Les femmes sont de plus en plus nombreuses à créer des entreprises, apportant de nouvelles manières de faire des affaires, mais aussi de définir la réussite entrepreneuriale. Si, pour les hommes, la réussite est surtout synonyme de hausse de parts de marché ou de croissance du chiffre d'affaires, les femmes recherchent une réussite plus qualitative, reposant sur des critères moins matériels, selon des spécialistes de l'entrepreneuriat féminin interrogés.
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«Mon succès en tant qu'entrepreneure est fondé sur le respect de mes valeurs d'intégrité, le respect des autres, la transparence et la qualité du travail effectué», dit Amina Benzina, présidente et fondatrice d'ABna Services conseils, une entreprise de consultation en gestion de projets. C'est sa passion pour son métier de gestionnaire de projets qui l'a poussée à créer cette entreprise. Depuis ses débuts en 2008, elle a tenu à mettre l'accent sur les valeurs humaines. «J'ai cherché à favoriser le développement de mes collaborateurs et à bâtir une équipe qui travaille dans l'harmonie et le plaisir.»
ABna Services conseils a engrangé 19 millions de dollars de contrats de juin 2013 à juin 2014. Pourtant, Amina Benzina n'est pas prête à faire croître sa société à n'importe quel prix. «La réussite, c'est de bâtir et de faire grandir son entreprise tout en restant soi-même, assure- t-elle. Si cela se combine avec la rentabilité financière, alors c'est le summum de la réussite !»
Si certaines entrepreneures rêvent de conquérir le pays ou de remplir leurs comptes en banque, elles sont nombreuses à partager la vision de la réussite d'Amina Benzina, selon Hélène Lee-Gosselin, professeure au Département de management de l'Université Laval. En 2010, elle a dirigé une étude portant sur des entrepreneures de la Capitale-Nationale. Pour 20 % des 60 participantes, l'élément dominant de leur définition de la réussite était la persévérance.
Ne pas avoir abandonné malgré les obstacles est déjà une réussite. L'équilibre entre entrepreneuriat et vie personnelle arrive en seconde position (17 %), suivi de l'épanouissement personnel (13,5 %), de la satisfaction de la clientèle (12 %), puis de la pérennité de l'entreprise et de l'harmonie avec soi-même ainsi qu'avec les autres (10 %). «Elles préfèrent avoir du plaisir plutôt que de faire grossir l'entreprise, surtout si cela implique de devoir abandonner la production de leur bien ou de leur service pour se consacrer uniquement à la gestion», dit Mme Lee-Gosselin.
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Une vision plus globale
Gloria Lemire, présidente du Réseau Femmessor, constate elle aussi que les entrepreneures ont une vision plus globale de la réussite que leurs homologues masculins. «Les femmes compartimentent moins leur vie que les hommes ; ainsi, réussir en affaires passe par la réussite de l'ensemble de leur vie, dit-elle. Elles veulent réussir leur vie, alors que les hommes cherchent davantage à réussir dans la vie.»
La réussite des entrepreneures est également plus souvent collective que personnelle. «Sans non plus vouloir généraliser, elles souhaitent que leur travail améliore les choses dans leur communauté et que leur réussite serve aussi aux autres et pas qu'à elles-mêmes, explique Claude Ananou, maître d'enseignement à HEC Montréal, administrateur de la Fondation de l'entrepreneurship et lui-même entrepreneur. Leur réussite est aussi plus pacifique, car elles veulent réussir, mais sans écraser les autres.»
Cette définition différente de la réussite a des conséquences sur les entreprises qu'elles dirigent, puisque leur croissance est souvent plus lente. «Statistiquement, les entreprises dirigées par des femmes sont plus petites que ce qu'elles pourraient être, car les femmes ont moins l'esprit de conquête que les hommes et privilégient la proximité avec le consommateur», affirme-t-il. Mais, à défaut d'être fulgurante, la réussite des femmes est durable. «Leurs entreprises sont ainsi plus enracinées et donc moins fragiles», ajoute-t-il, en se fondant sur ses constatations personnelles.
Cependant, la différence des entrepreneures leur joue parfois des tours. «Cela peut nuire à leur crédibilité aux yeux de certains interlocuteurs, reconnaît Gloria Lemire. Mais elles préfèrent cela plutôt que d'aller à l'encontre de leurs valeurs.» Parmi ces interlocuteurs se trouvent les banquiers, qui sont surtout sensibles à un discours fondé sur des résultats et des arguments tels qu'une croissance rapide, des parts de marché importantes, etc. «Ce sont les éléments que les banques retiennent comme indicateurs de la compétence des dirigeants et de la réussite de l'entreprise», résume Hélène Lee-Gosselin.
Cependant, bonne nouvelle pour les entrepreneures : la définition traditionnelle du succès tend à perdre un peu de terrain chez les hommes, surtout chez les jeunes. «Chez les entrepreneurs de la génération Y, les femmes et les hommes tendent à se rejoindre au milieu. Les femmes se rapprochent de la vision traditionnelle de la réussite en affaires des hommes, et ces derniers se considèrent moins que leurs aînés la réussite comme une conquête», estime M. Ananou.
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Entreprendre au féminin
Dans cette grande série, qui paraît toutes les deux semaines, nous vous présentons le parcours d'entrepreneures de tous horizons, nous examinons des enjeux liés à l'entrepreneuriat féminin, et nous donnons la parole à de grandes personnalités féminines du milieu des affaires québécois.
Présenté par Desjardins, avec la collaboration de Femmessor, la Caisse de dépôt et placement du Québec et PwC