Pas à pas, les entrepreneures québécoises prennent leur place au sein du monde des affaires. Le point avec une leader d'expérience.
Ruth Vachon a relevé la plupart des défis qui jalonnent le parcours d'une entrepreneure. Présidente du Réseau des femmes d'affaires du Québec (RFAQ) depuis près de deux ans, la Saguenéenne a commencé sa carrière par un passage chez Alcan, puis elle a fondé, à 28 ans, la première de ses deux entreprises... ainsi que son foyer familial. Engagée et volontaire, nommée femme d'affaires du Saguenay à maintes reprises, Mme Vachon porte désormais un regard neuf, grâce à un certain recul, sur les nouveaux enjeux auxquels fait face la gent féminine professionnelle.
Une question d'ambition
«On ne prend pas conscience de l'ampleur de nos défis quand on est entrepreneure, tellement on est dans notre bulle», constate-t-elle aujourd'hui. L'enjeu le plus critique, à ses yeux, est- ce l'équité salariale ? la parité ? la conciliation travail-famille ?
Que nenni. Même si ceux-ci demeurent primordiaux, Ruth Vachon brandit avant toute chose les résultats d'une récente étude de chercheurs de l'Université d'Ottawa : selon leurs conclusions, les descendants d'Adam auraient en général plus d'ambition que ceux d'Ève. Mais pour Mme Vachon, cette situation n'est pas due à un manque d'ambition, plutôt à un manque de confiance en soi-même.
«Les femmes d'affaires québécoises doivent prendre conscience de leurs capacités. Elles sont réticentes quand il s'agit de se promouvoir, de communiquer sans complexe leurs performances. Elles sont très humbles ; on dirait qu'elles ont peur d'être prétentieuses», indique celle qui s'est donné pour mission de lever les freins vers la réussite que les femmes mettent elles-mêmes.
Le désir de ne «pas aller trop vite», de «garder l'équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle» se reflète partout, peut-être même de façon plus intense chez les plus jeunes. «Au RFAQ, on a eu l'occasion de former des femmes de la génération Y ayant des carrières de taille ; des jeunes de chez Deloitte, du Cirque du Soleil. Elles disent vouloir le même résultat que nous [des femmes d'affaires plus âgées], mais pas de la même façon.»
À la recherche de modèles modernes
Alors, quels moyens et stratégies le RFAQ peut-il mettre en place pour relever ce défi ? Avant tout, définir des modèles différents de ceux que l'on voit actuellement.
«On cherche des modèles de femmes inspirants, atteignables et qui représentent l'équilibre, confie Ruth Vachon, qui souhaite surtout combler l'écart entre les générations. Oui, on a des Monique Leroux, des Jacynthe Côté. Mais comprenez qu'entre 25 et 55 ans, il y a un fossé.»
Et, aussitôt que le réseau prospecte ses modèles féminins idéaux, l'écueil de la confiance en soi ressurgit. «Quand on sollicite des femmes en bas de la quarantaine, elles nous disent : «Attendez, je n'ai rien réalisé encore, je ne suis pas prête». Et pourtant, elles s'investissent dans des entreprises qui font des dizaines de millions de dollars de chiffre d'affaires. La femme considère qu'elle n'en a jamais assez fait», déplore la présidente du réseau.
Un éventail de défis
Bien entendu, au sein du RFAQ, qui compte actuellement un peu plus de 2 000 membres, les autres chevaux de bataille sont loin d'être délaissés. Équité salariale et égalité hommes-femmes sont toujours au menu, et l'aspiration à la parité reste plus que jamais à l'ordre du jour.
«Notre objectif reste d'atteindre la parité et d'augmenter notre présence partout», confirme Ruth Vachon, qui préfère écarter la voie législative.
«On en a assez de parler de lois», dit-elle, précisant que le réseau préfère formuler des propositions de moyens «concrets et réalistes» auprès du gouvernement. Parmi ces derniers, citons le développement de normes pour permettre aux femmes de mieux s'insérer dans les conseils d'administration.
Le deuxième volet de la politique publique pour l'égalité hommes-femmes vient justement d'entrer en vigueur en 2011.
Estimé à 290 millions de dollars, ce deuxième volet prévoit une centaine d'actions au cours des quatre prochaines années, dont la promotion de la parité au sein des conseils d'administration de grandes entreprises privées, ou encore l'encouragement de la participation des entrepreneures aux marchés publics.