Si les femmes parviennent de mieux en mieux à occuper des postes de cadres intermédiaires et de chefs d’équipe, elles peinent toujours autant à atteindre les postes de haute direction. Leur handicap ne serait ni le désir, ni la volonté, ni le manque de compétences, mais plutôt leur réseau social.
C’est du moins ce que tend à démontrer une nouvelle étude de la Chaire Claire-Bonenfant –Femmes, savoirs et société de l’Université Laval. Menée auprès de 56 cadres supérieurs (vice-présidents ou équivalent) dans trois organisations de la Capitale Nationale dotées de programmes d’égalité en emploi, l’étude ne permet pas de généralisation, mais les schémas qu’elle met en lumière alimentent la réflexion et peuvent inspirer des actions.
«Notre première surprise est à l’égard du sentiment que les choses ont beaucoup changé. On a tendance à surestimer l’évolution des femmes à partir de secteurs où il y a une évolution. On surestime les progrès en fait», explique la chercheure Hélène Lee Gosselin.
Les femmes obtiennent maintenant la majorité des diplômes dans les programmes de baccalauréats en administration, elles occupent 40% des postes de chefs d’équipes et de cadres intermédiaires, mais le plafond de verre de la haute direction leur est encore difficile à briser. Selon Catalyst, en 1999, les femmes occupaient 12% des postes de cadres supérieurs des 500 plus grandes entreprises canadiennes. En 2010, c’était 17,7%.
«À ce rythme, ça prendrait 33 ans pour atteindre la zone de parité, mais comme la progression a ralenti depuis 2004, ça pourrait être encore plus long», observe Mme Lee Gosselin.
Un enjeu pour les femmes
L’étude Où sont les femmes dans la direction des organisations? s’est employée, au moyen d’entrevues, à comparer les parcours professionnels des cadres supérieurs masculins et féminins de trois grandes organisations de la région de Québec.
Les hommes comme les femmes étaient davantage en couple que la moyenne québécoise et avaient plus d’enfants que la moyenne également. Toutefois, la conciliation travail-famille est apparue un enjeu pour la totalité des femmes, alors qu’un seul homme a évoqué cette préoccupation.
«Les femmes vivent cette réalité dans l’isolement, en se demandant comment les autres font. Elles font appel à tout leur réseau personnel pour avoir des solutions de rechange, tout repose sur leurs épaules. Mais il faut que la conciliation travail-famille devienne un enjeu d’adultes, pas seulement de femmes», soutient Mme Lee Gosselin, soulignant que les cadres ont justement le pouvoir d’améliorer les pratiques des organisations à cet égard.
Autre constat qui donne à réfléchir : les hommes performants ont été reconnus dans les organisations pour lesquelles ils travaillaient par d’autres hommes influents qui sont devenus leurs mentors et leur ont fourni des occasions d’avancement. Mais pas les femmes.
«Plusieurs ont dû changer d’organisation pour obtenir des défis à leur mesure. Elles ont mené des recherches, alors que les hommes ont eu des offres à l’interne. Gérer sa carrière pour une femme demande plus de flexibilité. Il y a moins d’opportunités parce que leur capital social est moins grand», a constaté la chercheure.
Le rôle crucial des organisations
Il est apparu également que les femmes s’auto-excluent de postes de haute direction en surestimant l’ampleur de la tâche et en sous-estimant les facteurs positifs de ces emplois.
«Quand on a un mentor, on a accès à des informations précises sur la nature du travail, mais les femmes ont moins de réseaux, car les hommes s’entourent d’hommes; c’est humain, on se regroupe avec ceux qui nous ressemblent.»
Hélène Lee Gosselin soutient qu’il faut prendre conscience que les stratégies individuelles sont insuffisantes pour franchir le plafond de verre. Tabler sur son expérience et sa scolarité n’est pas un gage de réussite en soi et les organisations, pas seulement les femmes dit-elle, ont un rôle à jouer pour que la situation évolue.
«Les organisations doivent réaliser que pour des raisons historiques et culturelles, le terrain de jeu des femmes n’est pas le même, elles doivent arrêter de penser que l’équité est réalisée et elles doivent se préoccuper de développer tous les talents, masculins et féminins.»
Aussi, suggère-t-elle, des programmes de mentorat spécifiques aux femmes devraient être mis en place.