Le 16 septembre dernier, la société de Vancouver Integra Gold ouvrait aux internautes du monde entier le Défi Ruée vers l’or, dans l’espoir de découvrir de nouveaux gisements aurifères sur sa propriété de Sigma-Lamaque, près de Val-d’Or. Cet « approvisionnement par la foule » (crowdsourcing) lui évite de mobiliser ses propres géologues, qui pourront ainsi continuer de se concentrer sur la zone Triangle.
Lorsque l’équipe d’Integra s’est installée dans l’usine de traitement de Sigma, acquise en octobre 2014 pour 8 millions, elle a fait une découverte inespérée : des disques durs externes, abandonnés quelque part à l’arrière du bureau d’exploration par les précédents propriétaires. Véritable lampe d’Aladin, ces disques contenaient pas moins de six téraoctets de données brutes, remontant jusqu’à septembre 1939. Il s’agissait essentiellement de scans des milliers de feuilles d’archives qui jaunissent dans les classeurs de l’usine.
« Nous aurions pu confier ces données à nos géologues et les détourner temporairement de leur travail sur la zone Triangle », raconte George Salamis, président du conseil d’Integra. « Mais on a estimé que ça leur prendrait plusieurs années de compilation et d’analyse, des dizaines de milliers d’heures pour en arriver à une conclusion satisfaisante. » La société compte une dizaine de géologues.
Heureusement, il existait une autre option : jeter ces données en pâture aux internautes pour qu’ils fassent le travail eux-mêmes. Ceux d’entre eux qui soumettraient les meilleures idées au terme du concours se verraient récompensés, pour des prix totalisant 1 million.
Cette méthode, appelée « approvisionnement par la foule » (crowdsourcing) n’est pas nouvelle dans l’industrie. Rob McEwen, fondateur et ancien président-directeur général de Goldcorp, l’avait utilisé avec succès en 2000 dans l’espoir de dénicher 6 millions d’onces d’or sur sa propriété de Red Lake, en Ontario. À ce jour, on estime à 6 milliards la valeur des gisements ainsi découverts.
Avant de tout mettre en ligne, Integra a confié à la firme InnovExplo le soin de rendre plus « digestes » les six téraoctets de données brutes contenues dans les disques durs. Après trois mois de compilation et de compression, celles-ci ont ainsi réduites à 25 gigaoctets de graphiques 3D. La plateforme HeroX s’occupe de la gestion du concours tandis qu’Amazon Web Services se charge de l’hébergement. Les participants ont jusqu’au 1re décembre pour soumettre leurs idées.
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Vers l’exploration souterraine à Lamaque Sud
Sur le terrain, on est soulagé d’avoir été dispensé de ce labeur. « Honnêtement, notre priorité, c’est la zone Triangle », dit Langis St-Pierre, chef de l’exploitation. « C’est là qu’on a le plus de chances de partir une mine à court terme. Ça ne veut pas dire que ce qui va sortir du concours, on ne pas rien faire avec. »
La société a déjà foré 50 000 mètres en 2015, dont près de 28 000 sur sa zone Triangle. « On veut faire une révision des ressources en octobre pour inclure ces mètres-là », dit M. St-Pierre. La dernière estimation de ressources remonte à février, lorsque les ressources indiquées sur Lamaque Sud ont été augmentées de 42 % pour s’établir à 810 560 onces d’or à 9,5 g/t, à une teneur de coupe de 5 g/t.
La société prévoit ajouter un autre 40 000 mètres cet automne, pour un total en 2015 de 90 000 à 100 000 mètres. Elle bénéficie du coup de pouce d’Eldorado Gold, qui a annoncé en août un investissement de 14,6 millions en échange d’une participation de 15 % au capital-actions.
Outre le forage exploratoire, Integra mène des travaux d’aménagement de surface afin de préparer son aventure souterraine. Elle est présentement à ouvrir le portail de la rampe qui doit la mener sous la zone Triangle.
« L’objectif, c’est de faire une campagne d’exploration sous terre avec un échantillon en vrac », explique François Chabot, directeur ingénierie et opérations. « On va descendre une rampe jusqu’à environ 150 mètres de profondeur dans les zones C1 et C2 [de Triangle] et on va aller chercher 15 000 à 20 000 tonnes de minerai, qu’on va usiner. À partir de là on va prendre une décision à savoir si on veut aller plus loin et se rendre en production. »
Les travaux de surface se chiffrent à 5 millions. Integra aimerait ensuite commencer à creuser sa rampe en octobre ou novembre, question de profiter de la température plus clémente. Pour ce faire, elle aura besoin de lever un autre 20 millions. « On compte beaucoup sur notre prochaine révision de ressources [en octobre] pour notre financement », dit M. St-Pierre. « On va sortir notre calcul et voir la réaction des marchés. »
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