Pour les profanes, le spectacle est toujours étonnant : des mordus de technologie campent pendant des heures devant une boutique spécialisée pour être parmi les premiers à se procurer le gadget dernier cri.
La ruée s'est encore produite il y a deux semaines, un peu partout au Canada, lors de la mise en vente de l'iPhone 4G, la dernière version du téléphone intelligent d'Apple. Un bel appareil, avec d'innombrables fonctionnalités, mais qui est lancé à peine un an après l'apparition de son " ancêtre ", le 3G...
En fait, dans ce domaine, les lancements se succèdent rapidement, même s'ils ne déclenchent pas tous la même frénésie. Le 3 août, c'était au tour de Research In Motion (RIM) de présenter son nouveau-né, le BlackBerry Torch, qui combine écran tactile et clavier rétractable. Et vous pouvez parier que les autres fabricants ne seront pas en reste.
Loin de s'essouffler, le phénomène s'accélère. C'est l'avalanche. La firme Strategy Analytics a calculé qu'il s'est vendu 308 millions de téléphones portables dans le monde au deuxième trimestre de 2010, dont un grand nombre de téléphones intelligents, comme ceux de RIM (10 millions) et d'Apple (8,4 millions).
Les sceptiques haussent les épaules en disant : " On vivait très bien sans ces gadgets, et on vivra tout aussi bien après. " Ceux-ci sont-ils à ce point essentiels ? Le journaliste français Jean-Louis Servan-Schreiber vient d'ailleurs de publier un essai intitulé Trop vite, où il déplore la dictature de la technologie de l'instantanéité. Plus le temps de souffler, voire de réfléchir...
Peut-être. Mais ces appareils polyvalents aident à gagner une des grandes batailles du 21e siècle : celle de la productivité.
On peut s'en servir pour téléphoner, pour se divertir, pour s'orienter (à l'aide du GPS), et ces petites merveilles de télécommunications sont devenues des alliées exceptionnelles pour réaliser de bonnes affaires.
" Mon BlackBerry m'a permis de convertir mes temps morts en temps de productivité en me donnant accès à mes courriels à tout moment. " C'est aussi votre cas ? Ce commentaire est tiré d'un sondage Ipsos-Reid qui visait à connaître le potentiel de gains de productivité qu'apporte un appareil BlackBerry, toujours dominant dans le milieu des affaires.
" Les utilisateurs indiquent qu'ils récupèrent une heure par journée de travail ", précisent les auteurs du rapport. Ce n'est pas rien. La clé, c'est d'agir immédiatement, la possibilité de discuter virtuellement à l'extérieur du bureau et de s'entendre sur les grandes lignes d'une transaction... même lorsqu'on attend chez le dentiste. La valeur du temps mort récupéré équivaudrait, grosso modo, à 10 % du salaire de l'utilisateur.
Mais tout est une question de mesure. Ici comme ailleurs, le trop est l'ennemi du bien. Il faut savoir s'arrêter. Ce n'est pas pour rien que plusieurs clubs de golf, par exemple, interdisent les téléphones portables. Pas tant à cause du bruit de la sonnerie, forcément irritante, que du fait que des usagers ont tendance à s'en servir de façon compulsive, et retardent ainsi le jeu. C'est comme si on transportait son bureau sur les verts.
En principe, il y a un moment pour le travail et un moment pour la détente. Or, la téléphonie mobile peut entraîner la confusion des genres, si on ne fait pas attention. C'est son côté sombre.
Mais les gains de productivité potentiels, eux, éclaircissent le portrait, surtout quand on considère le défi qui nous attend : nous devrons faire plus avec moins. Moins de travailleurs, s'entend.
Le Population Reference Bureau, de Washington, vient de le rappeler : dans les pays industrialisés, la population active ne cessera de diminuer. En 2050, le ratio, au Canada, ne sera plus que de deux travailleurs pour un retraité. Au Québec, nous risquons d'atteindre ce ratio encore plus tôt.
Or, nous affichons déjà un retard en matière de productivité, et il a été démontré que la faiblesse de nos investissements en technologies de l'information est en partie responsable de ce retard. Pour remonter la pente, les entreprises québécoises devront investir.
Par où commencer ? Les iPhone, BlackBerry et autres téléphones intelligents ne sont pas une solution miracle, mais ils font certainement partie de l'équation gagnante, si on s'en sert judicieusement pour abattre plus de travail sans s'empoisonner la vie. Ce n'est cependant pas une raison pour faire la file pendant une nuit pour vous procurer le dernier modèle !