Vous pensez que le marketing n'est utile que pour les entreprises qui font des affaires avec les consommateurs ? C'est faux. Des entrepreneurs qui vendent leurs services à des sociétés expliquent pourquoi.
Pour faire connaître son entreprise, Jean Éthier plaçait des annonces dans les Pages Jaunes. «Nous investissions de 50 000 à 60 000 dollars par an, dit l'entrepreneur montréalais. Aujourd'hui, c'est zéro. Tout notre budget marketing a été réalloué à notre site Web.»
Son entreprise, IMS, se spécialise dans l'identification de produits, et 80 % de sa clientèle est issue du secteur manufacturier.
De plus, son site, imsinc.ca, n'a rien à voir avec les vieux sites corporatifs composés d'un mot du président, d'une présentation pompeuse des activités de l'entreprise et d'un bouton «Pour nous joindre» !
Le client potentiel y trouvera plutôt des pages et des pages d'informations et de détails techniques. Tout ce qu'il faut savoir sur les étiquettes autocollantes à transfert thermique ; les caractéristiques des différents lecteurs de codes à barres que vend IMS ; un blogue pour suivre les dernières tendances en matière d'étiquetage.
«J'ai découvert que la clé, c'est d'avoir un site que les gens visitent, et pas uniquement une vitrine, comme le site que nous avions auparavant», dit Jean Éthier.
IMS a mis les bouchées doubles dans son projet de marketing en ligne afin de devenir un incontournable de son secteur sur Internet. Et les retombées sont encourageantes. «Je vois une progression du nombre de clics, dit Jean Éthier. Je sais aussi que lorsque les représentants reçoivent des appels de clients qui leur viennent du site, les ventes sont beaucoup plus faciles.»
Le marketing, cet incompris
Le marketing, cet incompris
Dans l'univers du B2B (Business To Business), où les entreprises ont pour clients d'autres entreprises, le marketing joue souvent un rôle secondaire dans les stratégies de développement d'affaires. «Traditionnellement, les entreprises B2B atteignent leur marché en engageant des représentants sur la route, en participant à des foires commerciales ou en publiant des annonces dans des magazines spécialisés», dit Louis Durocher, président d'Orénoque interactif, une firme de référencement Web de Montréal dont la clientèle est composée en grande partie d'entreprises qui font des affaires avec d'autres entreprises.
Parce que leur marché est souvent restreint, les sociétés B2B croient avoir moins besoin de marketing. ExoMarketing, une agence de marketing B2B de Montréal, a mené une recherche afin de savoir quelle part de leur chiffre d'affaires les entreprises B2B consacraient au marketing. «La médiane était de 4 % pour le marketing et de 10 % pour la force de vente», dit la présidente d'ExoMarketing, Lynda St-Arneault.
Quatre pour cent, c'est peu. «Dans certains secteurs d'activité, ce devrait être 10 %», estime Lynda St-Arneault.
Or, même dans le cas d'entreprises B2B, un plan de marketing solide permet de générer un volume suffisant de clients potentiels qualifiés (leads), soit des clients intéressés par les produits de l'entreprise.
Ce faisant, un marketing intelligent peut aider les vendeurs itinérants à mieux vendre. «C'est très rare qu'on le fasse, mais il faut intégrer les forces de vente et les ressources marketing, croit Lynda St-Arneault. Il faut partager les informations et les bases de données pour que le travail des représentants soit plus ciblé, pour qu'ils puissent plus rapidement conclure une vente.»
Le contenant et le contenu
Le contenant et le contenu
Le marketing B2B, oui... Mais comment ? C'est clair : on ne vend pas une table de découpe laser comme on vendrait du shampoing.
«Le processus d'achat est un des points qui différencient le marketing B2B du marketing B2C [NDRL : Business To Consumers]», dit Lynda St-Arneault. «En B2C, il y a moins d'influenceurs et le processus d'achat est plus court», poursuit-elle. «En B2B, l'achat est plus complexe, le produit est plus niché et il y a beaucoup d'influenceurs, de gens qui participent au processus de sélection, de décision, d'achat.»
Il est fréquent qu'un client industriel forme un comité pour étudier l'achat d'un appareil de pointe. Et selon une étude du site américain ThomasNet.com (septembre 2011), 64 % des acheteurs industriels ou manufacturiers font la comparaison entre deux ou trois fournisseurs avant d'arrêter leur décision.
L'entreprise B2B doit donc tenir compte de cette réalité. Son plan marketing doit souvent s'adresser au côté rationnel de sa clientèle, avant de s'occuper de son côté émotif. Autrement dit, si le contenant de la bouteille de shampoing (sa forme, sa couleur, sa marque) est un aspect important dans le monde du B2C, en B2B, c'est le contenu qui compte.
Cela dit, faut-il pour autant écarter toute considération de branding ? «En effet, les entreprises achètent surtout d'après des faits, mais pas toujours dit Étienne Denis, PDG de l'agence de contenu Internet 90 degrés. J'ai déjà vu un client choisir IBM pour des raisons de sécurité émotives. IBM est une grande société, qui a une excellente réputation. Ici, la marque de l'entreprise a joué en sa faveur.»
«Le branding a toujours une influence, surtout au début du processus d'achat, pense pour sa part Lynda St-Arneault. Cependant, en B2B, la décision d'achat ne se fera pas sur une marque.»
On veut des détails !
On veut des détails !
La stratégie déployée par Jean Éthier sur son site Web enrichi, c'est ce qu'on appelle du content marketing (marketing de contenu).
Le concept : intéresser le client potentiel et affirmer l'expertise d'une entreprise en fournissant des contenus sous plusieurs formes. En somme, c'est le pouvoir de l'information au service des ventes.
Les grandes réussites du marketing de contenu sont nombreuses et variées.
Par exemple, American Express alimente un site truffé d'informations pour les petites entreprises (openforum.com). De nouveaux textes sont ajoutés chaque jour, qui touchent tous les sujets susceptibles d'intéresser les entrepreneurs. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, les textes ne finissent pas tous sur la recommandation d'une nouvelle carte de crédit. «La clé consiste à ne pas faire la promotion de votre entreprise, explique Étienne Denis. Ne parlez pas de vous.» Les gestionnaires de PME ne vont pas sur openforum.com parce qu'ils aiment American Express. Ils y vont - et y reviennent - parce que cela leur est utile. Et chacune de ces visites leur donne l'impression qu'American Express a leur réussite à coeur. Pas mauvais, comme marketing !
Étienne Denis relève aussi l'exemple d'une entreprise B2B torontoise, JER Envirotech, qui fabrique du plastique «vert». «Ils ont publié un simple livre blanc (whitepaper) pour développer leur crédibilité», dit Étienne Denis. Produit au coût de 4 000 dollars, ce livre blanc a été téléchargé par plus de 500 personnes en 60 jours, par l'entremise du site Internet de l'entreprise. Le contenu du livre blanc a aussi été repris dans un magazine spécialisé... sur cinq pages en couleur. Une visibilité d'une valeur estimée à 50 000 dollars !
Ça se passe sur le Web
Ça se passe sur le Web
Située dans l'arrondissement de Saint-Laurent, ClickTouch America, une PME qui compte 50 employés, conçoit des panneaux de contrôle. Sa clientèle : les fabricants d'appareils, partout en Amérique du Nord. Son président, Robert DeRepentigny, a lui aussi bien compris la puissance du marketing de contenu. Tout comme IMS, le site de ClickTouch America brille par son aspect complet.
Mieux, l'entreprise a carrément choisi de ne pas avoir de vendeurs itinérants. «Nous ne faisons pas d'autre marketing que sur le site Internet, et l'an dernier, nous avons enregistré des ventes de cinq millions de dollars», dit-il avec fierté.
Il y a une autre raison pour laquelle une entreprise B2B ne devrait pas épargner les efforts pour enrichir son site Internet. Cette raison, c'est Google.
«Un site qui n'a pas bougé depuis cinq ans a très peu de chances d'apparaître lors d'une recherche sur Google», dit Louis Durocher, d'Orénoque interactif.
C'est simple : plus un site compte de pages, plus la variété des mots qu'il contient est grande... autant de mots que les clients potentiels pourraient taper dans Google !
«C'est la force de la "longue traîne" (long tail), poursuit Louis Durocher. Les requêtes très pointues, lorsqu'on les accumule, représentent plus de requêtes que quelques mots-clés généraux.»
Pour ClickTouch America, la recette a été gagnante... et beaucoup moins coûteuse qu'une équipe de vente. «Je pourrais avoir deux ou trois représentants, explique Robert DeRepentigny. À la place, j'ai un site qui me coûte 20 000 dollars pour trois ans, 1 000 dollars par mois environ pour le référencement et 5 000 dollars par an pour des mises à jour. Et c'est ce site qui fait tout le démarchage de nouveaux clients.»