus de collaboration efficace et agréable est primordial. Il faut être en adéquation avec la culture de l'autre, qui ne doit pas être vu comme un fournisseur, mais comme une extension de son équipe. «Il est également important de regarder le travail réalisé par l'agence dans le passé avec des budgets similaires, dit Christian Quenneville. C'est la meilleure façon de savoir ce qu'elle peut faire pour vous.»
EN CLASSE AVEC SETH GODIN
Le roi du marketing, l'Américain Seth Godin, auteur du blogue marketing le plus lu du monde et de 17 best- sellers traduits dans une trentaine de langues, a décidé de rendre ses connaissances davantage accessibles. L'hiver dernier, il s'est associé à la communauté d'apprentissage en ligne Skillshare.com pour offrir des cours abordables (environ 20 dollars). À suivre : son atelier interactif, Modern Marketing Workshop, qui propose aux entreprises, petites et grandes, des conseils pour mieux déceler les occasions d'affaires, éviter les pièges et créer de véritables liens avec leurs clients.
COMMUNICATION SANS ARTIFICES
Tout au long de l'été, aux quatre coins du Québec, l'entreprise Fempro a fait la promotion de sa marque Incognito en proposant aux clientes de pharmacies des manucures gratuites. «Nous leur avons offert un moment de détente, ce qui nous a permis de discuter avec elles pour mieux connaître leurs besoins et leurs habitudes d'achat», dit Sébastien Bourassa, vice-président, ventes et marketing du fabricant de produits d'hygiène féminine. L'offensive promotionnelle, conçue en collaboration avec l'agence Terrain Marketing, reflète bien la mission que s'est donnée la marque : contribuer au bien-être de la consommatrice.
Car si Fempro conçoit des produits colorés aux caractéristiques «tendance» pour des marques maison de grandes chaînes canadiennes et américaines, avec Incognito, elle parie plutôt sur des produits sans encre ni parfum. «Nous misons sur la blancheur de nos produits pour nous distinguer sur les tablettes, explique Sébastien Bourassa. Nos concurrents sont de grands acteurs - Proctor & Gamble, Kimberley-Clark et Johnson & Johnson : nous proposons des produits de niche qui ne les intéressent pas.»
Études de marchés, comités consultatifs, sondages Web... l'équipe marketing ne lésine pas pour rester à l'affût de ce que veulent ses clientes actuelles comme potentielles. «Notre équipe est constituée uniquement de filles. Je suis l'exception ! dit-il. Ce sont des utilisatrices du produit. C'est un gros avantage, considérant le mandat qu'on s'est donné.»
La PME de Drummondville, qui faisait exclusivement de la publicité magazine auparavant, a pris le virage Web en 2011 afin d'atteindre davantage sa cible prioritaire, les jeunes de 18 à 24 ans. «On n'a fait que du Web pendant trois ans, dit Sébastien Bourassa. Puis, cette année, on a ajouté une campagne de notoriété à la radio pour rejoindre plus de gens.» Au coeur du message, toujours le même positionnement : «Incognito protège vos dessous sans rien dessus.»
L'INNOVATION DANS L'ADN
Louis Garneau Sports, qui compte plus de 4 000 clients aux États-Unis, vient d'ouvrir un nouveau centre de distribution et de fabrication au Vermont, au coût de 8 millions de dollars. «Ça fait déjà 27 ans qu'on est sur le marché américain, raconte Louis Garneau. Nos ventes sont en croissance. On est prêts ! On passe à l'attaque !» Mais comment se démarquer dans un des plus grands marchés du monde ? D'après le fondateur et président de la marque lancée en 1983, il faut «un sacré bon produit». «On n'a jamais fait de la production à bas coût ou de grand volume, dit-il. L'innovation est dans notre ADN.»
Qualité et performance sont au coeur de sa stratégie de commercialisation. «On est des spécialistes et on vend à des spécialistes. On ne fait pas dans le produit de commodité !» À la base de son positionnement ? Les brevets. Chaque année, l'entreprise spécialisée en vêtements et en articles de sport met en marché des inventions qui lui valent l'estime de nombreux athlètes, amateurs et professionnels.
Quelque 15 % du budget annuel est consacré au développement des stratégies de ventes et de marketing. Pour des raisons de coût, tout se fait au siège social, situé à Saint-Augustin-de-Desmaures. Catalogues, emballages, habillage des vélos, offensives publicitaires... La PME compte une équipe de 25 graphistes et possède même son propre studio de photo. «On se prépare à de grands changements à l'interne. On doit mieux communiquer sur le Web. En commerce électronique, notamment, on est très en retard sur nos concurrents. Ça fait partie de nos objectifs stratégiques des prochaines années», dit l'homme d'affaires de 56 ans.
L'entreprise compte bien mettre de nouveau à profit sa culture de l'innovation pour relever le défi. «Dans la cafétéria, j'ai fait inscrire "Seules les entreprises créatives survivront". Ça doit se sentir dans tous les services, de la fabrication au service à la clientèle.»
PLAISIR TÉLÉVISUEL
Pour ne pas partager son mélange de noix, une femme se débarrasse de ses camarades par la force de la pensée. Cette publicité de Krispy Kernels a beaucoup fait parler d'elle cet été, remportant un Lion de Bronze à Cannes. Un deuxième prix en trois ans pour l'entreprise et son agence, lg2, qui s'y étaient également distinguées en 2012, lors de la première apparition télévisée de la marque en 60 ans d'existence.
«L'argent investi dans la fabrication et la distribution de nos produits laisse peu de budget pour le marketing, dit la directrice marketing Renée-Maude Jalbert. Puisqu'une offensive télévisée comme celle-ci engloutit une grande partie de notre budget, on ne doit pas se tromper.» Krispy Kernels, qui souhaite accroître la notoriété de sa marque, juge que la télévision est le meilleur moyen de se faire remarquer d'un plus grand nombre de personnes. «C'est aussi un média qui nous permet de bien exprimer notre personnalité», dit-elle.
Depuis 1953, l'entreprise de Québec mise sur le même positionnement basé sur le plaisir et la qualité. «Il y a de plus en plus de produits de noix sur le marché, puisqu'il s'agit d'une catégorie tendance, mais la plupart des marques essaient de se distinguer par le prix. Pour Krispy Kernels, cela n'a jamais été une stratégie, affirme René-Maude Jalbert. Parfois, j'aurais envie d'utiliser 100 % de notre budget marketing en dégustations !»