Lorsqu’il s’agit de recruter un nouvel administrateur, les chemins empruntés par les entreprises peuvent être multiples, en fonction de leur taille et de leurs moyens financiers… Bouche à oreille, chasseurs de têtes ou encore réseaux sociaux ? Quel est le meilleur outil pour recruter vos futurs administrateurs ?
« Certaines grandes entreprises, qui doivent notamment aller chercher des cadres à l’étranger, font appel à des chasseurs de tête spécialisés. Mais ce n’est pas le cas des petites entreprises ou des OBNL, qui ont plutôt tendance à passer par leur réseau professionnel regroupant leurs connaissances d’affaires, ainsi que les membres de clubs, associations ou des ordres professionnels », résume Bruno Déry, président et chef de la direction du Collège des administrateurs de sociétés (CAS) Université Laval.
Le collège, qui forme justement chaque année 80 à 90 administrateurs de sociétés, est un lieu de réseautage incontournable pour les sociétés qui recherchent des administrateurs expérimentés. « Au collège, la moyenne d’âge se situe autour de 55 ans pour le programme de certification. Les administrateurs qui viennent se former occupent tous des fonctions sur un CA et souhaitent se maintenir à jour pour assumer les responsabilités et les exigences requises pour leurs mandats. C’est aussi l’occasion d’améliorer leur réseau car elles se retrouvent avec d’autres administrateurs de sociétés venant d’horizons différents », précise Bruno Déry.
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Des réseaux à développer
En plus du Collège des administrateurs de société (CPA), plusieurs réseaux et ordres professionnels proposent également des banques d’administrateurs, tels que l’Institut des Administrateurs de Sociétés (IAS) ou l’ordre des CP. « Car la responsabilité du conseil est aussi d’avoir un plan de relève de manière à ce que, si quelqu’un quitte du jour au lendemain ou décède, il y ait un bassin de candidats potentiels avec lesquels on soit en contact direct régulier », précise Nathalie Francisci, associée au cabinet Odgers Berndtson et présidente du CA de la section québécoise de l’Institut des administrateurs de sociétés.
Si la voie la plus commune reste donc celle de la cooptation « celle-ci présente parfois le risque de se retrouver avec des profils unidimentionnels », met en garde Michel Magnan, professeur et titulaire de la chaire de gouvernance d’entreprise Stephen A. Jarislowsky de l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia.
C’est pourquoi la plupart des grands cabinets de recrutement de cadres et chasseurs de têtes offrent désormais des services de recrutement d’administrateurs. Ce processus de sélection, plus encadré et coûteux, est généralement réservé aux grandes entreprises. « Ces recruteurs soumettent les candidats à une batterie de tests psychométriques et autres, pour finir par présenter 3 à 5 candidats au CA », explique Jacques Grisé, expert et auteur d’un blog sur la gouvernance.
Mais avant de penser aux firmes de recrutement, Jean-Daniel Brisson, conseille de commencer par effectuer simplement l’inventaire de vos relations. « Vouloir recruter des administrateurs indépendants ne doit pas mener aux excès et vous empêcher de demander des recommandations à votre banquier, votre comptable ou votre avocat si vous avez confiance en lui», rappelle le directeur principal du Groupe-conseil stratégie et performance du cabinet Raymond Chabot Grant Thornton.
Une entrevue déterminante
Quelle que soit le moyen emprunté, le processus de recrutement, généralement conduit par le comité RH ou le comité de gouvernance du CA comprend souvent, en plus de l’étude approfondie du CV, une batterie de tests psychométriques ainsi qu’une à plusieurs entrevues. « Des vérifications poussées sont de plus en plus profondes et sérieuses, et vont par exemple des vérifications de crédit à l’étude du casier judiciaire des candidats », affirme Nathalie Francisci, associée au cabinet Odgers Berndtson et présidente du CA de la section québécoise de l’Institut des administrateurs de sociétés.
Moment déterminant pour intégrer un CA, l’entretien de sélection doit être considéré avec la même importance qu’un entretien d’embauche. « C’est le même principe : le candidat doit savoir quel est le plan stratégique de l’entreprise, quelle est sa gestion des risques, pour déterminer quelle pourrait être sa valeur ajoutée au sein du CA», souligne Bruno Déry, qui fait un parallèle avec une équipe de sport : « S’il manque un bon rameur ou un bon sprinter, cela peut faire toute la différence à l’étude des candidatures ».
En plus de l’étude du CV, les recruteurs utilisent des grilles pour identifier les forces et faiblesses des candidats. « Quand je recrute un administrateur, j’aime savoir ce qui intéresse le candidat dans cette compagnie, comment il va mettre à profit ses expériences au sein du CA. Il faut aussi s’assurer de la compatibilité de l’individu avec l’organisation, ce qui passe souvent par la poursuite de la rencontre à travers un lunch ou un souper pour mieux sentir l’individu », commente Nathalie Francisci. La capacité d’un administrateur à gérer les crises est aussi déterminante : « Je demande toujours aux candidats quelles sont les crises qu’ils ont vécu, et ce qu’ils en ont retiré. Cela peut être le départ du Ceo, une offre d’achat publique hostile, ou la dégringolade d’une action en bourse… Et s’ils n’en ont pas vécu, j’ai tendance à décliner car vous ne saurez pas comment la personne réagira en cas de problème », affirme-t-elle.
Des vérifications à mener
La question des conflits d’intérêts est désormais prise très au sérieux au sein des organisations. «Lorsqu’on établi un CA, il faut s’assurer que les administrateurs soient le moins possible en conflit d’intérêt. On commence généralement par leur envoyer un questionnaire afin qu’ils puissent déclarer toutes les entreprises avec lesquelles ils ont un lien afin de voir s’il peut s’agir de fournisseurs, clients, ou concurrents de l’entreprise», explique Thierry Dorval, associé au cabinet d’avocats Norton Rose Fullbright Canada. Parfois, c’est même les conflits d’intérêts potentiels qui sont le plus difficiles à gérer : « L’indépendance n’est pas forcément un dogme ; on peut parfois avoir certains administrateurs qui proviennent de l’industrie car ils ont une très bonne connaissance de l’entreprise, mais il ne faut pas que ce soit la majorité», précise M. Dorval.
Dans ce cadre, les recruteurs ont désormais tendance à préférer des candidats qui limitent le nombre de mandats sur lesquels ils siègent, ce serait-ce que pour une question de disponibilité.
« Certains administrateurs peuvent prendre jusqu’à 4 ou 6 CA à temps plein quand ils sont retraités, tandis que les autres en prennent moins car cela demande beaucoup de temps et de préparation », affirme Bruno Déry. D’autres facteurs, comme l’éloignement géographique, peuvent aussi entrer en ligne de compte : le candidat réside-t-il dans la ville où se tiendra les réunions, ou devra-il à chaque fois venir de Québec ou de Montréal ? « Cela peut vite prendre 6h de déplacements pour seulement 3h de réunion ! Il faut donc des personnes qui soient prêtes à s’investir » souligne M. Déry.
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