À coup de campagnes à la télé, de 5 à 7 bière-et-pizza, et de spectacles son et lumière, les minières québécoises se démènent pour recruter la main-d'oeuvre qualifiée dont elles ont impérativement besoin pour leurs nouvelles activités dans le Nord du Québec.
Si la lutte au recrutement est féroce, le défi réside aussi dans la fidélisation et la formation des employés aux nouvelles technologies minières.
Mike Welsh, directeur de la mine Raglan de Xstrata Nickel, au Nunavik, n'a pas de mal à attirer des candidats. «Mais ce qui nous manque, ce sont des CV d'employés qualifiés», explique-t-il.
Les 4 et 5 octobre derniers, Xstrata Nickel a organisé deux salons de recrutement, à Rouyn-Noranda et à Val-d'Or. Mais sur les quelque 500 CV reçus, à peine le tiers sont à retenir. «Beaucoup de travailleurs du secteur forestier nous offrent leurs services, croyant que le transfert de compétences va de soi, explique Francis Beauvais, porte-parole de la minière. Mais ce n'est pas le cas.»
Offensive publicitaire
Chez Arcelor Mittal Mines Canada, Eric Tétrault rapporte qu'un ouvrier de la construction est parti de Montréal et a conduit jus-qu'au siège social de Port-Cartier, car il pensait qu'on l'embaucherait sur-le-champ. «Ce n'est pas si simple !» lance-t-il.
Aujourd'hui, une minière est un impressionnant complexe de nouvelles technologies informatisées dont il faut connaître les mécanismes. Et depuis le boom en informatique, il y a relativement peu d'ingénieurs et de techniciens qui ont étudié dans ce secteur.
Or, Arcelor Mittal Mines Canada, Xstrata et Rio Tinto (propriétaire de IOC au Labrador) sont toutes en expansion, en même temps. Elles elles mettent donc le paquet pour rejoindre le personnel compétent là où il se trouve.
Au printemps, Arcelor a lancé le bal avec une campagne télévisuelle nationale qui visait à la positionner comme un employeur de choix. Vu que le nouveau propriétaire indien de Québec Cartier Mining était relativement peu connu au Québec, avant d'annoncer un investissement de 2,1 milliards de dollars pour agrandir son complexe minier du Mont-Wright, sur la Côte-Nord, il avait besoin d'acquérir rapidement la notoriété qui allait pouvoir l'aider à recruter pas moins de 1 400 employés d'ici la fin de 2012.
Voilà quelques semaines, Rio Tinto lui a emboîté le pas avec sa propre campagne télé : «Découvrez Rio Tinto au Canada».
Recruter sur le terrain
Les minières envoient aussi leurs chasseurs de têtes et leurs cadres sur le terrain pour rencontrer les futurs candidats en personne. «Avant, on restait dans nos bureaux à attendre les CV», dit Francis Beauvais.
En plus de compter sur son propre personnel des ressources humaines, Arcelor fait affaire avec 20 firmes de recrutement. On se rapproche des écoles de formation, des commissions scolaires, des cégeps et des universités.
La bataille du recrutement est planétaire. Elle se livre aussi loin qu'en Australie : la semaine dernière, une pub de Xstrata en Australie occupait le quart de l'espace carrières dans The Globe and Mail, le plus grand quotidien du Canada. «Le problème est là : le Québec exporte ses travailleurs, mais il a du mal à en importer», souligne M. Beauvais.
Cela va peut-être commencer à changer, puisque certaines minières entament des démarches dans le monde francophone à l'extérieur du Québec.
Des formations locales
William Pagé est un spécimen rare : c'est un Inuit qui aime descendre sous terre. Cet été, il est devenu le premier Inuit à avoir obtenu le plus haut grade de mineur, à la mine Raglan, au Nunavik.
«Quand j'ai dit à mes parents que je voulais être mineur, ils ont eu un choc», se souvient-il.
Âgé de 28 ans, M. Pagé fait partie de la trentaine d'Inuits qui ont participé à un programme spécial mis sur pied en 2008 par Xstrata Nickel pour mieux attirer, retenir et intégrer les Inuits. Intitulé «Tamatumani» - mot qui signifie «deuxième chance» en français - le programme comprend plusieurs initiatives, dont une mine-école.
Main-d'oeuvre autochtone
Le taux de rétention demeure bas (55,5 %). Mais le recours à la main-d'oeuvre autochtone représente une solution pour les minières. «Ce sont nos futurs employés», indique Dean Journeaux, président de New Millenium, qui compte ouvrir une mine de fer en 2012. Lorsqu'elle entrera en production, en 2016, la minière Goldcorp, à la baie James, créera elle aussi un programme destiné aux autochtones.
«La clé, c'est l'encadrement», précise Christophe Bonnal, directeur de la formation continue au Cégep de Sept-Îles. Toute formation doit prévoir le soutien d'un travailleur social, ou encore, d'un superviseur, d'un compagnon. Bref, d'une structure d'accueil et d'intégration.
Le Cégep de Sept-Îles vient de lancer une autre initiative s'adressant aux candidats miniers qui n'auraient pas leur diplôme de secondaire 5 : des mises à niveau qui leur permettront d'acquérir les compétences manquantes en maths, français, lecture nécessaires pour travailler dans l'industrie d'aujourd'hui. Le cégep vient de signer des ententes avec les communautés naskapies et innues (basées à Sept-Îles et à Schefferville) pour donner ces formations à leurs membres.
Dans le cadre du Plan Nord, le gouvernement du Québec promet un soutien financier de 90 millions de dollars à la formation. Les minières et les établissements de formation ont bien l'intention d'en profiter. S.D.