Bâtiment historique, multiplicité de rénovations antérieures, de plans sous toutes les formes, nombre colossal d’intervenants, pression sur le calendrier et le budget… La rénovation du Château Frontenac, qui vient de s’achever après 15 mois de travaux, est un condensé de défis pour les multiples ingénieurs qui y ont participé, à l’instar de Jean-François Bouchard, chargé de projet chez Roche.
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Au total, 21 900 heures d’ingénierie sur 27 mois. Et 22 employés qui ont travaillé de 250 à 2 000 heures sur le projet, ce qui représente 2 920 journées de travail, soit plus de 11 années-homme. Jean-François Bouchard n’est pas prêt d’oublier la rénovation du Château Frontenac. « Il y avait une tonne de défis », lance le jeune homme pour qui le chantier était le premier de cette ampleur en 12 ans de carrière. Des défis techniques et de gestion.
La rénovation intérieure du Château Frontenac aura duré 15 mois. Un an et demi de sueurs froides pour les équipes de génie. Celle de Roche, supervisée par Jean-François Bouchard, a dû réaliser différentes tâches en mécanique du bâtiment, électricité et structure pour convertir des espaces-boutiques en salles de réception, de même que pour rénover des restaurants, des cuisines, des salles de réunion, le hall d’entrée et des espaces communs et de circulation.
Le tout dans des bâtiments s’étalant sur une superficie de 11 720 m2 et datant de trois périodes, soit 1893, 1926 et 1994. « Au début, rien que de se retrouver dans le château, de comprendre ce qui était connecté à quoi, c’était compliqué », se souvient Jean-François Bouchard. Il y avait pourtant des plans. Une salle en était même remplie. Mais il a fallu du temps avant de trouver ceux qui correspondaient aux parties concernées par les travaux, et certains étaient sur microfilms. Malgré les plans, « c’était difficile parfois de savoir où étaient les murs porteurs. Certains endroits étaient un mélange de structures de 1893 et de 1926, alors que les habitudes et les normes étaient très différentes de ce qu’elles sont maintenant », poursuit l’ingénieur, qui a parfois été obligé de faire des relevés et de dessiner ses propres plans des lieux.
Forte pression pour respecter les délais
On est loin des tours de bureaux ou de condos dernier cri de conception standard. « J’ai travaillé sur des bâtiments Leed Or, comme la tour Desjardins de Lévis dont la conception était très complexe, mais au Château Frontenac, dans bien des cas, ça aurait été plus facile de détruire et de refaire plutôt que de devoir s’adapter à ce qui existait », reconnaît Jean-François Bouchard. Il a ainsi fallu que lui et son équipe revoient entièrement la structure d’une salle avec pour mission d’éliminer une colonne qui soutenait… six étages et d’en installer une autre quelques mètres plus loin dans un espace restreint en s’arrimant à la structure qui date de 1927 !
Dans ce contexte de bâtiment historique, chaque tâche était complexe et les délais prévus pour les travaux, très limités. En outre, malgré les nombreux imprévus inhérents à un chantier historique comme celui-ci, le budget de la firme de génie n’était pas extensible. « La pression sur le calendrier et le budget était très forte », explique M. Bouchard, dont l’équipe a atteint une vingtaine de personnes comprenant de cinq à neuf ingénieurs dans les moments les plus critiques. Le fait que le Château n’a jamais fermé ses portes pendant les travaux a accru le stress des ingénieurs. Ils devaient suivre des horaires stricts pour les travaux bruyants, morceler leurs tâches, prévoir de courtes périodes de déménagement de certains locaux. De plus, ils ne pouvaient pas compter sur une prolongation en cas de retard, les chambres et les salles étant louées à des dates précises.
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Coordination, le maître-mot
L’ingénieur plus habitué aux bâtiments fonctionnels à but professionnel comme les tours de bureaux, par exemple, a également dû s’adapter au fait que les rénovations avaient lieu dans un hôtel, cinq étoiles de surcroît. L’esthétique primait. « Il fallait tout dissimuler alors que les plafonds de ces vieilles bâtisses ne comprenaient souvent pas de faux plafonds. On devait faire notre travail sans “gâcher” les plans de l’architecte et des designers », souligne le chargé de projet de Roche. Sans compter que le bâtiment n’avait pas été construit à l’époque pour accueillir des équipements modernes comme les climatiseurs, par exemple. Les installer a constitué un véritable casse-tête.
La gestion du projet comprenait de nombreux intervenants. « On recevait beaucoup de renseignements. Il fallait les trier et les acheminer aux bonnes personnes, s’assurer que notre équipe était elle aussi au courant des dernières modifications », précise Jean-François Bouchard. Le fait que le donneur d’ordres soit le propriétaire du Château – Ivanhoé Cambridge –, mais pas le gestionnaire hôtelier – Hôtels Fairmount –, a multiplié les intermédiaires et compliqué le processus de prise de décision. En effet, chaque point devait être validé par Fairmount qui a des normes à respecter dans tous ses établissements.
Les sueurs froides et les nuits blanches de Jean-François ne sont plus que des souvenirs, tandis que les travaux se sont achevés en juin. Soulagé, l’ingénieur, fier de ce qui a été réalisé au Château Frontenac, n’hésite tout de même pas à lancer : « Si c’était à refaire, je me relancerais dans l’aventure ! »
Capsule
Durée des travaux : 15 mois pour les rénovations intérieures. Le toit avait également été changé en 2011.
Coût total : 75 millions de dollars (toit et 66 millions pour la rénovation intérieure) dont 75 % sont allés à des entreprises québécoises qui ont réalisé les travaux.
Travaux effectués : maçonnerie, remplacement du toit cuivré de l’immeuble (2011), rénovation complète de 330 chambres, ajout de 15 000 pi2 pour les clients d’affaires, soit une augmentation de 75 % de l’espace disponible pour les réunions et les banquets, transformation du hall d’entrée, agrandissement de la section Fairmont or, rénovations des restaurants et des cuisines.
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