Quelles sont les normes en ce qui a trait au nombre d'heures, de tâches et à d'autres responsabilités à confier aux administrateurs ? Certains CA sont-ils plus exigeants que d'autres ? Tour d'horizon des questions à se poser avant d'accepter un mandat d'administrateur.
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Si certains ont choisi d'en faire leur métier, la plupart des administrateurs continuent à exercer un travail à temps plein en parallèle. Ils ont par conséquent des obligations professionnelles à remplir. C'est pourquoi mieux vaut évaluer le temps qu'il vous faudra pour remplir votre mission d'administrateur avant d'accepter un mandat, même si l'offre peut paraître alléchante. «Commencez par demander combien de réunions se tiennent chaque année, quel est le temps de préparation requis et combien il y a de comités dans lesquels vous devrez siéger. Si vous n'avez pas le temps nécessaire, il est préférable de refuser le mandat, même si vous avez la compétence requise», avise Bruno Déry, président et chef de la direction du Collège des administrateurs de sociétés (CAS) de l'Université Laval. Car auquel cas, vous risqueriez de connaître une double peine : en plus de ralentir les travaux du CA et de ne pas être perçu par les autres membres comme un contributeur actif, vous pourriez également vous mettre en difficulté au sein de votre propre emploi et mettre en jeu votre crédibilité.
Différents niveaux d'exigences ?
«Certains CA peuvent se révéler plus exigeants que d'autres, notamment en matière de responsabilités, du nombre d'heures, ou encore, vis-à-vis de la complexité des dossiers soumis», met en garde Bruno Déry. Ainsi, si vous faites partie du CA d'une entreprise qui songe à effectuer une fusion ou une acquisition à l'international, vous devrez travailler plus fort pour aider l'entreprise à dépasser ce cap. «Il m'est déjà arrivé d'avoir à accompagner un dirigeant d'entreprise dans le cadre d'une rencontre en Europe pour discuter d'un projet ou d'une éventuelle fusion», cite en exemple Réjean Dancause, président et directeur général du Groupe Dancause et associés et administrateur de sociétés privées.
En se dévouant pour assurer la pérennité de l'entreprise, les administrateurs deviennent aussi des références de choix lorsque les dirigeants ont besoin d'un coup de main... «Certains administrateurs deviennent les consultants spéciaux de l'entreprise, que l'on peut appeler pour demander un conseil ou pour connaître leur point de vue sur un projet dans leur champ d'expertise. Si l'organisation souhaite par exemple développer de nouveaux comptes au Canada, un administrateur peut lui faire bénéficier de ses contacts en prenant son téléphone», met en avant Jean-Daniel Brisson, directeur principal du groupe-conseil stratégie et performance du cabinet Raymond Chabot Grant Thornton.
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Un investissement sans limites
Peut-on poser des limites à son engagement ? Pas vraiment, y compris si vous siégez de manière bénévole ! Car faire partie d'un CA, c'est accepter de travailler le temps qu'il faudra pour veiller à la persistance de l'entreprise. «Il est important d'arriver aux réunions bien préparé, en ayant lu les documents nécessaires afin de ne pas passer la première heure à lire les états financiers. Car les conseils ne doivent pas être des séances de formation ! Cela peut passer par le fait d'appeler en amont le pdg pour lui demander des précisions», rappelle José Mathieu. Président jusqu'à tout récemment de Plastube, il a choisi de se consacrer à sa fonction d'administrateur au sein de trois autres PME manufacturières : Alta Précision, NSE-Automatech et Composites VCI.
Il conseille de prévoir environ d'une journée à une journée et demie de préparation pour chaque réunion. «Le travail d'administrateur consiste aussi à effectuer une veille sur le secteur et les marchés de l'entreprise. Comme je siège aux conseils de deux sociétés dans le domaine de l'aéronautique, je me dois de lire les journaux qui traitent de ces sujets et de connaître l'industrie sur le bout des doigts», souligne José Mathieu.
En situation de crise, l'administrateur doit également savoir répondre présent : «Lorsqu'on reçoit une offre publique hostile un vendredi soir, on ne peut pas dire que l'on n'a pas terminé ses vacances ou que l'on est en week-end ! C'est d'ailleurs souvent à ce moment qu'on mesure vraiment la mobilisation et la valeur des individus pour l'organisation», affirme Nathalie Francisci, associée au cabinet Odgers Berndtson et présidente du CA de la section québécoise de l'Institut des administrateurs de sociétés.
La relation aux actionnaires
Lorsqu'ils sont mandatés par un actionnaire, les administrateurs peuvent également avoir à leur présenter des rapports sur la tenue des CA. Chez Desjardins Capital de risque par exemple, les administrateurs nommés pour représenter la société financière doivent participer quatre à cinq fois par an à des rencontres et formations afin d'échanger sur les réalités auxquelles la PME qu'ils administrent fait face. «Nous les rencontrons aussi chaque année pour évaluer avec eux quelle est leur contribution et éventuellement renouveler, lorsque cela est nécessaire, certains sièges», explique Anne-Marie Poitras, vice-présidente de la Gouvernance des PME et des fonds sous gestions chez Desjardins Capital de risque.
Au total, elle estime que les administrateurs devront consacrer une vingtaine d'heures chaque année pour les réunions de conseil, et environ la même durée pour se préparer. «Et si l'on se retrouve membre d'un comité d'audit ou de gouvernance par exemple, il faudra participer et préparer quatre à cinq réunions de plus. Globalement, si l'on veut bien faire son travail, on peut facilement s'attendre à donner de 80 à 100 heures par année à un CA», résume-t-elle.
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Des responsabilités de taille
Chargé de prendre des décisions qui auront une influence sur le futur de l'entreprise, l'administrateur assume une mission qui n'est pas sans risques : «Il existe aujourd'hui beaucoup de règles de conformité pouvant déboucher sur des poursuites civiles. On en a d'ailleurs vu quelques cas à la commission Charbonneau : lorsqu'il y a des allégations de détournement de fonds ou une fraude, le CA a une responsabilité !» rapporte Bruno Déry.
«Il ne faut pas oublier que les membres du CA sont personnellement responsables des remises et déductions à la source des employés : il m'est déjà arrivé d'avoir à payer de ma poche lorsqu'une des entreprises où j'étais administrateur a fait faillite il y a une vingtaine d'années», témoigne Réjean Dancause.
Les administrateurs sont soumis à un certain nombre de règles statutaires en vertu des lois sur les valeurs mobilières, des lois environnementales, des lois sociales et en matière de travail et des lois sur la faillite. «Leur responsabilité touche à la diligence, c'est-à-dire qu'ils doivent veiller à ce que les sociétés remettent bien leurs déductions à la source, qu'elles aient de bonnes pratiques en matière environnementale ou qu'elles respectent bien la sécurité sur les lieux de travail», résume Thierry Dorval, associé chez Norton Rose Fullbright Canada.
«Les poursuites les plus courantes concernent surtout les cas où les entreprises ne paient pas les retenues à la source au gouvernement, mais on observe aussi de plus en plus de poursuites en matière de valeurs mobilières ou de droit de l'environnement», ajoute-t-il. Si certaines lois, comme les lois sur la concurrence, prévoient des poursuites allant jusqu'à 14 ans d'emprisonnement (en cas de trucage des offres par exemple), le principal dommage pour les administrateurs reste le risque lié à la réputation.
«Sauf en matière fiscale, il est assez rare que les administrateurs aient à payer de leur poche, puisque les compagnies proposent souvent des polices d'assurance pour couvrir ce genre de risque. Mais c'est le dommage à la réputation qui reste le plus important, car les gens s'en souviennent», résume M. Dorval.
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