Il y a cinq ans, la boulangerie St-Méthode, d'Adstock en Chaudière Appalaches, s’est placée sous la protection des tribunaux. À force de persévérance et d’innovation, les affaires ont repris. Voici comment.
L’entreprise familiale, fondée en 1947, vient de lancer un programme d'investissement de 1,7 million de dollars pour agrandir et moderniser ses installations. L’objectif d’accroître la productivité.
Pour l’entreprise, ce projet voit le jour à une période où, de façon générale, les entreprises québécoises accusent un retard de productivité par rapport à leurs concurrents canadiens et américains.
«Les travailleurs québécois n'oeuvrent pas dans un environnement qui leur permette d'être plus productifs», affirme Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité à HEC Montréal. L’organisme a récemment publié le premier bilan de la productivité québécoise.
«C’est une performance mitigée», dit M. Gagné.En fait, le retard sur le plan de la productivité est énorme. Il expliquerait en partie pourquoi le produit intérieur brut du Québec n'a pas progressé aussi rapidement que celui de l’Ontario ou des États-Unis.
En un peu plus d'un quart de siècle, le produit intérieur brut du Québec n'a progressé que de 73 %, une performance nettement inférieure à celles de l'Ontario ( 112%), du Canada ( 105%) et des États-Unis (120 %).
Profiter du dollar
Dans le contexte d'une appréciation durable de la devise canadienne, les gains de productivité et de compétitivité viendront en partie des investissements dans la modernisation des équipements et dans la maîtrise de nouvelles technologies.
«Cela, les entrepreneurs le comprennent bien, et nous devrions voir une augmentation des investissements», dit Simon Prévost, président des Manufacturiers et Exportateurs du Québec.
«Cependant, le grand effort sera sur le plan des ressources humaines et de la formation des travailleurs», ajoute-t-il.
Le rattrapage collectif sera longue et passera par des changements profonds et par des réformes fiscales et législatives. Il engagera non seulement l'entrepreneur et le travailleur, mais aussi le législateur et le formateur.«Il serait illusoire de penser que l'écart de productivité qui s'est creusé depuis près de 30 ans disparaîtra en quelques années. Ce sera un travail de longue haleine», dit Simon Prévost.
Innover et mobiliser
Les mots clés du redressement dans une conjoncture de raréfaction de la main-d'oeuvre seront innovation, apprentissage, formation, et surtout, mobilisation.
Benoît Faucher, directeur général de la boulangerie St-Méthode, est bien placé pour le savoir. «La part de l'innovation est importante, précise-t-il. Nous mettons deux ou trois nouvelles variétés de pains sur le marché chaque année. Notre produit demande plus de savoir-faire, il faut compter sur l'engagement de notre personnel.»
À ce titre, l’exemple des grandes entreprises est aussi valable. Dans l'usine du manufacturier de pneus Bridgestone, à Joliette, les mots Six Sigma, kaizen, suru-raku font partie du vocabulaire courant des opérations.
Ces mots se rapportent à la recherche de l'excellence et ont mobilisé tout le personnel depuis cinq ans. Ils ont en fait été déterminants dans les gains de 20 % de la productivité enregistrés à l'usine.
«La partie la plus importante des gains de productivité que nous avons réalisés vient de nos employés eux-mêmes», dit Robert Verreault, directeur général.
L’usine canadienne de Bridgestone, un géant mondial de l'industrie du caoutchouc dont le siège social se trouve à Tokyo au Japon, est en concurrence avec des usines d'Asie, d'Europe et d'Amérique latine. «Nous essayons toujours de nous classer parmi les usines de classe mondial», affirme M. Verreault.L'usine n'a pas toujours été dans cet état d'esprit. Entre 1966 et 1995, elle a connu cinq conflits de travail importants. «Nous avons survécu parce que nous avons instauré un climat de partenariat avec nos employés», explique le directeur général.
Savoir s’ajuster
L'usine de Joliette a réussi une importante réorganisation pour gagner en flexibilité. En 2001, l'usine employait 1 060 personnes et fabriquait 25 modèles de pneus en grands lots. Aujourd’hui, elle emploie 1 250 personnes et fabrique 68 modèles de pneus en lots plus petits.
Pour les PME, le mot clés est: flexibilité. Il représente la capacité de l’entreprise à faire face aux changements de marché. C’est d’ailleurs le mot d’ordre de la Boulangerie St-Méthode.
Chaque semaine, environ 250 000 pains sortent des fours de la boulangerie St-Méthode. Ils sont distribués dans le réseau des grandes chaînes de la distribution alimentaire. Grâce aux investissements qu'elle projette, sa production hebdomadaire grimpera à 350 000 pains.
La boulangerie pourra alors envisager d'exporter son pain frais aux États-Unis. L'effectif de 240 personnes restera le même. «La croissance de l'emploi viendra par la croissance du volume; alors, il nous faudra plus d’employés», conclut Benoît Faucher.