Que ce soit au démarrage ou pour assurer la croissance, la recherche de financement est rarement simple. Les Affaires a convié trois entrepreneures aux profils variés à s'exprimer sur la question lors d'une conversation téléphonique : Nathalie Légaré, de Location Jean Légaré, Catherine Fafard, de Ketto Design, et Nancy Florence Savard, de Productions 10e ave.
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Le financement est-il leur principal défi en affaires ? La réponse de Nathalie Légaré fuse : «C'est le plus compliqué ! Dans mon domaine, il faut constamment renouveler le parc de véhicules. Chaque fois, il faut obtenir du financement. Personne ne peut payer 400 autos d'un coup !»
Cette situation a complexifié son rachat de l'entreprise familiale. Avant de lui accorder un prêt, les banques exigeaient qu'elle mette le bâtiment en garantie. «Pour financer les véhicules, je m'appuie déjà sur la bâtisse. Je ne pouvais pas risquer que mon crédit pour les camions soit coupé.» Le Fonds de solidarité FTQ lui a finalement avancé l'argent après une enquête approfondie, mais sans demander de garantie.
Nancy Florence Savard fait elle aussi des pieds et des mains pour financer ses films, ses séries et ses documentaires. «Ça occupe une grande partie de mon temps, car chaque film demande environ six rondes de financement. Mon premier long métrage d'animation, La légende de Sarila, a nécessité 12 ans de travail.»
Catherine Fafard estime pour sa part que la recherche de financement se prépare en amont, par les efforts consacrés à la gestion quotidienne de l'entreprise. «Quand l'entreprise est bien gérée, on obtient plus facilement du financement. Il ne faut jamais perdre cela de vue.» Sa PME, Ketto Design, est spécialisée dans les articles illustrés.
Où trouver argent et conseils ?
Les trois femmes s'accordent à dire qu'il faut plusieurs types de financement pour répondre aux différents besoins des entreprises. À preuve : Nathalie Légaré s'est heurtée à la frilosité des institutions financières traditionnelles quand elle a acheté la franchise Pods, spécialisée dans les conteneurs d'entreposage.
«Nous faisons des affaires depuis 40 ans, mais les banques ont refusé de me financer parce qu'elles considéraient Pods comme une start-up du fait qu'elle n'était pas encore établie au Québec», raconte-t-elle. Pourtant, l'entreprise est présente ailleurs au Canada, aux États-Unis, en Australie et au Royaume-Uni. L'oreille attentive et le prêt, la femme d'affaires les a trouvés chez Investissement Québec.
Catherine Fafard a elle aussi cogné aux portes des bailleurs de fonds publics pour financer sa croissance. Il y a deux ans, la Banque de développement du Canada et son centre local de développement (CLD) lui ont prêté 175 000 $ au total pour accroître son stock, tandis que sa caisse populaire lui a consenti une marge de crédit de 50 000 $.
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Les institutions publiques prennent plus de risques, mais surtout elles offrent de l'accompagnement, souligne la copropriétaire de Ketto, qui a aussi fait appel au CLD à ses débuts. Avec l'abolition des CLD, elle craint que cet aspect du financement disparaisse. «Pour emprunter à une banque, il faut des actifs personnels. Un jeune qui se lance dans les affaires n'en a pas. De plus, les idées d'entreprises semblent parfois farfelues. La nôtre était de vendre de la vaisselle peinte à la main et illustrée avec des animaux ! Aucune banque ne nous aurait prises au sérieux», soutient Mme Fafard.
De son côté, Nancy Florence Savard peut compter sur les conseils d'un comptable qui la suit depuis ses débuts. «Il ne m'a jamais freinée, et il m'aide à parler le langage des banquiers et à comprendre ce qu'ils pensent.»
Pour du soutien quant au financement de ses activités, Nathalie Légaré s'est tournée à deux reprises vers des consultants privés. «Ils nous aident à monter notre dossier et ils peuvent même nous accompagner lors des négociations avec la banque. Ils rapportent plus que ce qu'ils coûtent.»
Non à la différenciation
Aucune des trois entrepreneures n'a fait appel à du capital de risque en échange d'une participation dans l'entreprise. Et l'idée ne leur plaît guère. «Je dis non aujourd'hui. Mais peut-être qu'un jour, une occasion de croissance nécessitera ce compromis», dit Mme Fafard.
De son côté, Nancy Florence Savard souligne qu'une vision commune est essentielle : «Il faudrait que l'investisseur apporte un supplément de savoir à l'entreprise et qu'on travaille en partenariat pour croître».
Que pensent-elles du nouveau financement en capital-actions de Femmessor, destiné aux entreprises détenues majoritairement par des femmes ? Elles applaudissent à cet ajout à l'offre de financement, mais éprouvent un malaise quant à la clientèle visée. «Les femmes ont tellement travaillé pour l'équité que je comprends mal qu'on crée un programme qui nous différencie encore», constate Nathalie Légaré.
Les trois femmes affirment ne pas vivre de discrimination... du moins au pays.
Il y a quelques années, Nancy Florence Savard a vu des pourparlers de plusieurs mois échouer, parce que ses interlocuteurs chinois ne pouvaient accepter d'être en coproduction avec une entreprise dirigée par une femme. La légende de Sarila a vu le jour sans eux. «Je suis allée à Shanghai ce printemps présenter Le Coq de St-Victor et il y a désormais plus de femmes dans l'industrie. Les choses seraient sans doute différentes aujourd'hui.»
Entreprendre au féminin
Série 1 de 5. Des femmes d'affaires débattent des grands défis d'entrepreneuriat qu'elles relèvent.
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