Les femmes représentent encore moins de 15 % des administrateurs des entreprises au Québec. Le sujet fait beaucoup parler. Les associations de femmes agissent, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
Solange Côté, 64 ans, administratrice de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), a l'énergie de la femme décidée à faire sa place parmi les hommes. Après avoir siégé aux conseils d'administration d'OBNL et d'entreprises, elle a fait le grand saut. Grâce au Réseau des femmes d'affaires du Québec (RFAQ), qui a présenté sa candidature, elle a été nommée au conseil d'administration de la RAMQ l'année dernière, dans lequel elle siège avec 7 autres femmes (sur 16 membres).
«J'aime être à un niveau où on a un impact sur les décisions. Ça demande beaucoup de travail, car nous, les femmes, on évite de liquider trop vite les dossiers. Sans être tatillonnes, on fait bien nos devoirs», raconte la conseillère et coach d'affaires.
Son parcours dans le domaine hospitalier puis le secteur privé faisait d'elle une bonne candidate. Mais si la RAMQ s'est adressée au Réseau, c'est aussi parce que la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État de 2006 impose à 22 d'entre elles la parité aux conseils d'administration. L'objectif a été atteint : 52,4 % des administrateurs de ces sociétés sont maintenant des femmes. Elles étaient 27,5 % en 2006.
«Les sociétés d'État touchées sont heureuses de ce changement, affirme Ruth Vachon, pdg du RFAQ. Les femmes apportent une autre vision, plus humaniste.»
Quant à Danielle Laberge, qui a siégé dans de nombreux CA avant de se joindre à celui d'Aéroports de Montréal, il y a près d'un an, elle considére que «la diversité apporte une synergie qui fait surgir de nouvelles idées». À condition toutefois d'avoir une présence significative, «ce qui nécessite d'avoir au moins 30 % du CA féminin», estime Julie Miville-Dechêne, la présidente du Conseil du statut de la femme.
Situation contrastée
Dans le privé, où aucune réglementation n'est en vigueur pour encourager les entreprises à nommer plus de femmes dans leur conseil d'administration, la situation est contrastée. La stricte parité est rare, voire inexistante. En 2010, selon une étude de Spencer Stuart, seulement 14 % des conseils d'administration des 100 plus grandes sociétés canadiennes à capital ouvert accueillaient des femmes.
Le domaine bancaire fait d'ailleurs figure d'exception : 8 femmes sur 24 au conseil du Mouvement Desjardins, 6 sur 17 au Groupe Banque TD, 4 sur 15 à la Banque Nationale et 5 sur 13 à la Banque Laurentienne. Le CA de cette banque a été le premier dans son secteur au Québec à être présidé par une femme. «Quand, dans certains cas, comme pour la gestion de portefeuille, la représentation féminine est moins forte dans un secteur, il suffit d'élargir nos recherches et on parvient à trouver», explique Lorraine Pilon, vice-présidente exécutive, affaires corporatives, ressources humaines et secrétaire de la Banque Laurentienne.
Pas assez sûres d'elles
Dans les cas d'entreprises qui ne comptent pas ou peu de femmes dans leur CA, les explications sont multiples : dirigeants peu sensibilisés à la question, faible présence féminine. «Les femmes ont un sens aiguisé de la réserve et de la remise en question. Elles n'osent pas se mettre en avant et ont souvent une aversion au risque supérieure aux hommes», dit Nathalie Francisci, présidente de l'Institut des administrateurs de sociétés (IAS) - section Québec.
Quelles qu'en soient les raisons, «s'il y a des progrès, ils sont petits, déplore la présidente du Conseil du statut de la femme, qui a publié un avis sur la question en décembre 2010 : «La gouvernance des entreprises au Québec : où sont les femmes ?» L'intérêt médiatique est là, il y a beaucoup de think tank, mais il faudrait une plus grande transparence. Par exemple obliger les entreprises à afficher les profils recherchés, car beaucoup de secret entoure les nominations.»
Les entreprises devraient nommer des femmes dans leur conseil d'administration, ne serait-ce que par souci d'efficacité économique, renchérit la pdg du RFAQ. «Leur avis compte, puisque ce sont elles qui influencent 80 % des décisions d'achats du foyer en Amérique du Nord !»