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L'industrie canadienne de l'automobile a subi des pertes au cours de la dernière décennie. Toutefois, le Canada assure 14 % de la production mondiale de véhicules. En Ontario, les constructeurs investissent dans des usines d'assemblage plus modernes et plus efficaces, comme celle de Toyota à Cambridge. Le Québec se tourne pour sa part vers le secteur en croissance des pièces d'origine et destinées à l'après-marché.
Depuis la fermeture de l'usine GM de Boisbriand en 2002, qui produisait les modèles Firebird et Camaro, le Québec a cessé de produire des voitures. Seules des entreprises de pièces automobiles d'origine et de pièces de remplacement continuent de tirer leur épingle du jeu.
«L'industrie a perdu plusieurs joueurs. Seuls ceux qui se sont adaptés au marché en réduisant leurs coûts de production s'en sont sortis», souligne Denis Poirier, vice-président exécutif de Spectra Premium, qui fabrique des pièces d'origine et des pièces après-marché. Depuis la crise de 2008, le marché de la fabrication de pièces d'origine au pays est passé de 30 à 20 milliards de dollars. Spectra Premium a dû elle-même fermer une de ses divisions de pièces de magnésium, à Boisbriand, dont les produit étaient destinés aux Acadia et Buick Enclave de GMC. Les quelque 100 employés ont été pour la plupart relocalisés dans les autres usines de fabrication de Spectra à Laval et Boucherville.
Le plus important fabricant de pièces au Québec a tout de même profité de la crise. Il est devenu le seul fabricant de réservoirs d'essence en acier en Amérique du Nord. Dépassés par les prix compétitifs des réservoirs en plastique fabriqués en Asie, les fabricants Ford et Delphi ont cessé de produire des réservoirs en acier après 2008. «Comment nous on a pu survivre? En développant une ingénierie complète dans la fabrication de réservoirs à essence en acier pour voitures hybrides. Additionné à la fabrication de réservoirs pour les camionnettes Ford, ce marché de fabrication de pièces d'origine rapporte aujourd'hui 80 M$, soit 20 % de nos revenus», indique M. Poirier.
À l'instar de Spectra Premium qui s'est adapté, de nouveaux acteurs ont trouvé une façon de se joindre à l'industrie après la crise. Depuis 2009, la beauceronne Texel participe à la fabrication des portes et des toits de plusieurs modèles de voitures avec ses panneaux thermo-formables, un matériau qui permet d'alléger le poids des véhicules. Texel fait directement affaires avec des intégrateurs, soit des fabricants de pièces d'assemblage, qui vendent leurs produits à Toyota, Honda, Chrysler et Ford. «Il y a des pourparlers pour utiliser nos panneaux dans des voitures européennes», dit Marc-André Drouin, chef de la plate-forme automobile chez Texel.
Si le marché des pièces d'origine a été fortement malmené au Canada, le marché des pièces de remplacement, évalué à 20,5 G$ en 2013, s'est maintenu avec des hausses annuelles de 2% à 3% depuis 2008. Et il offre de bonnes perspectives pour les années à venir, selon l'Association des industries automobile (AIA). «Plus d'un véhicule sur deux au Canada est âgé de huit ans et plus. Juste au Québec, les quelque 5 millions de véhicules enregistrés affichent un âge moyen de 8,3 ans», fait savoir Stéphanie Miksik, porte-parole de l'AIA.
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Emplois au ralenti
Si les prévisions de l'industrie automobile se maintiennent, la production nord-américaine de véhicules atteindra un nombre record de plus de 20 millions d'unités d'ici 2016. Et ce rythme devrait se maintenir jusqu'en 2018, voire au-delà du début de la prochaine décennie. Pourtant, l'industrie canadienne de construction automobile est loin d'avoir le coeur à la fête.
Il n'y a qu'à regarder l'évolution du nombre d'emplois, signale Dennis DesRosiers, consultant et analyste de la firme DesRosiers Automotive Consultants, la seule entreprise en analyse de marché spécialisée exclusivement pour le marché automobile. «Depuis la crise de 2008, la production de véhicules a doublé en Amérique du Nord, passant de 8 M à plus de 16 M d'unités. Or, au Canada, l'augmentation du nombre d'emplois dans le secteur de la construction automobile n'a grimpé que de 7,3 % pendant cette même période», soulève l'analyste.
Après avoir chuté sous la barre des 97 000 emplois en 2008, l'industrie a à peine atteint les 104 000 emplois en 2014, soit 38 900 en usine d'assemblage et 65 000 en fabrication de pièces d'origine.
Et rien n'indique que la situation ira en s'améliorant. Rappelons qu'en 1990, le Canada comptait plus de 153 000 emplois liés à la construction automobile. Depuis, le pays a perdu une dizaine d'usines d'assemblage (dont GM à Boisbriand, Hyundai à Bromont, Volvo à Halifax), et aucune d'elles n'a rouvert ses portes. Le Canada, qui a déjà représenté plus de 17 % de la production en Amérique du Nord, ne compte plus qu'une dizaine d'usines de montage de véhicules légers, exclusivement en Ontario. Avec sa production de 2,5 M d'unités, il ne construit plus désormais que 14 % des véhicules nord-américains. «Et d'ici 2020, ce nombre se rapprochera davantage de 10 %», croit M. DesRosiers.
Nouveaux pôles de construction
Les constructeurs déménagent leurs pénates dans le sud des États-Unis et au Mexique, particulièrement depuis la disparition du Pacte de l'automobile en 2000, déclaré illégal par l'Organisation du commerce mondial. Ils y développent de nouveaux pôles de construction leur offrant de larges et généreux incitatifs fiscaux ainsi qu'une main-d'oeuvre bien meilleur marché que celles des États du nord.
Cependant, précise M. DesRosiers, les usines canadiennes toujours en activité ne sont pas sur le point d'être fermées. Au contraire, rassure l'analyste, elles fonctionnent à plein. Ford Canada vient d'investir 700 M$ pour améliorer son usine d'assemblage d'Oakville. En plus de sauvegarder 2 800 emplois, cet investissement permettra de porter à 4 milliards de dollars, soit 200 M$ de plus, le montant investi dans l'achat de pièces automobiles fabriquées au Canada», dit Dianne Craig, présidente de Ford Canada.
Cela dit, le Canada n'a plus de réels leaders dans le secteur automobile, insiste Dennis DesRosiers. La mondialisation fait en sorte que les dirigeants ne prennent plus de décisions majeures, sauf en fonction des profits et des pertes de leur usine. Ce qui inquiète davantage l'analyste, c'est que le déclin de l'industrie canadienne s'est enclenché bien avant la crise de 2008. En fait, dit Dennis DesRosiers, l'industrie automobile canadienne est devenue vulnérable. «Il suffira d'une autre crise pour que les dégâts se poursuivent, à moins que l'on innove, que l'on délaisse le modèle de fabrication et de gestion conventionnelle tel qu'on l'a connu depuis 100 ans», conclut-il.