Pendant près de sept ans, Dax Dasilva a nourri la fierté des employés de LightSpeed en disant qu'ils avaient construit seuls l'entreprise et sa plateforme informatique intégrée pour les détaillants. En 2012 toutefois, il a dû changer son discours quand il a accepté l'offre d'investisseurs d'accompagner LightSpeed dans sa conquête de la planète.
«J'ai dû leur faire voir que nous aurions désormais des yeux et des oreilles dans la Silicon Valley. Tout le monde, y compris nos investisseurs, croit que Montréal est l'endroit parfait pour établir l'entreprise, mais qu'elle a besoin d'être connectée à la Valley», explique le président et fondateur de LightSpeed. Et sa connexion est loin d'être banale : il s'agit de nul autre que du fonds Accel Partners, l'investisseur derrière Facebook, Angry Birds et Groupon. C'est même le gigantesque fonds californien qui a approché Dax Dasilva pour investir dans son entreprise !
Il faut dire que la techno montréalaise était alors assidûment courtisée, puisqu'elle venait de commercialiser des outils pour la vente interactive sur iPad et iPhone. En fait, pour moins de 100 dollars par mois, la plateforme de LightSpeed, qui offrait déjà des solutions pour le commerce en ligne et la gestion des stocks, proposait désormais aux détaillants la vente interactive sur appareil mobile Apple.
«Tous les clients [du détaillant] arrivent par le même système, ce qui lui permet de gérer simultanément les stocks en ligne et en magasin et d'avoir les données et les analyses en temps réel. Il peut ainsi bien servir le client et faire les bonnes commandes de produits», dit l'entrepreneur, un passionné d'informatique qui a une formation en religion et en histoire de l'art.
Mieux que des millions
En deux semaines de négociations, l'investisseur américain et la PME se sont entendus sur le montant à investir et sur les parts de l'entreprise à céder. LightSpeed a alors reçu 30 millions de dollars d'Accel et 5 millions de dollars du fonds montréalais iNovia Capital. Dax Dasilva restait actionnaire majoritaire, avec un pourcentage gardé confidentiel.
«Les investisseurs sont venus parce qu'ils comprenaient que tous les détaillants, qu'ils vendent des motos, des jouets ou des skates, voudraient faire vivre à leur clientèle une expérience similaire à celle des Apple Stores et qu'ils avaient besoin d'un système qui les propulse dans l'ère numérique. Et nous, nous avons compris que pour garder notre avance technologique et devenir leader dans le marché, sur iPad et sur tous les appareils mobiles, il fallait plus de ressources.»
Au cours de la première année qui a suivi le financement initial, LightSpeed n'a pas dépensé un sou des 35 millions de dollars récoltés. Mais elle a mis à profit l'expertise et l'expérience de ses nouveaux partenaires pour solidifier son équipe, développer des relations et améliorer ses processus.
«Ces gens-là ont travaillé avec les meilleurs du monde, alors ils pouvaient nous apporter beaucoup. Dans la deuxième année, nous avons fait une acquisition (MerchantOS) qui n'aurait pas été possible sans investissement», croit l'entrepreneur de 37 ans, originaire de Vancouver. L'acquisition a permis à LightSpeed d'élargir son offre, jus-qu'alors limitée aux produits Apple, à tous les ty-pes d'appareils.
Croissance accélérée
L'investissement d'Accel Partners et d'iNovia Capital a été un accélérateur puissant pour l'entreprise. En deux ans, le nombre d'employés est passé de 53 à 201, et les clients, de 700 à 19 000 magasins. Les trois quarts des clients de la techno montréalaise se trouvent aux États-Unis, 12 % au Canada et le reste, surtout en Australie et au Royaume-Uni.
Heureux de cette croissance rapide, Dax Dasilva dit qu'il irait probablement chercher des investisseurs plus tôt dans l'aventure s'il devait démarrer une autre boîte. Mais il ne regrette pas pour autant d'avoir bâti LightSpeed avec ses propres ressources pendant sept ans.
«Je continue de penser que c'est une bonne idée de passer quelques années à construire son entreprise assez solidement pour qu'elle vive de ses ventes. LightSpeed a ainsi eu le temps de se construire une identité forte, qui existe toujours, même si nous avons quatre fois plus d'employés qu'il y a deux ans.»
Quant au choix des investisseurs, Dax Dasilva considère qu'il est primordial que ces derniers partagent la vision stratégique de la firme et qu'ils aient des affinités relationnelles avec l'équipe de direction. «Je ne sens pas que j'ai une dette en-vers eux. Je sens plutôt qu'ils aimaient beaucoup notre entreprise et qu'ils voulaient participer à sa croissance. Il y a beaucoup de confiance et de respect», dit l'homme d'affaires.
Et cette croissance est visiblement loin d'être terminée. Accel Partners et iNovia ont injecté 35 millions de dollars de plus dans LightSpeed en septembre dernier. L'objectif : rayonner encore plus à l'international !
AVIS D'EXPERT
«C'est bon d'amener l'entreprise plus loin avant de prendre du capital de risque, car cela permet de créer une plus grande valeur et de garder davantage de parts. Mais dans tous les secteurs d'activité, et en particulier dans la technologie, le temps a beaucoup d'importance. Cela dit, si on peut maintenir le développement de l'entreprise comme on le veut grâce aux ventes, aux subventions ou à l'argent d'amis, on peut attendre. LightSpeed a très bien exécuté sa stratégie et a pris le temps de bien choisir ses investisseurs. Ce sont des partenaires qui apportent bien plus que de l'argent. Les réseaux d'Accel et d'iNovia changent les choses. Ils ont aidé à bâtir une équipe de cadres et de vente, et c'est une énorme valeur ajoutée.»