Un meuble peut-il avoir une identité ? Si vous en doutez, pensez à ceux qui s'enthousiasment à la simple mention d'un meuble scandinave ou italien. Nombreux sont ceux qui croient qu'un design distinctif contribuerait à relancer l'industrie québécoise du meuble.
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Lors de sa création en 2010, le Centre d'expertise et de formation en design industriel (CEFdi) du Cégep régional de Lanaudière obtient une subvention du gouvernement fédéral qui lui permet de lancer trois projets de recherche visant à appuyer des secteurs industriels. Rapidement, les besoins criants de l'industrie du meuble retiennent l'attention des dirigeants du CEFdi.
«Le design peut jouer un rôle important dans la relance de l'industrie du meuble, soutient Sylvain Poirier, coordonnateur du Centre. Pourtant, il y est encore trop peu présent. C'est un des secteurs qui emploie le moins de designers industriels au Québec.»
Sylvain Poirier veut amener l'industrie à renforcer son image de marque en valorisant l'identité de ses produits. «Quand on parle de design italien, français ou scandinave, on sait de quoi on parle. Ce n'est pas le cas du design québécois, déplore-t-il. Nous n'avons pas de style distinctif.»
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Le designer multidisciplinaire Jean-Claude Poitras est donc recruté et s'allie à deux designers industriels qui enseignent au Cégep de Lanaudière pour dessiner les contours d'un style québécois.
À quoi pourrait bien ressembler un design représentatif du Québec et de ses habitants ? On trouve l'esquisse d'une réponse dans le manuel produit par les trois designers. Il ne s'agit pas d'un livre de recettes à suivre pas à pas, mais plutôt d'un ensemble de 19 critères qui constituent une piste à explorer.
Ainsi, le meuble québécois serait plutôt haut de gamme, de style néotraditionnel, il privilégierait des formes asymétriques et des couleurs naturelles. Il serait issu de l'écoconception, et donc élaboré et fabriqué dans le respect de l'environnement et en privilégiant les matières locales.
Des fabricants comme Bermex, Mobilier Boomrang, Atelier St-Jean et Vanico Maronyx, une entreprise qui misait déjà sur des designers à l'interne, se sont prêtés au jeu. Cet exercice a notamment aidé Vanico Maronyx à conceptualiser sa nouvelle collection de meubles de salle de bains Origine, dont le lancement a été très remarqué. Écoconçu, ce mobilier mise sur des lavabos en ardoise noire et sur du mobilier en bois d'eau issu de la récupération.
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Des designers avides de créer
L'industrie du meuble a aussi suscité l'intérêt de l'École de design de l'UQÀM. «Beaucoup de jeunes designers s'intéressent aux arts décoratifs et aiment dessiner des meubles, mais l'industrie leur fait peu de place», déplore le professeur André Desrosiers.
Ce dernier pose le même diagnostic que Sylvain Poirier. «Nous n'avons pas de tradition culturelle forte dans le meuble, même si nous en fabriquons depuis longtemps, dit-il. Nous produisons souvent des meubles très génériques.»
Qu'à cela ne tienne, il a décidé de prendre les choses en main et de mettre sur pied une coopérative qui réunit une vingtaine de designers et de fabricants. La coopérative Établi offre des meubles pour l'extérieur et pour la maison. Elle mise sur une structure légère, puisqu'elle n'a pas besoin d'espace pour stocker l'inventaire, ni de créer une usine, ni même d'amasser des capitaux. Il s'agit plutôt de mettre en relation les consommateurs, les designers et les fabricants.
«Nous avons d'un côté beaucoup de fabricants dont la capacité de production est sous-utilisée, et de l'autre, plusieurs designers avides de créer, explique M. Desrosiers. L'idée de la Coop Établi est que les designers dessinent un certain nombre de modèles, qui sont présentés dans un catalogue offert aux consommateurs. Ces derniers peuvent choisir un ou des meubles, et les faire faire chez le fabricant le plus près de chez eux.»
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Les designers deviennent membres de la coopérative et reçoivent des redevances en fonction des ventes. Il ne s'agit pas de faire fortune, mais André Desrosiers précise que les designers doivent pouvoir toucher autant d'argent que s'il s'agissait de leur emploi à temps plein.
Parmi les avantages de ce modèle, le professeur insiste beaucoup sur la qualité des meubles qui sont vendus à des prix abordables, ainsi que sur l'accent mis sur la production locale, avec des matériaux d'ici. Il apprécie aussi la collaboration qui se développe entre les fabricants membres de la coopérative, qui n'hésitent pas à se partager les tâches pour lesquels ils sont le mieux équipés.
«L'esprit coopératif est très fort chez nos membres, conclut-il. On ne va pas changer le monde, mais on croit pouvoir tirer notre épingle du jeu, à notre échelle.»