Vous voulez vous constituer un portefeuille diversifié de fonds négociés en Bourse (FNB). Pour chaque catégorie d'actifs, Les Affaires a demandé à des experts de répondre à «la question» du moment afin de vous aider à faire les bons choix.
Cliquez ici pour consulter le dossier FNB: Comment bâtir un portefeuille solide
1. Actions canadiennes : Faut-il réinventer la recette ?
Le menu canadien est peu diversifié pour les fringales indicielles. En achetant un fonds négocié en Bourse (FNB) reproduisant le S&P/TSX, l'indice phare de la Bourse de Toronto, vous vous retrouvez avec un apport de 70 % dans deux secteurs : l'énergie et les finances. Voici quelques pistes pour ceux qui veulent une assiette plus équilibrée.
Il existe des FBN d'actions canadiennes dont la pondération est plus diversifiée, répond Yves Rebetez, éditeur du site ETF Insight, spécialisé sur les FNB. Les fonds liés à un sous-jacent «moins volatil» sont généralement plus diversifiés que le contenu du TSX. Il donne en exemple le FNB BMO d'actions canadiennes à faible volatilité (Tor., ZLB) et l'iShares Canada minimum volatility Index (Tor., XMV). Le First Asset Morningstar Canada Momentum Index ETF (Tor., WXM), qui suit un indice lié aux recommandations de stratégie axée sur la valeur de Morningstar, a aussi une pondération plus diversifiée.
«Dans l'absolu, ces fonds ne sont pas nécessairement meilleurs que le S&P/TSX, prévient M. Rebetez. Ils n'auraient pas donné un meilleur rendement dans un marché comme celui qu'on a connu de 2003 à 2008. Leur attrait dépend de votre profil d'investisseur et de votre opinion du marché.»
L'énergie gâche le tout
En ce moment toutefois, le marché canadien dans son ensemble offre des perspectives moins attrayantes que la Bourse américaine en raison de son «manque de profondeur», croit Clément Gignac, vice-président principal et économiste en chef de l'Industrielle Alliance. Il prévoit un rendement de 10 % à 15 % pour le S&P 500 par rapport à 5 à 7 % pour le S&P/TSX au cours des 9 à 12 prochains mois.
L'énergie et les matériaux plombent l'indice canadien, explique l'ancien ministre du Développement économique dans le gouvernement Charest. «On assiste à un bon ralentissement de l'économie chinoise, ce qui exerce une pression à la baisse sur les ressources.»
M. Gignac est plus optimiste à l'égard des financières canadiennes, même si ce secteur est plus attrayant au sud de la frontière. Les banques et les assureurs sont «très bien capitalisés, ce qui réduit le risque que le dividende soit réduit», commente-t-il. «À moins qu'il y ait une récession au Canada - et j'en doute au moment où l'économie américaine progresse -, il y très peu de risques que ces sociétés réduisent leur dividende.» Toujours au Canada, il aime le secteur industriel.
Guy Lalonde, vice-président du Groupe Lamarre/Lalonde de la Banque Nationale, n'est pas très chaud à l'idée de mettre le TSX de côté. «Il y a beaucoup de promesses sur les FNB liés à une stratégie qui permettraient de mieux performer que le marché dans son ensemble. Or, les chiffres n'appuient pas cette hypothèse, affirme le conseiller en placement et gestionnaire de portefeuille. En fait, il est possible de bâtir un portefeuille diversifié avec les indices existants.» Le gestionnaire préfère donc aller chercher de la diversification à l'international ou du côté des petites capitalisations, entre autres, plutôt que de «s'inventer une autre Bourse canadienne».
Chez les principaux fournisseurs canadiens, un FNB indiciel réduit à sa plus simple expression aura évidemment des frais de gestion moins élevés. Par exemple, l'iShares reproduisant le S&P/TSX (Tor., XIC) demandera des frais de gestion de 0,05 %. Donné en exemple plus tôt par M. Rebetez, le XMV (du même fournisseur) commande des frais annuels de 0,33 %. Ceux-ci demeurent bas si on les compare à ceux exigés par les fonds communs gérés activement, mais l'investisseur doit comprendre qu'il paiera plus cher pour se différencier du TSX.
Cliquez ici pour consulter le dossier FNB: Comment bâtir un portefeuille solide
2. Obligations : Comment tirer le meilleur du pire?
Les obligations, dont le rôle est de tempérer la volatilité des actions, deviennent elles-mêmes de plus en plus risquées. Un beau casse-tête pour la constitution d'un portefeuille de fonds négociés en Bourse (FNB). Vers quels titres de dette se tourner ?
Même les experts peinent à mettre les morceaux en place lorsqu'ils se penchent sur les perspectives du marché obligataire. «En 2013, les rendements ont été mauvais, donc tout le monde a commencé à réduire les échéances [des titres en portefeuille]», raconte Alfred Lee, stratège pour les FNB chez BMO Gestion d'actifs. «Pourtant, la volatilité a été très profitable aux obligations en 2014, finalement. Je crois que beaucoup d'investisseurs sont maintenant échaudés par les titres à revenus fixes.»
Au point où sont rendus les taux d'intérêt, M. Lee croit qu'il est toujours raisonnable d'opter pour des obligations à court terme, moins volatiles. De plus, il aime bien les obligations de sociétés américaines de première qualité. «Si la Fed augmente ses taux d'intérêt, ça va porter un coup aux obligations à haut rendement. Les investisseurs réduiront ainsi le risque de leur portefeuille en se réfugiant dans les titres de haute qualité.»
Des opinions divergentes
Contrairement à M. Lee, Yves Rebetez, éditeur du site spécialisé sur les FNB ETF Insight, préfère les obligations gouvernementales à celles des entreprises. Il note que l'écart de taux entre les deux types de titres s'est réduit. Si les taux augmentaient, le «compteur pourrait revenir à zéro», ce qui ferait en sorte de dévaluer les obligations d'entreprise, qui reviendraient à un écart plus «normal».
Il croit, lui aussi, que les obligations à court terme sont une bonne façon de se protéger contre le risque d'une augmentation des taux. Les FNB obligataires à court terme, offerts par presque tous les grands fournisseurs canadiens, rachèteront plus rapidement de nouvelles émissions versant des taux plus élevés, explique M. Rebetez.
Parmi les FNB d'obligations à court terme, on trouve les indiciels à leur plus simple expression. Certains gestionnaires privilégient la stratégie de la «roulette». Selon ce principe, vous répartissez également vos achats entre des titres d'échéances de 1 an, 2 ans, 3 ans, 4 ans et 5 ans. Vous les gardez jusqu'à l'échéance. Lorsque l'obligation de 1 an expire, vous en achetez un de 5 ans. Ainsi, vos titres «roulent» et vous maintenez toujours des obligations à échéances diversifiées.
Pour vous y retrouver dans la terminologie en anglais, les FNB qui adoptent cette stratégie sont dites laddered (à échelle). iShares, BMO, RBC et First Asset en proposent tous.
Des inconvénients
Réduire la durée de son portefeuille obligataire n'est pas sans désavantage, prévient Ian Gascon, président de Placements Idema. «Ceux qui sont habitués de voir les obligations s'apprécier lors de moments difficiles pour les actions doivent comprendre que leurs obligations n'offriront plus le même contrepoids.»
Guy Lalonde, vice-président du Groupe Lamarre/Lalonde de la Banque Nationale, ne souhaite pas quant à lui s'éloigner des obligations à long terme. «Ça fait depuis que je suis entré à la Nationale en 2003 qu'on dit que les taux d'intérêt vont baisser. Nous avons sept types de titres à revenus fixes dans nos portefeuilles. Chacun joue son rôle dans un portefeuille diversifié.»
3. Actions internationales : La fin de la stagnation ?
Une zone euro empêtrée dans une interminable stagnation, des pays émergents qui donnent des signes de faiblesse après avoir suscité les espoirs les plus fous, le marché boursier semble bien morose lorsqu'on sort de l'Amérique du Nord. Est-il trop tôt pour partir à la chasse aux aubaines indicielles à l'étranger ?
Clément Gignac, vice-président principal et économiste en chef de l'Industrielle Alliance, préfère toujours les États-Unis, mais il songe à devenir un peu plus favorable envers l'Europe. «C'est sur la table à dessin», raconte-t-il. Il constate que les évaluations sont moins élevées. La dépréciation de l'euro par rapport au dollar américain aidera l'économie de la zone euro à augmenter sa productivité.
Même si l'économie de la zone euro est atone, on oublie que la santé de ses entreprises ne dépend pas que de l'économie nationale. «Les grandes sociétés exportent massivement», rappelle M. Gignac.
Dans ce contexte, Alfred Lee, stratège pour les FNB chez BMO Gestion d'actifs, favorise les FNB d'entreprises solides, qui ont démontré qu'elle pouvait procurer d'excellents rendements dans le passé. Cette description correspond au FNB BMO MSCI Europe de haute qualité (Tor., ZEQ) offert par son entreprise.
Pays émergents
Clément Gignac est un peu moins optimiste pour les pays émergents, même s'il s'agit de la région boursière la moins coûteuse. En ce moment, l'indice MSCI des pays émergents s'échange à 10,4 fois les prévisions de bénéfice de 2015, par rapport à 14,8 pour le S&P 500. L'économiste note qu'on assiste «à un bon ralentissement» de l'économie chinoise.
Malgré l'essor économique récent des pays émergents, le contexte d'affaires n'y est pas aussi favorable que dans les pays développés. Que ce soit pour le climat social, la discipline budgétaire ou la stabilité monétaire, ces pays ont leur lot d'incertitudes, estime l'ancien ministre provincial. «Pour cette raison, je ne miserais pas sur un FNB portant sur un seul pays. J'irais chercher un indice plus large.»
John De Goey, gestionnaire de portefeuille de BBSL à Toronto, est plus optimiste. L'intervenant de notre chronique «Les Marchés en action» (voir p. i-2) exprime sa confiance à l'égard des pays émergents. «En raison de la réalité démographique, c'est dans les pays émergents qu'aura lieu la croissance. Si on regarde les multiples, le prix des actions est beaucoup plus attrayant qu'en Occident.»
Clément Gignac reconnaît que les perspectives pour les pays émergents sont intéressantes à long terme. Cependant, les investisseurs devront accepter que ces perspectives comportent plus de volatilité, étant donné l'instabilité de ces pays.
Cliquez ici pour consulter le dossier FNB: Comment bâtir un portefeuille solide
4. Actions américaines : Accepte-t-on toujours le risque de devise ?
Le consensus en faveur des actions américaines reste fort chez les portefeuillistes. Avec un dollar canadien sous les 90 cents américains, est-il temps de renouer avec les FNB qui ont une couverture contre le risque de devise ?
«Si seulement, je le savais», répond au bout du fil Camilla Sutton, stratège en chef du marché des devises de la Banque Scotia. L'une des expertes les plus citées au sujet du dollar canadien admet que, si on peut décoder les tendances de fond, il est impossible de prévoir les mouvements du huard.
Elle met donc les investisseurs en garde. Investir à l'étranger ajoute un élément de volatilité au portefeuille. Lorsque le dollar canadien se déprécie par rapport au billet vert, les actions américaines prennent de la valeur en dollars canadiens. C'est la situation inverse lorsque le huard gagne en altitude. «Lorsqu'on investit à l'étranger, on prend deux risques, rappelle-t-elle. En plus de celui inhérent aux marchés boursiers, on en prend un sur la devise.»
Les soubresauts provoqués par la trajectoire du huard sont considérables. En 2013, un investisseur qui ne se serait pas protégé aurait ajouté 7 % au rendement de son portefeuille. À l'inverse, il aurait réduit son rendement de 16 % en 2009, commente Mme Sutton.
Lors du lancement des premiers FNB au Canada, les investisseurs avaient le choix entre les FNB canadiens de titres américains couverts contre le risque de devise ou l'achat d'un FNB à la Bourse de New York. Depuis 2012, les principaux fournisseurs canadiens ont commencé à offrir des FNB sans produit de couverture, mais libellés en dollars canadiens.
Le huard sous la loupe
Les investisseurs ne doivent plus s'attendre à ce que l'effet de devise leur donne un coup de pouce, comme cela a été le cas en 2013, commente Clément Gignac, vice-président principal et économiste en chef de l'Industrielle Alliance. Toutefois, M. Gignac anticipe un huard légèrement plus faible, de 85 à 86 cents américains sur un horizon de 12 mois. La dépréciation du baril de pétrole et une économie américaine plus vigoureuse que celle de son voisin du Nord expliquent cela. Pour cette raison, une protection de devises n'est pas nécessaire, selon lui. L'investisseur pourrait même faire encore quelques gains sans couverture.
Malgré l'optimisme ambiant au sujet de l'économie américaine, Camilla Sutton estime que le dollar canadien est peut-être plus fort que certains ne le croient, notamment en raison de la santé budgétaire affichée par Ottawa.
Guy Lalonde, vice-président du Groupe Lamarre/Lalonde de la Banque Nationale, fait fi des prévisions des experts. Pour un investisseur qui adopte une stratégie indicielle, le dollar américain ajoute un élément de diversification, car il réagit différemment d'autres catégories d'actifs, dit le conseiller en placement et gestionnaire de portefeuille. Sa stratégie est de maintenir une couverture pour une partie de ses investissements.
4 %: Les actions canadiennes représentent 4 % des actions mondiales. Source : Placements NEI
- 12,6 %: Le dollar canadien s’est déprécié de 12,6 % par rapport au dollar américain depuis septembre 2012.
Cliquez ici pour consulter le dossier FNB: Comment bâtir un portefeuille solide