Les meubles exportés du Québec prennent presque tous le chemin des États-Unis. Mais après la crise économique de 2008, les ventes se sont écroulées. Avec la reprise, nos voisins du Sud redeviendront-ils l'eldorado qu'ils étaient pour les fabricants d'ici ?
Cliquez ici pour consulter le dossier Industrie du meuble
En 2013, les États-Unis ont reçu 93 % des exportations de meubles résidentiels québécois, selon l'Association des fabricants de meubles du Québec (AFMQ). L'année précédente, elles avaient atteint un creux à... 90 %. Les exportateurs québécois sont donc tributaires d'un marché américain qui est loin d'être facile depuis le milieu des années 2000.
La hausse de la devise canadienne, conjuguée à la concurrence féroce des fabricants asiatiques et mexicains ainsi qu'à la crise immobilière aux États-Unis, a créé une tempête parfaite. Résultats : les exportations de meubles de maison québécois ont chuté de 64 % depuis 2005. En 2013, elles plafonnaient à 197 millions de dollars, selon le ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations du Québec. Le Canada est passé de premier à quatrième pays d'origine des importations de meubles aux États-Unis, derrière la Chine, le Vietnam et le Mexique.
Ne serait-il pas préférable, dans ce cas, de diversifier les marchés ? «Préférable, sûrement, mais très difficile à faire», réplique le pdg de l'AFMQ, Pierre Richard.
Selon lui, les coûts de transport vers l'Europe représentent des obstacles importants, auxquels viennent s'ajouter des normes réglementaires différentes. Sans compter que la Chine est aussi présente sur ce marché dans le bas et le milieu de gamme, avec ses prix dérisoires. Les grands fabricants européens, notamment italiens, dominent pour leur part le haut de gamme. Pas facile de faire sa place. «Les États-Unis demeurent vraiment le marché avec le plus de potentiel pour nous», conclut Pierre Richard.
Cliquez ici pour consulter le dossier Industrie du meuble
Grandes surfaces, petits prix
Fondé en 1986, le Groupe Bermex, de Louiseville, se spécialise dans le mobilier de salles à manger, les tables de bistrot et les tabourets en bois massif. L'entreprise compte 825 employés et 11 usines de fabrication. Chacune de ses quatre marques principales (Bermex, Midi, Bertanie, Dinec) a sa propre usine de finition. Les dirigeants prévoient une croissance de 14 % en 2014. L'entreprise exporte environ 35 % de sa production aux États-Unis. De 2008 à 2012, son chiffre d'affaires aux États-Unis a chuté de 40 %.
«En pleine crise économique aux États-Unis, nous étions obligés d'augmenter nos prix à cause de la force du dollar canadien, se souvient Philippe Darveau, vice-président des ventes de Dinec. Rien pour faciliter les ventes !»
De prime abord, Bermex n'entre pas en concurrence directe avec les produits chinois, car ses meubles se classent dans une gamme plus élevée. Le problème est ailleurs. «Nous vendons chez des détaillants de taille moyenne, explique Philippe Darveau. Lorsqu'un Target ou un Brick vient s'installer près d'elles, ces boutiques finissent souvent par fermer. Or, ce sont les produits chinois qui se retrouvent dans les très grandes surfaces, pas les nôtres.»
Cependant, ces boutiques plus petites commencent à réagir. Certaines forment des groupements d'achats afin de bénéficier de meilleurs prix et de devenir ainsi plus concurrentielles.
Bermex profite aussi de la baisse du dollar canadien et de la reprise aux États-Unis. «Nous sommes en train de récupérer ce que nous avions perdu», lance le vice-président. Selon lui, l'entreprise a réussi à passer au travers en raison de sa très forte intégration verticale, qui lui permet de contrôler tous les aspects de la stratégie et de la production.
Cliquez ici pour consulter le dossier Industrie du meuble
Des produits personnalisés
Le fabricant de meubles en acier Amisco, de L'Islet, a aussi connu des années difficiles. Créée en 1954, l'entreprise fabrique principalement des lits, des tabourets, des chaises et des tables. Environ 55 % de ses ventes se font aux États-Unis, où elle exporte depuis la fin des années 1970. Alors qu'elle comptait plus de 300 employés au début des années 2000, elle n'en compte plus que 160 aujourd'hui.
Dès le début des années 2000, voyant apparaître la concurrence chinoise aussi bien au Canada qu'aux États-Unis, Amisco a fait une plus grande place à la personnalisation des produits. Les acheteurs peuvent choisir des couleurs de tissu et de métal, des tissus pour couvrir les sièges de métal ou des accents de bois. «C'est impossible à obtenir des fabricants chinois, donc cela nous permet de nous démarquer auprès des consommateurs», explique le pdg, Réjean Poitras.
La baisse du dollar canadien encourage Réjean Poitras, mais elle n'est pas encore assez prononcée pour avoir un effet important sur les prix. Depuis deux ans, il constate aussi une augmentation des ventes au détail de meubles aux États-Unis.
Bref, sans nécessairement espérer un retour au dynamisme des années 1990, il y a lieu d'espérer que les prochaines années verront les ventes augmenter chez nos voisins du Sud.
197: La valeur des exportations québécoises de meubles de maison s’est élevée à 197 millions de dollars en 2013. Elles ont diminué de 64 % depuis 2005. Elles atteignaient alors plus de 544 M$. Source : Ministère de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations du Québec