La Nouvelle-Angleterre est voisine du Québec. C'est un avantage, certes, mais il n'en reste pas moins que la région demeure un marché étranger. Il faut donc une stratégie bien aiguisée pour tirer le maximum de ses atouts et éviter les pièges, surtout s'il s'agit d'une première expérience de vente hors de la province.
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«On peut penser que le marché est tellement grand que ce sera facile d'y entrer et d'obtenir un certain volume de vente. Au contraire, comme c'est un grand marché, il y a aussi beaucoup de concurrence. L'entreprise doit avoir un plan et être prête à investir», explique Tatiana Bossy, présidente et cofondatrice de La Maison Le Grand, un fabricant de produits alimentaires artisanaux de Blainville fondé en 1997.
Aujourd'hui, la PME exporte notamment dans le Maine et au Vermont. Elle mise toutefois d'abord sur les marchés du Connecticut et de New York. Les produits de l'entreprise se retrouvent sur les tablettes d'épiceries comme Wegmans, The Fresh Market et Whole Foods Market, une société ayant généré des revenus de plus de 12,9 milliards de dollars américains en 2013.
Ambitions modestes
Certaines firmes arrivent pour la première fois sur le marché américain avec des idées de grandeur. La Maison Le Grand avait plutôt des ambitions modestes. De 2005 à 2010, l'entreprise ne vendait qu'à New York, directement dans une seule boutique. Mais cette approche s'inscrivait dans une stratégie de croissance à long terme.
«J'ai préféré m'initier à petite échelle plutôt que de risquer de brûler notre nom. Je ne veux pas apprendre sur le dos d'un client très important. Au début, c'est sûr qu'on commet des erreurs», explique Mme Bossy.
Les formalités douanières peuvent être très complexes selon le domaine d'activité. Il faut apprendre à remplir les papiers et se familiariser avec les vérifications. Cette stratégie de croissance graduelle a entre autres permis à l'entreprise de tester différents courtiers en douane.
Elle exporte en Nouvelle-Angleterre depuis 2010. Maintenant, environ 10 % de son chiffre d'affaires annuel vient de cette région.
La PME de Blainville tire un grand avantage de la proximité de ce marché, puisque ses produits sont frais et peuvent être livrés rapidement, en 48 heures, parfois même en moins d'une journée. Cette proximité représente un avantage en matière de réseau de vente, parce qu'il est parfois possible de couvrir le territoire de la Nouvelle-Angleterre avec ses représentants internes, note Yanick Godbout, commissaire à l'exportation pour Développement PME Chaudière-Appalaches. «Ils peuvent s'y rendre en voiture. La part des bénéfices est plus élevée, car il n'y a pas d'intermédiaire», dit-il.
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Obtenir du soutien
C'est une option qu'il faut prendre en considération. Mais ce n'est pas toujours la meilleure stratégie. Tatiana Bossy, par exemple, évalue qu'il est beaucoup plus avantageux pour son entreprise de faire appel à des distributeurs, car ils lui permettent d'obtenir un plus grand volume de vente que ce que les chaînes spécialisées, ayant peu de magasins, pourraient lui assurer individuellement. «Il faut aussi absolument faire affaire avec des courtiers pour être mis en contact avec des clients, parce que les acheteurs sont très sollicités.»
La proximité, géographique et culturelle, est un couteau à double tranchant. Environ 30 % des habitants de la Nouvelle-Angleterre ont des racines québécoises, selon la Délégation du Québec à Boston. Cela permet d'établir un lien de confiance rapidement. «Le piège dans cette région, qui est presque un marché local, c'est que les gens d'affaires québécois pensent qu'ils sont un peu chez eux. Ils n'ont pas toujours le réflexe de vérifier s'ils sont conformes sur les plans réglementaire et légal», dit M. Godbout.
En conséquence, il est judicieux de se laisser du temps pour obtenir de l'aide, de l'accompagnement et des conseils, et de le prévoir dans sa stratégie. C'est une étape qui est souvent esquivée, remarque Éric Tétrault, président de Manufacturiers et exportateurs du Québec.
Une piste d'explication, c'est qu'il y a beaucoup d'entrepreneurs artisans au Québec, des gens qui sont eux-mêmes investis dans la production. Ils sont à la fois directeurs des ressources humaines, de la production et de l'ingénierie.
«Quitter la ligne de production pour aller chercher de l'information, ce n'est pas toujours leur premier réflexe», dit M. Tétrault.
Pourtant, ce ne sont pas les ressources qui manquent. Plusieurs organismes, comme Export Québec, aident les entreprises à faire leur chemin vers le marché de la Nouvelle-Angleterre. Il y a aussi beaucoup de possibilités de réseautage. Le Salon Classe Export, qui a lieu à la mi-mai à Montréal, est une telle occasion.
Et parce que la région a déjà été bien défrichée par plusieurs entreprises, il est rarement nécessaire de réaliser une étude de marché, indique Éric Tétrault. Il en existe beaucoup, et cette information peut parfois être obtenue auprès des organismes de soutien à l'exportation.
Mais au bout du compte, la meilleure stratégie reste d'être au bon endroit au bon moment. Tatiana Bossy est arrivée aux États-Unis avec ses produits il y a 10 ans, alors que le marché américain de l'alimentation était en pleine effervescence. Elle a sauté sur la vague au bon moment. «La qualité de la nourriture est bien supérieure à ce qu'elle était il y a 10 ans. Quand je visitais ma famille à Chicago, il fallait que j'apporte mes yogourts, parce que ceux qu'on trouvait là-bas étaient immangeables.»
Exporter en Nouvelle-Angleterre
Série 3 de 3. Les États de la Nouvelle-Angleterre et de New York sont un beau terrain de jeu pour les PME québécoises tentées par l'aventure de l'exportation. Des exemples d'entreprises qui ont réussi le saut.
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